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L’Agence centrale des prisonniers de guerre du Comité international de la Croix-Rouge1, au Chef du Département de Justice et Police, Ed. von Steiger2

M. le Président Max Huber vient de recevoir deux requêtes signées de plus de 45 réfugiés du camp de Caux et annonçant d’autres envois du même genre. Ces requêtes nous ont été d’ailleurs adressées également par voie directe.

Les réfugiés signataires de ces documents appartiennent au groupe de Bergen-Belsen. Ils ressortissent à diverses nationalités. Ils ont été informés le 6 avril qu’ils devaient se préparer à quitter la Suisse pour être acheminés sur Philippeville en Algérie et, de là, continuer leur voyage jusqu’en Palestine. Les requérants ne désirent pas être obligés de fixer leur séjour en Palestine. Ils estiment que les événements actuels leur ouvrent de nouvelles perspectives. En conséquence, ils désirent rentrer dans leurs patries respectives de telle façon qu’ils puissent se vouer à des tâches sociales et nationales et à leurs occupations professionnelles. Dans leur pensée, le retour dans leur pays semble normal. Une obligation d’aller s’établir dans une autre contrée leur est complètement hostile.

Conformément aux instructions de M. le Président Max Huber, je prends la liberté de vous prier de bien vouloir examiner avec la plus grande bienveillance les deux requêtes dont il s’agit et éventuellement celles qui vous parviendront encore. Il nous paraît en effet difficile d’accepter que des réfugiés parvenus en Suisse et qui pourraient prochainement rentrer dans leur pays soient contraints d’aller s’établir dans une autre partie de l’Europe et détournés ainsi de leurs vocations respectives et des missions qu’ils estiment pouvoir et devoir accomplir.

Nous ne nous dissimulons ni les difficultés d’un séjour prolongé en Suisse ni celles qui résulteront d’un changement des dispositions prises mais, sans doute, voudrez-vous bien tenir compte des conditions nouvelles qui résultent des opérations militaires et qui vont très probablement autoriser le franchissement de frontières jusqu’ici complètement fermées. En résumé, nous recourons avec confiance à votre haute autorité et sommes assurés que les intentions des réfugiés de Caux seront comprises par les autorités suisses et prises en considération par elles.