Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
II.22. SUÈDE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 15, doc. 46
volume linkBern 1992
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#1022* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 444 | |
Dossier title | Stockholm, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 13 (1943–1943) |
dodis.ch/47650
La Suède est secouée, depuis vingt-quatre heures, d’émotion et d’indignation, comme jamais auparavant, à la suite de la fermeture, annoncée hier, de l’université d’Oslo et de l’arrestation générale de ses maîtres et étudiants, accompagnées de l’annonce du transfert de la grande majorité de ces derniers dans des camps d’internement en Allemagne2. L’occasion immédiate de ces extrêmes mesures est le feu mis à Paula de l’université dans la nuit de samedi à dimanche derniers. Mais la tension était prononcée depuis des mois entre les autorités d’occupation et les détestables Quislinguiens, d’une part, le monde enseignant et étudiant, d’autre part. Après tant de fâcheuses manifestations dans les pays voisins, en dernier lieu, la chasse aux Juifs et aux patriotes au Danemark, l’excitation de l’opinion publique suédoise comme conséquence de la conduite injustifiable des Allemands en pays occupés va rapidement atteindre son comble et s’étendre à toute la population.
La réaction a été immédiate et est, cela va de soi, particulièrement vibrante dans les milieux universitaires. Dès aujourd’hui, les protestations s’y sont multipliées et leurs délégations ont été reçues par le président du conseil. Toutes les universités et écoles supérieures ont mis leurs drapeaux en berne. Des recteurs parlent de l’interruption de toutes relations scientifiques et «culturelles» avec l’Allemagne.
Dès aujourd’hui aussi, des interpellations ont été présentées dans les deux Chambres, invitant le gouvernement à intervenir et, avant la fin de la journée encore, le ministre des affaires étrangères a appelé auprès de lui le ministre d’Allemagne pour lui déclarer ceci: Le gouvernement suédois a appris avec la plus grande inquiétude la nouvelle des mesures prises contre les étudiants et professeurs de l’université d’Oslo. Il ne peut s’abstenir de recommander instamment que ces mesures soient rapportées. Ceci s’applique par-dessus tout à l’intention annoncée d’envoyer les étudiants hors de leur pays. Dans l’intérêt même des relations entre la Suède et l’Allemagne, le gouvernement suédois demande au gouvernement allemand de tenir compte sur ce point du vœu profondément ressenti du peuple suédois.
Il s’agit au total d’environ 1500 étudiants, dont doivent être exceptés ceux dont l’attitude est «loyale», c’est-à-dire ralliés à la «National Sämling» de Quisling. Il semblerait qu’en outre, plusieurs centaines auraient réussi à se soustraire jusqu’ici aux recherches des polices combinées, ayant été prévenus à temps de ce qui se tramait contre eux. Nombreux sont ceux parmi eux qui chercheront à passer en Suède, où ils seront, à n’en pas douter, accueillis avec enthousiasme. Jusqu’ici, il n’est pas question de procéder de la même manière à l’égard de l’école technique supérieure de Trondheim. La raison en serait que les Allemands auraient grand besoin de nouveaux techniciens.
Il y a déjà en Allemagne, au camp abhorré d’Oranienbourg notamment, à peu près 1200 déportés politiques norvégiens, auxquels vient s’ajouter un nombre presque égal d’officiers transférés en Allemagne.
On arrive difficilement à saisir ce qui peut guider et inspirer les exécuteurs de l’occupation norvégienne en ayant recours, à l’heure qu’il est, à des moyens frisant l’inconscience. Ils ne feront qu’accumuler les haines, suffisamment grandes déjà, qui ne se laisseront plus dominer et éclateront d’autant plus violemment le jour venu. On se demande même quelquefois comment ce peuple fort et fier parvient encore à se contenir. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Sa discipline d’aujourd’hui consiste à attendre l’heure qu’il sait devoir luire. On s’en rend compte en Suède aussi, mais sans pouvoir en éprouver satisfaction ou apaisement.
- 1
- Rapport politique: E 2300 Stockholm/13.↩
- 2
- M. Pilet-Golaz a lu ce texte le 10 décembre 1943. Sur l’attitude de la Suisse face à l’arrestation des étudiants d’Oslo, cf. No 187.↩
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