Vous connaissez les difficultés de transport auxquelles nous nous heurtons maintenant pour notre ravitaillement à travers la France.
Il semble que le «maquis» de la vallée du Rhône et de la Savoie, comme de la région entre Lyon et Genève, croit dans l’intérêt de la cause française utile de saboter les lignes conduisant vers la Suisse. Il aurait l’impression que ce qui pénètre chez nous est destiné, directement ou indirectement, à l’Allemagne.
Il paraîtrait, par contre, que tel ne serait pas le sentiment du «maquis» plus au nord, sans que je possède des renseignements bien sûrs et bien précis à ce sujet.
Quoi qu’il en soit, notre Office des transports de guerre aurait voulu donner télégraphiquement des instructions à notre Légation à Londres pour qu’elle prenne contact avec le Général König et qu’elle insiste auprès de lui pour que des instructions soient données au «maquis» en vue de ménager nos lignes.
Il va sans dire que je n’ai pas pu admettre la chose sous cette forme.
Tout d’abord, cette démarche prenait immédiatement un caractère politique, alors que nos relations avec le Comité d’Alger sont très officieuses et que nous ne savons pas du tout quelle attitude aurait prise le Général König ni quel emploi il aurait fait des communications qui lui auraient été adressées. Une publicité aurait pu être plus dangereuse encore que l’abstention.
Ensuite et surtout, si à la rigueur on peut contester que les lignes Valence ou Lyon-Genève intéressent l’Allemagne, il en va autrement de celles de la vallée du Rhône, qui relient le sud au nord de la France. Là, à côté de l’intérêt suisse, il y a incontestablement l’intérêt belligérant.
C’est dire qu’il ne faut pas se faire trop d’illusions sur le succès pratique d’une démarche, même si elle est accueillie avec bienveillance.
Ce n’est cependant pas une raison pour y renoncer, à condition de le faire avec la prudence voulue, contacts préalables pris et à la faveur d’une circonstance propice.
Plutôt que de laisser partir la dépêche, j’ai donc préféré attirer votre attention sur cet objet, en vous priant d’agir au mieux dans le cadre de ce qui précède.