Classement thématique série 1848–1945:
III. RELATIONS ÉCONOMIQUES INTERNATIONALES
III.5. TRANSIT
Également: Sous la pression des milieux militaires, les autorités américaines sont toujours plus méfiantes à l’égard de la Suisse. Annexe de 1.12.1944 (CH-BAR#E2001D#1000/1553#6194*).
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 15, doc. 307
volume linkBern 1992
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1553#6790* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1553 348 | |
Dossier title | Durchfuhr von Waren nach der Besetzung Norditaliens. Verhandlungen mit den Alliierten vom Feb./März 1945 (1944–1945) | |
File reference archive | B.51.14.20.10.6 |
dodis.ch/47911
Vu la grande importance que le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique (de Sa Majesté Britannique) attache à la question du trafic de transit sud-nord et nord-sud à travers la Suisse, le Département politique a l’honneur de fournir à son sujet les explications qui suivent à la Légation des Etats-Unis (de Sa Majesté), indépendamment de la réponse concernant les relations commerciales germano-suisses évoquée sous chiffre 2 de l’aide-mémoire du 30 octobre 19442.
Interdire d’une manière complète et absolue le transit, selon les vœux des Gouvernements alliés, n’est pas possible, comme on l’a exposé déjà le 27 septembre écoulé3, parce que, d’une part, la Suisse, étant donnée sa situation géographique, a toujours pratiqué et doit pratiquer une politique favorable au principe de la liberté du transit, d’autre part, parce qu’elle est liée par des obligations internationales auxquelles elle ne saurait manquer.
L’article 3 de la Convention du Gothard du 13 octobre 1909, conclue par elle avec l’Italie et l’Allemagne, stipule que, sauf le cas de force majeure, elle devra «assurer l’explication du chemin de fer du Saint-Gothard contre toute interruption». Toutefois, poursuit cette disposition, la Suisse «a le droit de prendre les mesures nécessaires pour le maintien de la neutralité et pour la défense du pays».
Ce qu’il faut entendre par maintien de la neutralité est indiqué par la Convention de La Haye, du 18 octobre 1907, concernant les droits et les devoirs des puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre. Son article 2 s’énonce: «Il est interdit aux belligérants de faire passer à travers le territoire d’une puissance neutre des troupes ou des convois, soit de munitions, soit d’approvisionnements.»
Son article 7 précise qu’«une puissance neutre n’est pas tenue d’empêcher l’exportation ou le transit pour le compte de l’un ou l’autre des belligérants, d’armes, de munitions et, en général, de tout ce qui peut être utile à une armée ou à une flotte».
Dès le début, la Suisse s’est montrée très sévère quant à l’application de l’article 2. Elle n’a jamais autorisé le passage, ni de troupes, ni de matériel. Mais - à la lumière des événements - elle est allée beaucoup plus loin dans son interprétation stricte. Elle a prohibé, d’une façon générale, les transports à travers le territoire suisse de toutes les marchandises directement utiles au ravitaillement d’une armée.
La Légation sait que, dans le cadre tracé ci-dessus, le Conseil fédéral s’est constamment inspiré de l’idée que l’application de la politique suisse de transit avait à prendre en considération tout changement de la situation militaire. Ce fut, notamment, le cas lorsque, l’Italie ayant changé de camp, ce pays devint lui-même un théâtre de guerre.
Tenant compte de la possibilité que certaines marchandises qui, jusqu’alors, avaient circulé en libre échange commercial entre l’Italie et l’Allemagne pourraient être expédiées à l’avenir à la suite de réquisitions des troupes d’occupation, le Conseil fédéral n’a pas hésité un instant à interdire le transit à travers le territoire suisse de pareilles marchandises. Mais, comme il est difficile de déterminer avec certitude si telle ou telle marchandise est expédiée en trafic commercial ordinaire ou si elle a fait l’objet d’une réquisition, le Conseil fédéral a exclu du transit, non seulement les objets dont l’aspect usagé pouvait donner l’impression qu’ils avaient été réquisitionnés, mais toutes les marchandises présentant une importance particulière pour la conduite de la guerre et susceptibles, de ce fait, d’être sujettes à réquisition.
Pour des considérations du même ordre, certaines marchandises qui sont aussi importantes pour les besoins de la guerre que pour ceux de la vie civile, comme le fer, les textiles, etc., ont été soumises à un contingentement de plus en plus rigoureux. La liste des marchandises exclues du transit ou contingentées, liste dressée le 24 mars 1943, a été - la Légation ne l’ignore pas - complétée à plusieurs reprises (les 30 août, 26 septembre et 23 octobre). Elle le fut encore le 21 novembre, comme il ressort de l’annexe aux présentes4. Toutes ces mesures ont été arrêtées pour tenir compte du rétrécissement des territoires italiens au pouvoir des forces allemandes, d’une part, et de l’intensification de la mobilisation en Allemagne pour la guerre totale, d’autre part. Elles seront maintenues aussi longtemps que la situation l’exigera.
Dans le trafic nord-sud, le transit des carburants liquides fut complètement interdit dès le début de 1944 en tant que produits particulièrement importants pour la conduite de la guerre moderne.
Ce régime et ses développements constants ont naturellement provoqué une réduction très sensible du transit. La Légation le sait déjà par les annexes jointes à l’aide-mémoire du 27 septembre 19445. En juillet, dans le trafic sudnord, le tonnage total était 53 350, dont 7704 tonnes de denrées alimentaires diverses, 13 524 tonnes de pyrites et 20811 tonnes de produits ferreux. En août, le tonnage descendait à 45 313, dont 4272 de denrées alimentaires, 13 838 de pyrites et 17 089 de produits ferreux. En septembre, le tonnage est de 43 814, dont 3343 de produits alimentaires, 17 255 de pyrites et 15 248 de produits ferreux. Constatant que le contingentement de certains produits ferreux avait pour conséquence une augmentation du transit d’autres catégories et des minerais, le Conseil fédéral a placé sous contingent l’ensemble. Aussi en octobre - le mois qui a précédé la remise de l’aide-mémoire du 30 dit - le trafic est-il tombé à 31 176 tonnes, dont 8110 de denrées alimentaires diverses et 14990 de minerais et produits ferreux au total.
Le trafic nord-sud évoluait parallèlement. En juillet, le tonnage total était de 264093 tonnes, dont 215 766 de charbon; en août, de 169106 tonnes, dont 153 411 de charbon; en septembre, de 106450 tonnes, dont 93 800 de charbon; enfin en octobre, de 71 598 tonnes, dont 60249 de charbon. - Il est intéressant de relever ici que la moyenne mensuelle en 1938 est de 123 242 tonnes, dont 108 017 de charbon.
Toutes ces réductions de trafic de transit démontrent la ferme volonté de la Suisse de remplir rigoureusement ses devoirs de loyale neutralité. L’interruption complète que souhaiteraient les Gouvernements alliés, d’une part outrepasserait ses devoirs et constituerait d’autre part une violation des stipulations de la Convention du Gothard. Elle pourrait, d’ailleurs, avoir sous peu, puisque applicable à tous, conformément à l’article 9 de la Convention de La Haye, des conséquences inattendues et regrettables.
Quant aux diverses propositions concrètes de l’aide-mémoire6 du 30 octobre 1944, elles appellent encore les observations suivantes:b. Trafic sud-nord (Italie-Allemagne)
ad. i. Aujourd’hui encore, malgré l’intensification par l’Allemagne du recrutement de main-d’œuvre pour la guerre et la mobilisation totale, tous les produits industriels ne sont pas employés exclusivement pour la conduite des opérations. Le transit de la plus grande partie des produits auxquels on pourrait, peut-être, attribuer plus ou moins ce caractère (machines, minerais, métaux,
etc.) est déjà interdit ou fortement limité. Conformément à la liste du 30 août
1944, toutes les machines sont exclues du transit. Pour les minerais de fer et les
produits ferreux, le contingent mensuel, déjà ramené à 7500 tonnes par la liste
du 23 octobre, a été réduit encore d’un tiers par la nouvelle liste du 21 novembre, soit 5000 tonnes. Le spath-fluor est exclu.
ad ii. Les restrictions arrêtées par les autorités fédérales frappent également
dans une très large mesure les marchandises énumérées dans cette rubrique. En
ce qui concerne le riz et les céréales, la liste du 23 octobre prévoit un contingent
qui n’est plus que de 2500 tonnes; celle du 24 mars excluait le transit du cuir
pour l’équipement militaire, ainsi que le transport de plusieurs produits du
groupe des textiles; celle du 21 novembre - on le verra - les supprime complètement. La liste du 30 août, elle, interdit le transport des souliers dont la paire
pèse plus de 1200 grammes, ainsi que celui du coton et de la laine. Quant aux
marchandises encore admises au trafic, elles ne représentent plus un volume
dont l’importance pourrait être de nature à mettre le peuple italien dans le
besoin. De tout temps, en effet, l’Italie a exporté une quantité assez notable de
produits alimentaires. C’est ainsi qu’en 1938, la moyenne mensuelle des denrées alimentaires de toute espèce, mais non compris les boissons, passant en
transit atteignait près de 12 000 tonnes, dont un peu plus de 9000 pour les fruits
et légumes. Ces denrées, plus particulièrement les fruits et légumes, ne sont pas
d’une utilité particulière pour la guerre et leur exclusion du trafic ne pourrait
se justifier que si leur achat s’avérait vraisemblablement la conséquence de réquisitions.
ad iii. Le contingent de produits ferreux a déjà très fortement diminué et
diminuera davantage encore à partir du 1er décembre. Les quantités de fer
transportées d’Allemagne en Italie ne sont pas considérables et se réduisent
chaque mois. De 15 897 tonnes en juillet, elles n’étaient en octobre que de
1000 tonnes environ. C’est dire que, dans les circonstances actuelles et sous le
régime en vigueur, on doit admettre que l’Allemagne n’est plus en mesure d’utiliser la capacité industrielle de l’Italie pour la transformation de métaux à l’état
brut en produits terminés ou semi-ouvrés. La majeure partie des minimes transports de fer qui roulent encore d’Italie vers l’Allemagne se composent d’ailleurs
de minerais et de fer brut.
c. Trafic nord-sud (Allemagne-Italie)
Les limitations apportées par la Suisse au trafic sud-nord ont été décrétées
essentiellement pour éviter le transit de marchandises réquisitionnées. Ce
danger n’existant pas dans le sens inverse, c’est la raison pour laquelle des
mesures analogues n’ont pas été prises. Mais il va de soi, en revanche, que tout
transport de matériel de guerre est également exclu du transit dans cette direction. Il en est de même pour les carburants liquides, dont le transit a été interdit
- comme rappelé ci-dessus - parce qu’on pouvait admettre que ces combustibles étaient destinés avant tout à des buts militaires. Quant au charbon, en
temps de paix déjà il était transporté en grande quantité d’Allemagne en Italie
et répond, en hiver surtout, aux besoins impérieux de la population civile. On
l’a vu, la moyenne mensuelle en 1938 était de 108017 tonnes. En octobre 1944,
le transport n’a porté que sur 60249 tonnes. d. Trafic dans les deux directions
L’aide-mémoire du 27 septembre dernier a fait ressortir, par comparaison avec le temps de paix, l’importance des modifications intervenues dans la composition et l’étendue des transports de la Suisse avec l’étranger. Il y est, notamment, fait allusion au trafic de la Suisse avec la Suède, qui, en 1943, a été cinq fois plus élevé qu’en 1938. Cet exemple permet d’entrevoir clairement les conséquences fatales qu’aurait eues pour la Suisse une réduction pure et simple du trafic en transit au niveau de 1938.
En fait, tout permet de penser qu’en novembre, ce transit se rapprochera assez sensiblement de ce qu’il était avant la guerre et qu’en décembre, il lui sera inférieur, puisque les nouvelles restrictions le diminueront encore de 4 à 5000 tonnes.
Quant au Lötschberg, par rapport au Gothard, il ne joue qu’un rôle interne. Son affectation normale est d’assurer le transit entre l’est de la France et le nord de l’Italie, comme le Simplon, suivi par le Frasne-Vallorbe, a été ouvert il y a tantôt quarante ans pour assurer le trafic entre la France et le nord de l’Italie. C’est pour des raisons de répartition du trafic à l’intérieur du réseau suisse qu’une partie du transit nord-sud passe par le Lötschberg, mais non pas pour doubler ou soulager le Gothard. Au surplus, tout transit est actuellement suspendu par le Simplon.
Enfin, la plus grande partie du transit nord-sud et sud-nord intéresse l’Allemagne et le nord de l’Italie beaucoup plus que l’Italie méridionale. C’est la raison pour laquelle, en pratique, on ne peut mathématiquement adapter ce transit à l’étendue par rapport aux autres territoires de la péninsule et de ses îles de ceux qui restent encore sous l’autorité allemande.
Le Conseil fédéral a toujours été et demeure résolu, dans le cadre des obligations internationales qui le lient, à tenir compte des changements de la situation militaire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, à partir du 1er décembre, il appliquera les nouvelles restrictions déjà mentionnées et qui se trouvent consignées dans la liste ci-jointe.