Entstehung und Bedeutung des Staatsstreiches von Neguib bey. Beschreibung des Verhaltens der englischen und amerikanischen diplomatischen Vertreter. Überlegungen zu den Ereignissen und ihren Auswirkungen auf die Schweizer Interessen.
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 19, doc. 17
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2300#1000/716#350* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2300(-)1000/716 172 | |
Titre du dossier | Kairo, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 7 (1952–1952) |
dodis.ch/9187 LE COUP D’ETAT DE NÉGUIB BEY: LES RAISONS DE SA NAISSANCE ET SON IMPORTANCE. L’ATTITUDE DES AGENTS DIPLOMATIQUES ANGLAIS ET AMÉRICAINS. RÉFLEXIONS SUR LE DRAME QUI VIENT DE S’ACCOMPLIR,
LA RÉPERCUSSION SUR LES INTÉRÊTS SUISSES
Le 22 juillet, le Cabinet Sirry pacha, démissionnaire, avait été remplacé par un cabinet Hilali pacha.
Dans la nuit suivante, le Colonel Néguib bey, leader d’un groupe d’officiers mécontents, occupa la capitale avec des troupes qui lui étaient dévouées. Son action avait été déclenchée, semble-t-il, par le fait qu’au lieu de confier le portefeuille de la guerre à ce haut militaire, comme le désiraient ses camarades, le Roi avait nommé à ce poste son propre beau-frère, Cherine bey, mari de l’ex-impératrice de Perse2. Ce jeune homme était loin d’être impopulaire dans l’armée, mais les auteurs du coup d’Etat voyaient dans ce choix une provocation du Souverain et une ingérence intolérable dans les affaires du gouvernement, car Cherine bey devait être, selon toute apparence, l’œil et l’oreille du chef d’Etat dans le cabinet Hilali pacha, qui reprenait, comme celui de Sirry pacha, les allures d’une dictature royale. L’effet immédiat de l’entrée en scène de Néguib bey fut la démission de Hilali pacha qui fut aussitôt remplacé par un gouvernement réduit d’AlyMaher pacha qui semblait du goût des insurgés. De son côté, Néguib bey, après avoir rallié autour de lui la majeure partie des troupes de terre, de mer et de l’air et avoir été largement applaudi par le peuple, demanda au Roi d’autoriser enfin que les trafiquants d’armes pendant la guerre de Palestine fussent jugés, et de remplacer certains officiers supérieurs par d’autres jouissant de la confiance de l’armée. Le Souverain accepta. Enhardi par ce succès, Néguib bey fit occuper également Alexandrie, investir les palais royaux dans cette ville et exigea du Chef d’Etat qu’il renonçât à certaines de ses prérogatives autocratiques et se contentât de devenir un souverain purement constitutionnel. Cette fois-ci, Farouk 1er refusa énergiquement. Il fut alors contraint, sous la pression des armes, d’abdiquer en faveur de son fils et de quitter le pays dans l’espace de quelques heures. Le lendemain, le petit prince Ahmed Fouad fut proclamé par le Cabinet Maher Roi d’Egypte et du Soudan; c’est également le Cabinet Maher qui assuma les prérogatives du Conseil de Régence.
Cela accompli, Néguib bey s’aboucha avec les chefs des partis politiques – dont plusieurs étaient accourus de l’étranger – et souligna devant eux qu’il ne s’occuperait que des intérêts de l’armée, en laissant la politique au gouvernement légal; en outre, il releva, à plusieurs reprises, qu’il désirait que la Constitution fût respectée et que le pays demeurât une monarchie constitutionnelle.
Voilà où en sont les choses au moment où je vous écris. Permettez-moi maintenant de vous exposer quelques réflexions sur ce qui s’est passé.
Le coup d’Etat de Néguib bey est dû à l’insatisfaction profonde de l’armée qui n’a oublié ni la mauvaise conduite des opérations militaires pendant la guerre de Palestine, ni la fourniture d’armes défectueuses, scandale auquel étaient mêlés de très hauts officiers et, croyait-on, l’entourage même du Roi. D’autre part, le changement continuel des gouvernements qui se sont succédés au cours de ces derniers mois avait exaspéré certains officiers, parce qu’ils y voyaient un caprice du souverain et que l’armée n’y obtenait jamais ce qu’elle désirait. Il semble d’ailleurs que l’exemple de l’armée syrienne ait inspiré ces militaires; on sait aussi qu’en ce moment ils lisent avec enthousiasme la vie d’Arabi pacha qui s’était révolté en 1882 contre le Khédive Tewfik, accusé de trop de complaisance à l’égard d’éléments étrangers et d’avoir dilapidé les deniers publics.
Néguib bey est-il vraiment le chef de ce mouvement d’insatisfaction? Il semble que non; ce colonel en serait plutôt le porte-parole, une sorte de frère aîné plus expérimenté que les autres. Le mouvement reposerait surtout sur un groupe confus, mais assez nombreux, de jeunes officiers, capitaines et majors, assoiffés d’action et désireux de jouer un rôle; il y aurait des éléments de gauche et des amis des «Frères Musulmans». Mais aucune puissance étrangère ne semblerait – jusqu’ici – exercer une influence sur eux. Le mouvement de Néguib bey est donc, pour le moment du moins, purement national.
Ce mouvement ne semble pas avoir été organisé à l’avance pour un cas ou un jour déterminé, bien que l’on y ait fréquemment songé. Il serait né assez subitement du mécontentement provoqué par la constitution du Cabinet Hilali pacha dont l’arrivée au pouvoir fit déborder la coupe. Aussi, à part certains points concernant l’armée et certaines épurations dans l’administration, ce mouvement ne semble-t-il pas avoir pour le moment un programme politique précis; il agit effectivement au jour le jour, sans méthode, quelquefois même d’une manière puérile. Il faut reconnaître cependant que jusqu’ici le coup d’Etat s’est opéré dans l’ordre extérieur et que la vie de tous les jours n’a pas été arrêtée un seul instant. Mais aucune garantie n’est donnée pour l’avenir où les extrémistes peuvent prendre le pas sur les éléments modérés. L’armée peut aujourd’hui faire exactement ce qu’elle veut; il n’existe plus aucune force dans le pays qui puisse l’en empêcher: pratiquement, toutes les forces armées et la police sont sous le contrôle de Néguib bey; seules quelques garnisons avaient résisté au début.
Une des caractéristiques du présent mouvement réside dans le fait qu’il s’est déroulé en dehors des vieilles idées de lutte contre l’Angleterre ou de combat pour la réalisation des aspirations nationales et en laissant complètement de côté les questions de partis. D’autre part, c’est la première fois que le pays produit un mouvement capable de destituer le souverain pour des raisons nationales, alors que jusqu’ici ces départs avaient été provoqués par des puissances étrangères et pour des raisons de politique internationale. Ce que l’armée a fait aujourd’hui une première fois, elle peut le répéter dans l’avenir et en vue d’atteindre d’autres buts: c’est là un avertissement à tous ceux qui se croiraient sûrs de leur position parce qu’ils détiennent le pouvoir politique.
Le peuple, dans les deux capitales, a, selon les journaux et selon ce que j’ai pu constater moi-même, accueilli favorablement le mouvement de Néguib bey et la destitution du Roi. Je ne sais pas ce qu’il en est de la campagne. Le Souverain, à la suite de ses extravagances, avait perdu beaucoup de sa popularité dans de nombreux milieux et ses continuelles ingérences dans les affaires publiques, obéissant souvent à des mobiles personnels et intéressés, avaient exaspéré les civils autant que les militaires. Il est certain aussi que de nombreuses réformes auraient pu être au moins tentées si le Souverain luimême ne s’y était pas opposé parce qu’il en redoutait les répercussions sur ses propres affaires.
Ce qui vient de se produire ces jours derniers est psychologiquement un régicide par le peuple lui-même et on sent que ce dernier s’en rend confusément compte. Pour la première fois, il a agi lui-même par le truchement de l’armée qui se dit d’ailleurs son mandataire exclusif. C’est une nouvelle étape sur le chemin de l’éducation politique du peuple égyptien, qui ne sort que lentement de sa léthargie, en dépit de l’adoption officielle de la démocratie en 1922.
Les étrangers n’ont pas été touchés; les assurances qui leur ont été données à plusieurs reprises par Néguib bey et ses appels répétés à la population de s’abstenir de tout geste inconsidéré de xénophobie, obéissaient en réalité à sa crainte de voir les troupes anglaises intervenir dans les affaires du pays et entraver le mouvement. En assurant un strict respect des biens et de la sécurité des étrangers, on enlevait aux Anglais toute raison d’ingérence. Il est certain que tant l’agent diplomatique britannique3 que l’Ambassadeur des Etats-Unis4 tinrent pour nécessaire d’attirer l’attention d’AlyMaher et de Néguib bey sur les conséquences graves que pourrait avoir la molestation des résidents étrangers. Les troupes anglaises au Fayed étaient d’ailleurs de piquet et des navires britanniques croisaient au large, à proximité de l’Egypte. L’Ambassadeur des Etats-Unis intervint, en outre, pour s’assurer que la personne du Roi ne serait pas touchée et que son départ se fît d’une façon digne, ceci pour maintenir à la monarchie un minimum d’autorité.
Avec la destitution du monarque par l’armée, le seul obstacle au désordre est tombé. Si l’armée, qui devait faire respecter l’ordre et maintenir la sécurité fait elle-même la révolution, que va-t-il se passer maintenant? Personne ne le sait encore.
Le mouvement Néguib bey n’a pas de programme précis, autant qu’on sache. Les partis politiques flattent le général vainqueur. Celui-ci est poussé par des jeunes gens et plébiscité par la masse populaire. On ne peut se défendre de certaines appréhensions; tout ce qu’on peut faire, c’est espérer que le mouvement ne glisse pas vers le radicalisme.
De toute façon, beaucoup de travail immédiat est à faire; il y a à constituer un conseil de régence, compléter le gouvernement d’AlyMaher, décider si l’on convoquera le Parlement, voir comment on procèdera à l’épuration des «traîtres» et qui sera l’objet de ces mesures, causer avec la Délégation soudanaise arrivée au Caire précisément ces jours-ci, etc. etc. Ce sont là autant de questions fort délicates. Mais pour le moment, la période révolutionnaire n’est pas close et on ne peut encore en prévoir l’évolution exacte. Aly Maher, Président du Conseil de la Régence, gouverne, et Néguib bey agit de son côté; tous deux se disent d’accord, mais l’un est légal et l’autre s’appuie sur les forces de l’armée et on ne sait pas vers quoi la facilité avec laquelle cet officier a obtenu ses succès peut encore le pousser ou pousser son entourage.
Les Suisses d’Egypte perdent en la personne du Roi Farouk un ami qui fut toujours prêt à les aider. L’ex-souverain était un ami fidèle de certaines de nos institutions en Egypte, notamment les sections de tir et les cercles suisses.
D’autre part, il convient de souligner aujourd’hui de nouveau que la sécurité des étrangers en temps de troubles dépend de la présence des troupes anglaises en Egypte.
Enfin, la proclamation du jeune prince Ahmed Fouad comme Roi d’Egypte et du Soudan posera également pour nous la question de la reconnaissance de ce titre, car il faudra sans doute que je présente, le moment venu, de nouvelles lettres de créance5.
D’une façon générale, nous ne pourrions que nous réjouir si le mouvement de Néguib bey pouvait aboutir à des réformes saines. Mais nous devrions en craindre de gros inconvénients s’il devait glisser vers la démagogie facile ou vers le radicalisme, deux attitudes également dangereuses pour les étrangers.
Enfin, nous n’avons aucun intérêt à voir tomber la monarchie qui demeurait jusqu’à maintenant la seule garantie effective d’ordre et de sécurité pour les étrangers.
- 1
- E 2300(-)-/9001/172.↩
- 4
- J. Caffery.↩
- 5
- Sur la question de la reconnaissance du titre de Roi d’Egypte et du Soudan, cf. E 2001 (E)1969/121/67.Sur la situation politique entre l’Egypte et le Soudan, cf. les rapports politiques de H. de Torrenté à M. Petitpierre du 22 octobre 1952, E 2300(-)-/9001/240 (dodis.ch/9538) et du 5 janvier 1953, E 2300(-)-/9001/241 (dodis.ch/9539).↩
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