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La Suisse et la construction du multilatéralisme, vol. 2. Documents diplomatiques suisses sur l'histoire de la Société des Nations 1918–1946, vol. 14, doc. 48
volume linkBerne 2019
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1554#912* | |
Dossier title | La Suisse et la 21ème Assemblée (1946–1946) | |
File reference archive | E.13.40 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1554#916* | |
Dossier title | Rapport sur la 21ème Assemblée de la S.d.N. (avril 1946) / Documents (1946–1946) | |
File reference archive | E.13.44 |
Archive | Publicaton |
Dossier title | League of Nations, Official Journal, Special Supplement No. 194: Records of the Twentieth Session and Twenty-First Sessions of the Assembly (1946–1946) |
dodis.ch/54151 Discours du Chef du Département politique, M. Petitpierre, à la XXIème Assemblée de la Société des Nations1
Mon pays se trouve dans une situation assez singulière2. Pour la plupart des nations qui sont ici représentées, cette dernière Assemblée de la Société des Nations n’est pas une fin, mais un passage d’une institution qui va disparaître à une institution nouvelle qui vit, qui est déjà devenue une réalité. Pour la Suisse, qui a eu l’honneur et le privilège d’accueillir, pendant sa relativement brève existence, la première Société des Nations, cette dernière Assemblée a un aspect doublement négatif: l’abandon de son territoire par une organisation internationale dont la mission était d’établir et de maintenir dans le monde un régime de paix et de sécurité durable, et, surtout, le fait que, dès aujourd’hui ou dès demain, mon pays va se trouver devant un vide, qu’il ne sera plus associé activement à l’immense effort qui s’accomplit depuis Dumbarton Oaks et San-Francisco pour établir ce régime de paix et de sécurité sur des bases nouvelles et plus solides.
Accueillie elle-même au sein de la Société des Nations telle qu’elle était, avec ses attributs internationaux, la Suisse s’est efforcée de collaborer avec les autres nations sur le plan des activités pacifiques. Sa contribution a été modeste, à la mesure de ses moyens, mais elle a été offerte sincèrement, inspirée par le désir constant de voir se développer cette collaboration entre des éléments divers dont la Suisse, dans les limites restreintes qui sont les siennes, connaît elle-même les bienfaits depuis des siècles.
Mais, si cette dernière Assemblée éveille dans le cœur des Suisses des sentiments mélancoliques, ceux-ci ont leur compensation.
La Société des Nations peut disparaître. L’idée qu’elle incarnait subsiste. Elle revit déjà dans l’Organisation des Nations Unies, dont le cadre est beaucoup plus large, puisque deux grands pays3 absents au moment où la Société des Nations a été créée, ont engagé leur responsabilité dans l’organisation nouvelle, en lui assurant d’emblée l’appui de leur puissance.
On a tendance, trop souvent, à opposer l’idéalisme au sens des réalités. On oublie que le vrai réalisme tient compte des valeurs idéales. La Charte de San-Francisco s’inspire de ces valeurs, est fondée sur elles. Mais, d’autre part, elle a tiré profit des expériences de la Société des Nations, et, par la création d’un appareil de sécurité efficace, elle a veillé à ce que ces valeurs ne soient pas sans défense.
La Suisse restera fidèle à l’idéal proclamé par la Société des Nations, à l’idéal que l’Organisation des Nations Unies reprend aujourd’hui, parce que cet idéal est la raison d’être de mon pays, qui, sans lui, n’aurait pas pu se fonder, n’aurait pas pu survivre et, qui sait, n’aurait peut-être pas été choisi comme premier siège d’un parlement mondial.
Membre ou non-membre de l’Organisation des Nations Unies, nous restons fidèles à l’idée, nous croyons à la nécessité d’une institution internationale véritablement démocratique, c’est-à-dire d’une organisation au sein de laquelle chaque peuple et chaque État puisse tenir le rôle le plus conforme à ses possibilités et à sa vocation particulière. La diversité peut être une source de force et non de faiblesse, lorsqu’une volonté commune oriente l’action des éléments qui la composent.
Mais la fidélité à une idée ne suffit pas. Elle doit se manifester par l’action qui, seule, permet de faire de cette idée une réalité. Et, ici encore, cette dernière Assemblée générale est importante dans la mesure où elle exprimera la volonté de transmettre à l’Organisation des Nations Unies les activités techniques dans lesquelles la Société des Nations s’est engagée et a souvent réussi: dans le domaine social, par l’Organisation internationale du Travail; dans celui de la santé publique, par l’Organisation d’Hygiène; dans d’autres encore, rappelés tout à l’heure par M. Paul-Boncour. Un gage de l’avenir, nous le trouvons dans l’instrument de travail forgé à Genève, et que nous transmettons, esprit et corps, à l’organisation de demain4.
On me permettra, à cet égard, de former un double vœu: celui que ces activités techniques puissent continuer à s’exercer dans le cadre des Nations Unies, sans interruption; celui, en outre, que les États qui, sans être membres des Nations Unies, ont constamment prouvé leur attachement aux institutions judiciaires internationales grâce auxquelles les conflits entre États peuvent se régler par les voies pacifiques, puissent adhérer le plus rapidement possible à la nouvelle Cour internationale de Justice5.
En définitive, l’Organisation des Nations Unies est le plus bel hommage, le plus vivant, qui puisse être rendu à la Société des Nations. La disparition de celle-ci fait penser au grain de blé qui doit mourir dans la terre pour porter beaucoup de fruit. Que l’Organisation des Nations Unies tienne un jour les promesses que la Société des Nations n’a pu réaliser elle-même, c’est là le vœu ardent de mon pays.
- 1
- Discours (copie): CH-BAR#E2001D#1000/1554#916* (E.13.44). Le texte du discours a été publié presque intégralement dans L’Impartial du 10 avril 1946 et dans la Feuille d’Avis de Neuchâtel du 11 avril 1946. Pour une version en allemand, cf. la traduction du Département politique, dodis.ch/54151, et la publication Die Schweiz und die Vereinigten Nationen. Zwei grundlegende Reden von Bundesrat Max Petitpierre, Zürich 1946, dodis.ch/54173. Pour une traduction en anglais cf. League of Nations, Official Journal, Special Supplement No 194: Records of the Twentieth Session and Twenty-First Sessions of the Assembly (1946–1946), p. 37, dodis.ch/54151.↩
- 2
- Cf. doc. 49, dodis.ch/1383.↩
- 3
- Les États-Unis d’Amérique et l’Union soviétique.↩
- 4
- Sur la politique suisse à l’égard des organisations spécialisées de l’ONU au cours du premier semestre 1946, cf. les notices de W. Rappard du 1er février 1946, dodis.ch/250 et du 2 février dodis.ch/245; le PVCF No 1089 du 26 avril 1946 dodis.ch/244; la notice de H. Zoelly à D. Secrétan du 15 mai 1946, dodis.ch/174 et le PVCF No 1496 du 8 juin 1946, dodis.ch/123.↩
- 5
- Sur la politique suisse à l’égard de la Cour internationale de justice au cours du premier semestre 1946, cf. la notice de R. Christinger de 1946, dodis.ch/1661; le télégramme No 52 de P. Ruegger à M. Petitpierre du 20 janvier 1946, dodis.ch/54170 et la note de l’Ambassade du Royaume-Uni à Berne au Département politique du 2 avril 1946, dodis.ch/54152.↩
Relations to other documents
http://dodis.ch/54151 | is printed in | http://dodis.ch/54173 |
http://dodis.ch/54151 | is mentionned in | http://dodis.ch/54160 |
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