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27.6.1944 (martedì)
CONSEIL FÉDÉRAL Procès-verbal de la séance du 27.6.1944
Verbale del Consiglio federale (PVCF)
Le Conseil fédéral prend acte des mesures proposées par l’ASB pour répondre aux exigences alliées ainsi que des observations du Département politique à ce sujet.

Classement thématique série 1848–1945:
III. RELATIONS ÉCONOMIQUES INTERNATIONALES
III.2. LES ALLIÉS
III.2.2. NÉGOCIATIONS FINANCIÈRES AVEC LES ALLIÉS
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Philippe Marguerat, Louis-Edouard Roulet (ed.)

Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 15, doc. 167

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Bern 1992

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Collocazione

dodis.ch/47771
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 27 juin 19441

1127. Activité des banques suisses et menace dont elles sont l’objet de la part des Gouvernements britannique et américain

Le département politique expose ce qui suit:«I.

En septembre 1943, les Gouvernements britannique et américain ont fait connaître leur intention de porter à l’ordre du jour des négociations économiques qui allaient être reprises à Londres le problème de l’activité des banques suisses2. Les pourparlers menés jusqu’alors à ce propos permettaient de conclure que la discussion porterait sur l’élaboration d’un texte d’Undertaking, manière d’engagement type à souscrire d’une part par les banques menacées d’être portées sur la liste noire, de l’autre par les banques déjà incluses dans ladite liste en vue de provoquer la levée des sanctions dont elles étaient frappées. Cette question ne put toutefois être abordée lors de la première phase des négociations qui se terminèrent par les accords des 18 et 19 décembre 19433. Lorsque la délégation suisse arriva à Londres au début de cette année, elle se trouva devant une nouvelle situation. Abandonnant en effet l’idée de négocier avec une délégation financière, le Gouvernement britannique, agissant d’entente avec celui des Etats-Unis d’Amérique, informa la délégation suisse de son intention de remplacer l’Undertaking mentionné plus haut par la publication d’un avertissement, sorte de code général énumérant les principes que les banques suisses devraient observer si elles ne veulent pas courir le risque d’être portées sur la liste noire. Cette énumération des opérations bancaires jugées indésirables, qui ne serait pas à considérer comme limitative, pourrait être l’objet de modifications de temps à autre. Toutefois, soucieux de ne pas s’aliéner le concours des banques suisses, les Gouvernements alliés ont exprimé le désir de discuter cet avertissement, préalablement à sa diffusion, avec une délégation financière suisse afin de tenir compte dans la mesure du possible des observations qu’elle pourrait leur présenter. C’est ainsi qu’à fin avril, M. A.C. Nussbaumer, directeur général de la Société de Banque Suisse, a rencontré à Lisbonne, en qualité de représentant de l’Association Suisse des Banquiers, (A.S.B.), trois délégués anglo-américains pour discuter le projet de l’avertissement. M. V. Gautier, directeur de la Banque Nationale Suisse, rentrant de Londres où il avait participé aux négociations officielles, assistait également à ces entretiens4.

Le projet reprend sous une forme plus absolue encore les exigences de l’Undertaking évoqué plus haut. Au nombre de ses clauses figurent notamment l’interdiction d’octroyer des crédits à des ennemis des Alliés, la cessation d’un certain nombre d’opérations telles que l’achat et la vente de billets ayant cours en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, toute transaction sur des titres réputés «ennemis», l’acceptation de dépôts de toute nature opérés par des «ennemis» ou en leur faveur. La publication de cet avertissement serait néfaste aux banques suisses qui se verraient placées devant le dilemme soit de courir le risque d’être mises sur la liste noire, soit de réduire d’une façon dangereuse pour leurs intérêts leur activité internationale. De plus, l’observation des principes énumérés par les Gouvernements alliés imposerait aux banques une discrimination à peine voilée entre ressortissants des pays de l’Axe et les autres.

Au cours des quelque quinze jours qu’ont duré les discussions, Messieurs Nussbaumer et Gautier se sont efforcés d’amener leurs partenaires à adoucir leurs exigences, sans toutefois réussir à diminuer dans une mesure appréciable le danger qu’elles représentent pour les banques suisses.

De retour en Suisse, M. Nussbaumer a saisi du problème le conseil d’administration de l’A.S.B. Celui-ci, persuadé qu’il faut poursuivre une politique à longue vue, dans la nécessité où sont les banques suisses de sauvegarder leurs avoirs déposés dans les pays anglo-saxons, s’est résolu à tout mettre en œuvre pour prévenir la publication de l’avertissement allié. Il a préparé, à l’intention des Gouvernements britannique et américain, un mémorandum où sont consignées les concessions que sont prêtes à faire les banques suisses pour venir au-devant des exigences de leurs partenaires. L’A.S.B. attend des Gouvernements alliés qu’ils prennent acte de sa bonne volonté, et voyant qu’elle leur donne de son propre chef satisfaction sur les principaux points de l’avertissement, qu’ils renoncent à sa publication.II.

Le mémorandum de l’A.S.B. comprend trois parties distinctes.

A. La première fait état de l’intention de l’A.S.B. de demander aux autorités fédérales qu’elles interdisent l’importation et l’exportation des billets de banque étrangers. Il s’agit là d’une réponse à un des points contenus dans l’avertissement allié, qui prévoit l’interdiction du commerce en Suisse des monnaies et billets ayant cours légal dans le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

B. Cette interdiction d’importation et d’exportation aurait comme corollaire une convention bancaire qui réglementerait le commerce des billets en Suisse. L’étendue de ce commerce serait limitée aux billets se trouvant en Suisse avant l’interdiction d’importation et seules des personnes domiciliées en Suisse pourraient y participer. Toutes nouvelles avances gagées par des billets seraient également exclues.

D’autre part, l’A.S.B. propose d’introduire, également dans le cadre formel d’une convention inter-banques, deux nouveaux affidavits de titres, cette mesure ayant pour but de prévenir les vœux des Alliés, qui tendent à réglementer le commerce des titres circulant actuellement en Suisse sans affidavit.

Comme troisième disposition à régler par une convention, nous trouvons l’engagement à prendre par les banques de ne pas ouvrir de nouveaux comptes en faveur de ressortissants de tous les pays belligérants quels qu’ils soient sans respecter certaines conditions dont voici la principale: tout nouveau compte de ce genre sera automatiquement bloqué pendant une période de trois ans. Les fonds qui y figureront pourront être utilisés uniquement à quelques fins précises en rapport direct avec des intérêts suisses. Cette proposition de l’A.S.B. répond au désir des Gouvernements alliés d’entraver dans toute la mesure du possible l’exode en Suisse de capitaux en provenance des pays avec lesquels ils sont en guerre.

Pour compléter la disposition mentionnée ci-dessus, une quatrième catégorie de mesures conventionnelles prévoit que la location de safes à des Suisses et à des étrangers sera désormais soumise à la condition que les valeurs à déposer se trouvent en Suisse depuis avant la date de l’entrée en vigueur de la convention.

L’A.S.B. se réserve toutefois de régler par de simples recommandations à ses membres les deux derniers points que nous venons de mentionner.

C. Quant à la troisième partie du programme de l’A.S.B., elle comprend sept recommandations aux banques qui leur fixent une ligne de conduite.

La première est une invitation à respecter les législations de devises étrangères et à éviter toute immixtion dans une manœuvre destinée à camoufler des intérêts financiers et économiques étrangers sous le couvert de sociétés suisses. Cette invitation concerne sans distinction toutes les parties belligérantes.

La seconde définit l’activité des domiciles de paiement d’emprunts de pays belligérants et prescrit aux banques de ne pas accorder de crédits pour en assurer le service et de ne payer les coupons que si les fonds à cet effet sont déposés en Suisse.

La troisième fixe dans quels cas les banques peuvent octroyer des crédits en rapport avec le commerce extérieur suisse. La recommandation envisagée prévoit la limitation de ces crédits aux opérations admises par les autorités fédérales de surveillance des importations et des exportations, ce qui, au fond, va de

La quatrième concerne les crédits relatifs au commerce de transit et invite les banques à se borner à traiter les transactions payables en francs suisses ou qui portent sur des marchandises destinées à des pays neutres.

La cinquième précise les conditions auxquelles accorder désormais des crédits à des personnes physiques et morales établies dans un pays belligérant. En principe, sont seuls recommandés les crédits en rapport avec le commerce extérieur suisse et ceux consentis sur des avoirs qui se trouvaient en Suisse avant le 1er juin 1944.

La sixième a trait à la dénonciation de crédits octroyés à des personnes établies dans des pays belligérants et invite les banques à réduire ces crédits dans la mesure du possible. Sur ce point toutefois le projet d’avertissement allié laisse aux banques une assez grande liberté d’appréciation.

La septième recommandation enfin concerne les opérations en devises. Après avoir beaucoup hésité, - il s’agit là en effet d’une des activités classiques des banques - l’A.S.B. s’est résolue à recommander à ses membres une certaine prudence à l’égard des opérations incriminées.III.

A. Le mémorandum de l’A.S.B., exposé des concessions auxquelles se sont résolues les banques suisses en vue de détourner le coup qui les menace, n’a pas un caractère officiel. Il est toutefois certain que les banques se trouvent à un tournant dans leurs relations avec les Alliés. D’autre part, il est impossible de donner satisfaction à ces derniers sans que nos rapports économiques, notamment avec l’Allemagne, n’en subissent des répercussions. C’est pourquoi l’A.S.B. a toujours voulu traiter en étroit contact avec le département politique qui, de son côté, ne voudrait pas sanctionner, même tacitement, les travaux de l’A.S.B. sans en référer au Conseil fédéral. Si celui-ci voit un inconvénient à ce que le document soit remis aux Gouvernements alliés, il va de soi que l’A.S.B. se conformera à sa décision.

B. La seule mesure législative dont fait état le mémorandum a trait au trafic des billets, lequel mérite, à n’en pas douter, de retenir l’attention des autorités fédérales. Des procès retentissants comme celui des Matas5 ont en effet démontré l’importance des opérations qui sont faites dans ce domaine. Les autorités allemandes d’occupation notamment y ont fortement contribué en introduisant en Suisse, par l’intermédiaire d’hommes de paille, des paquets considérables de billets qui, vendus sur le marché, leur procurent des devises. Ces billets sont ensuite réintroduits en France, en violation des prescriptions légales de ce pays. Le trafic en question, qui ne va pas sans causer un préjudice au bon renom de la Suisse, a été l’objet de démarches, tant de la part de M. Laval auprès du Ministre de Suisse à Vichy, que de l’Ambassade de France à Berne auprès du Département politique. De même, la Banque Nationale a postulé des mesures législatives pour enrayer ce négoce6. Une solution ne pourra cependant pas être adoptée avant que ne soit connu l’accueil réservé par les Gouvernements alliés au mémorandum de l’A.S.B. Sous réserve de l’assentiment du Conseil fédéral, le Département politique se propose de réunir, aux fins d’examiner la question, une commission d’experts où seraient représentés le Département fédéral des finances et des douanes, la Banque Nationale Suisse et la section chargée de lutter contre le marché noir.

C. Par ailleurs, nous constatons que le programme de l’A.S.B. comporte des conventions à établir entre les banques, et des recommandations à adresser à ses membres. Les banques sont seules liées par les premières - en tant qu’elles y ont adhéré, ce qui est laissé à leur appréciation - et elles sont libres de ne pas se conformer aux secondes, ce à leurs risques et périls bien entendu. De plus, les mesures envisagées n’ont pas un caractère unilatéral et concernent tous les pays belligérants sans qu’il soit fait de distinction entre l’un et l’autre camp.

Il convient néanmoins de ne pas se dissimuler que, nonobstant le caractère modéré, relevé ci-dessus, du mémorandum de l’A.S.B., sa mise en application peut faire surgir des difficultés. L’Allemagne en effet attache du prix aux bons offices que lui prêtent les banques suisses et qui lui facilitent ses importations en provenance de pays neutres, tels l’Espagne, la Suède ou la Turquie. D’autre part, si l’A.S.B. ne fait pas montre de la bonne volonté que les Gouvernements alliés attendent d’elle, ceux-ci n’hésiteront pas à publier leur avertissement et les banques, dans la crainte d’être portées sur la liste noire, se verront forcées de réduire dangereusement leur activité.

Il s’agit dès lors de manœuvrer au mieux pour éviter ces deux écueils. Conscient de la difficulté, le Département politique s’y emploiera avec prudence, en plein accord avec la délégation permanente aux accords commerciaux.

D. De son côté, la Banque Nationale Suisse, se plaçant sur le terrain de la politique monétaire, a examiné la recommandation que l’A.S.B. se propose d’adresser à ses membres au sujet de leurs opérations en devises. Dans une lettre, elle constate que cette recommandation n’entre pas en opposition avec la ligne de conduite qu’elle entend suivre dans ce domaine.IV.

L’A.S.B. est prête à remettre aux Gouvernements alliés son mémorandum, le Département politique se bornant à en assurer la transmission par la voie la plus rapide.»

Sur la base des considérations qui précèdent et conformément à la proposition du Département politique, le Conseil fédéral prend acte du présent rapport7.

1
E 1004.1 1/446. Absent: Kobelt.
2
Cf. No 23.
3
Cf. No s 57 et 61.
4
Sur ces négociations, cf. E 2001 (E) 1/131, E 2001 (E) 2/625-627, E 7110/1973/134/7.
5
Sur cette affaire, cf. E 2001 (E) 2/562 et 604, E 4001 (C) 1/285 et E 4800 (A) 1967/111/399.
6
Cf. E 2001 (E) 2/558.
7
Le jour même, un télégramme est adressé à P. Keller à Londres: [...] Conseil fédéral prit connaissance contre-propositions Association et consent sans enthousiasme à ce que remettez au nom Association et sans mentionner Conseil fédéral Memorandum à Bliss sous réserve de modification suivante [...] (E 7110/1976/134/61). Par ailleurs, le 22 juin, le Chef du DPF avait accordé une entrevue à une Délégation de l’ASB composée de P. Jaberg, Ed. Barbey, F. Bates et A. Caflisch: M. le Conseiller fédéral Pilet-Golaz exprime, après avoir rappelé l’entrevue des représentants de l’Association avec la Délégation financière du Conseil fédéral en date du 1er mars, l’avis que le moment paraît indiqué pour réaliser la proposition de l’Association d’envoyer aux Etats-Unis une Délégation financière. En attendant encore on risquerait de ne plus pouvoir voyager ou d’arriver trop tard. Le Chef du Département politique rappelle qu’il avait défini la mission de cette Délégation comme étant une patrouille. Les Délégués ne seront donc pas des négociateurs mais des explorateurs devant chercher à connaître les réactions et les intentions du partenaire. [...] Il pense à une exploration générale concernant l’économie de l’après-guerre et ajoute que l’après-guerre immédiat et la période de reconstruction du monde nous intéressent le plus. La Suisse désire avoir une place dans le monde de l’après-guerre qui ne sera peut-être pas la même que celle qu’elle occupait avant la guerre. Il faudrait rechercher quelle est la place que notre pays pourra prendre dans le cadre de la politique générale des Etats-Unis et examiner si elle est compatible avec nos conditions d’existence, en examiner les avantages, les dangers et les répercussions éventuelles sur les problèmes particuliers qui se posent pour nous actuellement. Les participants discutent ensuite des relations économiques, monétaires et culturelles avec les Etats- Unis. Enfin, Pilet-Golaz précise que le Gouvernement va prendre position au sujet du mémorandum de l’ASB: il ne méconnaît nullement l’urgence de la question, mais il ne cache pas que le mémorandum prévoit des mesures d’une si grande importance que les membres du Conseil fédéral doivent avoir la possibilité de l’examiner à fond (E 2001 (E) 2/646). Sur les difficultés d’organisation de cette mission, cf. aussi E 2001 (E) 2/575 et E 2809/1/2.Sur la séance du 1er mars 1944, cf. E 2001 (E) 2/641.