Classement thématique série 1848–1945:
2. RELATIONS BILATÈRALES
2.19 ROUMANIE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 14, doc. 332
volume linkBern 1997
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1553#7274* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1553 403 | |
Dossier title | Schutz der Schweizer u. ihres Eigentums in Rumänien (1939–1945) | |
File reference archive | B.51.330 • Additional component: Rumänien |
dodis.ch/47518 Le Ministre de Suisse à Bucarest, R. de Week, au Département politique1
En 1939 et 1940, nous avions examiné ensemble les mesures à prendre pour sauvegarder les intérêts suisses dans le cas où la Roumanie aurait été envahie par une puissance avec laquelle notre pays n’entretient pas de relations diplomatiques.
Le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique avait accepté, dans cette hypothèse, d’adresser à sa légation de Bucarest toutes instructions utiles pour la défense des droits et intérêts de notre pays et de ses ressortissants2.
Depuis cette époque, la Roumanie est entrée en guerre contre l’URSS, mais, jusqu’à ce jour, les hostilités se sont déroulées hors de ses frontières. D’autre part, les Etats-Unis, devenus puissance belligérante dans le camp des adversaires du royaume danubien, ne pourraient plus remplir la mission qu’ils avaient acceptée en 1940.
Aujourd’hui, l’invasion du territoire roumain par les armées russes redevient une éventualité que l’on ne saurait tenir pour irréalisable. Je ne prétends pas qu’elle soit certaine et imminente, mais je crois qu’il faut la considérer comme possible.
A l’assemblée générale annuelle de la Société Suisse de Bucarest, qui eut lieu le 27 de ce mois, un des assistants y fit allusion et demanda si des précautions avaient été prises pour défendre, le cas échéant, les biens, droits et intérêts des Suisses établis en Roumanie. M. le Président Eggermann lui fit assez vertement observer que ce thème ne se prêtait guère à une discussion publique, dont le seul résultat serait de créer une atmosphère de panique. Je crus devoir ajouter que la colonie, en cette matière comme en toutes autres, devait faire confiance au gouvernement du pays et à son représentant, que l’hypothèse envisagée avait été, de même que beaucoup d’autres, étudiée de sang-froid depuis des années, que rien, enfin, ne serait négligé de ce qui pourrait être entrepris si elle venait à se réaliser.
Puisque l’occasion m’en est offerte par cet incident, je crois utile d’examiner avec vous les divers éléments de fait dont nous avons à tenir compte.
Ils peuvent se résumer ainsi:
1. L’URSS est en guerre contre la Roumanie, mais elle est alliée à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis d’Amérique. Si la Suisse n’entretient pas de relations diplomatiques avec le Kremlin, elle représente dans le royaume danubien les deux grandes puissances anglo-saxonnes et plusieurs autres des «nations unies» dont les gouvernements ont partie liée avec celui de Moscou. De ce fait, la situation de notre pays envers l’URSS se présente sous un jour moins défavorable qu’avant le 21 juin 1941. Si les troupes russes devaient un jour envahir la Roumanie, les cabinets de Londres et de Washington seraient en mesure d’intervenir en notre faveur auprès des dirigeants soviétiques. Ne pourrionsnous pas demander aux puissances anglo-saxonnes: a) de faire connaître à l’URSS que, vu les services rendus par la Suisse à la Grande-Bretagne et à l’Amérique et, par voie de conséquence, à la cause commune des «nations unies», elles seraient désireuses de voir les autorités militaires russes respecter, dans tous les pays où leurs armées pourraient pénétrer, les droits et intérêts de la Suisse et de ses ressortissants? b) de recommander la protection de ces droits et intérêts aux chefs des missions militaires britanniques et américaines, qui, dans les mêmes pays, accompagneraient les armées russes d’invasion?
2. Les expériences faites à Riga par mon collaborateur M. de Fischer, qui représentait la Suisse en Lettonie au moment où les troupes soviétiques occupèrent le pays, permettent de penser qu’il n’est pas impossible pour nos agents d’entretenir des rapports corrects avec ceux de l’URSS. Mais il s’agissait, en l’espèce, d’une occupation «pacifique», alors que, selon toute vraisemblance, l’invasion de la Roumanie serait un fait de guerre. En outre, les contacts personnels et les résultats qu’ils peuvent comporter demeurent soumis à des hasards imprévisibles. Enfin et surtout, le personnel de la légation, en totalité ou en partie, pourrait se trouver contraint par les circonstances d’abandonner la capitale pour suivre le gouvernement du pays. Au surplus, il n’est pas impossible que les autorités occupantes dénient aux agents d’un pays qui n’entretient pas de relations avec le leur le droit d’intervenir de quelque manière que ce soit dans les affaires intéressant ledit pays ou ses nationaux. Il paraît donc prudent de rechercher, comme nous l’avions fait en 1940, quelle serait, pour nous, sur le plan diplomatique, la protection la plus efficace.
Le choix est aujourd’hui beaucoup plus restreint qu’il y a trois ans. La seule puissance qui, à mon avis, pourrait nous offrir, à Bucarest, un concours utile est la Suède. D’une part, il est permis d’espérer qu’elle restera neutre jusqu’à la fin de la guerre et, de l’autre, étant déjà chargée des intérêts de l’URSS, elle serait mieux placée que d’autres pour nous être secourable.
Vous m’obligeriez fort en me faisant connaître votre avis sur les considérations qui précèdent. Il me serait particulièrement précieux d’apprendre si je puis en parler à mon collègue suédois, tandis que vous feriez sonder le Gouvernement de Stockholm3.
- 1
- Lettre: E 2001 (D) 3/403.↩
- 2
- Par télégramme du 8 novembre 1939, le Ministre de Suisse à Washington confirmait l’acceptation du Département d’Etat américain de représenter les intérêts suisses en Roumanie dans le cas d’une invasion russe (E 2001 (D) 3/403).↩
- 3
- Dans sa réponse du 22 avril, le DPF estime qu’il serait prématuré de tenter dès maintenant des démarches à ce sujet auprès de gouvernements étrangers. Des interventions de ce genre, dans l’état actuel des événements, ne manqueraient pas de causer une impression des plus fâcheuses aux autorités roumaines dans l’éventualité, jamais exclue, où elles viendraient à en avoir connaissance. Une recharge du Ministre de Suisse à Bucarest, datée du 4 mai 1943, dans laquelle il souhaite obtenir une prise de position de Berne par rapport aux mesures qu’il a proposées, est demeurée sans réponse. La Légation de Suisse sera maintenue à Bucarest sans interruption.↩
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