Classement thématique série 1848–1945:
2. RELATIONS BILATÈRALES
2.21. SUÈDE
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 14, Dok. 69
volume linkBern 1997
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#1020* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 443 | |
Dossiertitel | Stockholm, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 11 (1941–1941) |
dodis.ch/47255 Le Ministre de Suisse à Stockholm, P. Dinichert, au Chef du Département politique, M. Pilet-Golaz1
Un entretien très confidentiel que j’ai eu hier après-midi au Ministère des Affaires étrangères m’a engagé à vous envoyer de suite mon télégramme No 522 et me permet de mettre au point et compléter, plutôt que de corriger mon rapport No 37 d’hier3; car les renseignements de source non officielle que je vous transmettais se sont révélés exacts, dans l’ensemble.
Dès dimanche matin, le 22, peu d’heures après l’ouverture des hostilités contre la Russie, le ministre d’Allemagne, prince de Wied, qui ne passe point pour une lumière, se présenta au ministère des affaires étrangères, assisté du délégué spécialisé en ces questions et fort habile von Schnurre, dont vous parlait déjà mon rapport No 22 du 9 avril dernier4.
Avec circonlocutions, destinées à faire ressortir l’intérêt commun de l’Allemagne et de la Suède à anéantir le bolchevisme, les représentants de l’Allemagne formulèrent les trois demandes visées dans ma lettre d’hier. C’est la première, précise, relative au passage unique par territoire suédois d’une division allemande devant être transportée de Norvège en Finlande, qui retint surtout l’attention. J’y reviendrai. Les deux autres, concernant l’usage, dans des cas spéciaux, d’aérodromes et de ports suédois, apparurent au premier moment comme fort compromettantes, parce que manquant de précision et prêtant, par suite, à des abus. A la lumière des explications fournies et assurances reçues, il aurait cependant été reconnu que ces deux requêtes étaient, en réalité, de portée très réduite et il a pu y être consenti, sans autre, dans ces strictes limites. Il m’a pourtant été demandé de garder le secret au sujet de ces deux demandes secondaires, dont on ne parle pas, et je prie donc de n’en faire aucune mention dans les lettres politiques circulaires.
Reste la question du transit d’une division allemande, qui a fait ici l’objet d’abondantes discussions confidentielles pendant quatre journées et qui, rendue publique le 25 au soir, occupe aujourd’hui le monde entier.
Ainsi que je le signalais dans un précédent rapport, d’importants transports de troupes eurent lieu par eau de Norvège en Finlande au cours de la quinzaine précédant la déclaration de guerre. Cela prit plus de temps qu’il n’était prévu. Il s’agissait d’une première division, dont la majeure partie dut d’abord être amenée par chemin de fer de Bergen à Oslo. Ici, embarquement sur de nombreux bateaux, dont la marche se trouva ralentie par du brouillard dans la Baltique et le débarquement, par les installations insuffisantes des ports finlandais. Les embarcations retournèrent à vide au Danemark pour y prendre une division de remplacement de landwehr à destination d’Oslo. Là, une nouvelle division devait être embarquée pour être transportée également en Finlande. Mais c’était évidemment déjà trop tard; car les bateaux revinrent à vide de Norvège, ce qui fut connu ici et donna le premier éveil inquiétant.
J’ai demandé à mon interlocuteur suédois si la demande allemande avait été accompagnée de quelque menace précise. Il m’a été répondu non, en tous cas pas quant à quelque action coercitive immédiate. Mais on aurait clairement réalisé, du côté suédois, qu’il y allait des rapports futurs avec l’Allemagne, qui, le moment venu et suivant les circonstances, ne reconnaîtrait plus à la Suède le statut d’un Etat vraiment libre et indépendant.
Dans ces conditions, toutes les instances gouvernementales, y compris le Souverain, reconnurent qu’il fallait accepter la demande allemande et rallier aussi le parlement à cette attitude. En fait, dans les séances secrètes des deux Chambres du Riksdag de nombreuses objections et craintes furent formulées. Mais, finalement, de grandes majorités approuvèrent les propositions du gouvernement.
Dans tout cela, il ne faut pas oublier que la Suède ne se trouvait pas seulement en présence d’une quasi-exigence de sa puissante voisine allemande, mais en même temps de la requête similaire, évidemment concertée, de la Finlande, à laquelle cet appui ne pouvait guère être refusé. Il s’y ajoute le sentiment mélangé de crainte, de méfiance et d’aversion que la majorité des Suédois éprouvent pour le Russe, le Bolcheviste surtout. On ne pourrait, en tous cas, pas songer, en cas de complication, de demander aux Suédois de se battre avec les Russes contre les Finlandais, ceux-ci fussent-ils les alliés des Allemands.
Il convient, au surplus, de se rendre compte que le gouvernement suédois a été pour ainsi dire surpris en bien par les demandes allemandes. Ainsi que je vous l’ai écrit déjà, on pouvait s’attendre à bien pire, à quelque demande de cession de bases navales et aériennes. C’est cela qui eût pu créer une situation inextricable et conduire la Suède directement à la guerre, si l’exigence avait été absolument maintenue. L’arrangement intervenu constitue donc un gros soulagement et écarte, pour l’heure du moins, le plus grave danger de ce pays-ci.
On a des raisons d’admettre que l’autre côté aussi saura faire la part du feu. La Russie ne semble pas devoir insister. Elle vient de demander à la Suède, qui a aussitôt accepté, de sauvegarder les intérêts russes en Allemagne et en Hongrie. Londres et Washington, bien que manifestant quelque mauvaise humeur, ce qui se comprend, se laisseront également apaiser à la réflexion, vu surtout la situation tragique de la Finlande.
Dès le lendemain de l’arrangement intervenu, les transports militaires allemands commencèrent à rouler par territoire suédois, sous direction et contrôle suédois. On compte qu’il en faudra environ quatre-vingts en l’espace d’une douzaine de jours5. Pour les hommes seuls, quinze à vingt trains eussent suffi. Les trois quarts des convois sont donc occupés par l’énorme matériel. Car il s’agirait d’une division spécialement outillée, en partie motorisée, destinée, notamment, à l’attaque de travaux fortifiés. On songerait, entre autres, à la place forte russe de Hangô, établie après la dernière guerre sur terre finlandaise.
[...]
P.S. Du côté russe, on se montre ou feint de se montrer aujourd’hui optimiste quant au cours présent et ultérieur des opérations de guerre.
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