Classement thématique série 1848–1945:
V. POLITIQUE MILITAIRE
Également: Informations sur ces pourparlers auxquels assiste un membre du Service de Renseignements et de Sécurité de l’EMG. Annexe de 9.3.1945
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 15, Dok. 392
volume linkBern 1992
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E5795#1000/951#327* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 5795(-)1000/951 74 | |
Dossiertitel | Nachrichtendienst (1939–1946) | |
Aktenzeichen Archiv | 1.D.06.a |
dodis.ch/47996
Revenant sur ma communication secrète du 8.3.45.2,
à la fin de laquelle je vous ai laissé entrevoir des précisions ultérieures concernant les pourparlers engagés par Kesselring avec les Alliés en vue de la cessation des hostilités en Italie, j’ai l’honneur de vous faire connaître ce qui suit:
1) L’entrevue à laquelle j’ai fait allusion dans ma lettre du 8.3.45. a effectivement eu lieu à Zurich. Le Général SS. Wolf, commandant en chef de toute la région au nord des Apennins (alors que Kesselring commande surtout le front de combat; Wolf est à Kesselring ce que Himmler est à Hitler) a assisté personnellement à l’entretien, agissant au nom de Kesselring et de parfaite entente avec ce dernier. La délégation allemande comportait 4 officiers, dont il est superflu de préciser ici les noms.
2) Le général Wolfa été mis en relation avec M. Dulles, représentant du président Roosevelt en Suisse. Ces deux personnages se sont vus seuls, mais nous savons exactement la nature de leur entretien, lequel peut être résumé comme suit:
a. Kesselring et Wolf se sont rendu compte, après la récente conférence inter-alliée de la Mer Noire (Yalta) qu’une dissociation entre Russes et Anglo-Saxons n’était pas à prévoir aussi longtemps que durerait la guerre. Dès lors la politique Hitler-Ribbentrop-Goebbels a fait faillite; l’Allemagne est définitivement perdue.
b. Cela étant, la conception du «réduit allemand» dans les Alpes bavaroises-Voralberg-Tyrol n’a plus sa raison d’être, car ce serait prolonger inutilement la guerre et aller au-devant de la destruction totale du peuple allemand, de ses villes et de ce qui reste de son industrie. Il importe donc de sauver ce qui peut encore être sauvé!
c. D’où la décision Kesselring-Wolf, maîtres de l’Italie du nord, de capituler.
d. Cette capitulation se ferait à priori «sans conditions», mais Kesselring-Wolf espèrent que les Alliés tiendront compte de leur geste, qui risque de précipiter la fin de la guerre. En effet, le choc psychologique produit sur les autres armées allemandes par la capitulation d’une armée relativement intacte (à vrai dire la seule de la Wehrmacht qui ne batte pas en retraite et qui ait maintenu ses positions) pourrait amener d’autres grands chefs à poser les armes.
e. Kesselring fait en outre savoir aux Alliés qu’en cas d’entente entre lui et ces derniers, aucune destruction (dont les préparatifs ont été largement poussés) ne serait effectuée en Italie du nord. (Le Général Wolf a notamment dit qu’il ne détruirait en aucun cas le port de Gênes, désirant faire également ce geste pour la Suisse, envers laquelle il éprouve de la sympathie.)
Moyennant quoi, Kesselring-Wolf espèrent que les Alliés tiendront compte de l’attitude spéciale des troupes allemandes d’Italie et, comme je l’ai relevé dans ma lettre du 8.3.45., que ces dernières ne seront pas envoyées en Russie après la guerre, pour reconstruire ce pays.
3) M. Dulles, impressionné par la tournure favorable aux Alliés que pourraient prendre les événements d’Italie, s’est immédiatement mis en rapport avec le Général Eisenhower, qui lui a dit de poursuivre ses entretiens et (textuellement) «de laisser toutes les portes ouvertes» pour une négociation éventuelle. Un message identique a été adressé au président Roosevelt, avec lequel M. Dulles est en contact régulier et direct.
4) Wolf a assuré que le commandement allemand en Italie avait déjà fait certains préparatifs en vue du jour «J»: renforcement de la garde des principales stations radio, surveillance plus étroite de personnalités néo-fascistes (Mussolini inclus); mesures de sécurité contre l’atterrissage de parachutistes... allemands.
5) La délégation allemande a quitté la Suisse dans la journée du 9.3. Wolf va se rendre auprès de Kesselring auquel il fera part du premier résultat de ses pourparlers.
6) La prochaine conférence aura lieu, probablement le jeudi 15.3. à Ascona (Tessin). Tout laisse prévoir que le maréchal Kesselring y assistera en personne.
7) Situation de la Suisse: en principe aucun danger à attendre de la part des troupes Kesselring-Wolf en Italie, pour autant que le «scénario» se déroule comme prévu. Le point suivant, qui me paraît important, doit en revanche retenir l’attention du commandement de notre armée: La zone de commandement Kesselring-Wolf comporte également le Voralberg-Tyrol, c’est-à-dire les garnisons ouest et sud-ouest du réduit allemand. Une situation délicate pourrait donc se produire pour la Suisse au cas où, l’affaire étant éventée avant le jour « J», Hitler ou Himmler aurait le temps de réagir ou pourrait, au dernier moment, chercher par divers moyens (affectant peut-être la neutralité suisse) à rétablir la position allemande en Italie.
Conclusion: je ne pense pas que nous ayions, pour le moment, de mesures pratiques à prendre, mais nous devons nous préparer mentalement aux conséquences pour nous de l’hypothèse qui fait l’objet du présent rapport (renforcement de notre frontière Est et Sud-Est; Vallée du Rhin dans secteur Br.mont. 12 et Grisons-Tessin).
La conférence prévue pour cette semaine nous donnera sans doute d’autres précisions, qui permettront d’adresser au commandement de l’armée une «appréciation de la situation» basée sur des éléments plus définitifs.
Les informations ci-dessus prouvent à tout le moins que les actions étrangères les plus secrètes, susceptibles d’intéresser notre défense nationale, n’échappent pas à notre vigilance.
Pour terminer, je me permets d’attirer respectueusement l’attention du Général et du Chef EMA. sur le caractère strictement confidentiel de ce compte-rendu pour le cas où ils estimeraient devoir en informer tel de leurs collaborateurs, car une indiscrétion même involontaire risquerait d’avoir des conséquences regrettables à tous les points de vue.
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