La "scission" maiïste dans le POP vaudois est indissociable de la personne de G. B. Ce jeune militant de Vevey, secrétaire de sa section en 1963, était depuis quelque temps en conflict (conflit de nature plus personnelle que politique) avec les "vieux" du POP veveysan, dopnt l'indéracinable Auguste von der Aa, qu'il nommait dédaigneusement "Auguste-le-socialste". Ce dernier incarnait le POP des assemblées traditionnelles quelque peu ronronnantes, alors que les jeunes voulaient plus d'"ambiance", de "chants révolutionnaires", etc. Il y avait donc, entre les générations, une différence de sensibilité politique.
C'est au cours de vacances d'été en Albanie, en août 1963, que B. connut son chemin de Damas. Dans ce pays "enchanteur (...) où le peuple bâtit un avenir radieux", "véritable oasis dans lequel (sic) règnent la fraternité, dla démocratie et l'unité totale entre le Gouvernement et le peuple"; il se convertit aux thèses maoïstes avec l'entousiasme des néophytes. Il s'y persuada que la réussite de l'Albanie était due au fait que ses dirigeants "n'ont pas dévié d'un pouce de la ligne MARXISTE-LÉNINISTE suivie par Staline", au lieu de succomber à la "trahison khrouchtchévienne" ou de "l'ignoble clique de Tito" et de suivre "la voie honteuse du bourbier de la capitulation et de la collaboration avec l'impérialisme, sou le couvert de la coexistance pacifique." Derrière "le vaillant Peuple Albanias", il y avait la République Polulaire de Chine "avec, à sa tête, le vénéré et génial Mao Tsé-toung".
Dès son retopur d'ALbanie, B. fonda son Parti COmmuniste Suisse, répercutant aussitôt contre le Parti du Travail les formules apprises dans le Pays des Aigles: "notre POP et PST suit allLégrement le chemin de la honte et de la trahison. Il est entendu que nos chefs vont se faire héberger et goberger à Moscou, mais ce n'est pas une raison pour suivre le criminel Khrouchtchev dans la voie du révisionnisme moderne et de la capitulation totale face aux impérialistes." La nouvelle formation de dota d'un journal, L'Étincelle, en référence à l'Iskra de Lénine.
En réalité, le "parti" semble bien s'être limité a G. B. et à quelques fidèles. Le PCS maoïste n'avait guère d'existence en dehors du cerveau de son fondateur, comme il l^'avouait lui-même avec une certaine naïveté: "Jusqu'à maintenant, je me suis débrouillé seul pour couvrir les frais du Parti et du journal."

Pierre Jeanneret: Popistes. Histoire du Parti ouvrier et populaire vuadois 1943-2001. Lausanne (2002), p. 149