Classement thématique série 1848–1945:
2. RELATIONS BILATÈRALES
2.14. ITALIE
2.14.4. SUISSES ET ITALIE
Également: Aide-mémoire de Ruegger remis à Giannini, en faveur des Suisses du Mezzogiorno. Rappel des concessions importantes déjà faites par la Suisse en matière économique. Pour Berne, l’issue des négociations économiques en cours dépendra du sort que Rome réserve aux ressortissants suisses établis dans les régions du Sud. Annexe de 8.3.1941
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 14, doc. 26
volume linkBern 1997
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1553#6934* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1553 359 | |
Dossier title | Evakuierung der Ausländer aus den Militärzonen in Italien (Schweizer) (1941–1945) | |
File reference archive | B.51.317.1 • Additional component: Italien |
dodis.ch/47212
En me référant à notre correspondance, désormais déjà longue, au sujet de la situation des Suisses dans le Midi de l’Italie2 - question sur laquelle s’est greffé l’autre problème important du maintien de nos Consulats dans ces régions - j’ai l’honneur de vous confirmer la communication faite hier par la voie la plus rapide3.
M. le Sénateur Giannini m’avait prié de passer hier soir au Ministère, où il m’a donné connaissance de la réponse du Gouvernement italien au Pro Memoria que je lui avais remis le 10 mars (le document est daté du 8 mars)4, dans l’esprit des instructions arrêtées à Berne et dont le texte a été annexé à mon rapport du 11 du même mois5.
Voici tout d’abord la teneur générale de la notice marquée «riservata», dont l’Ambassadeur Giannini m’a donné lecture, sans toutefois me la laisser.
«Après examen de la situation spéciale exposée en ce qui concerne les colonies et consulats suisses dans l’Italie méridionale, les Autorités italiennes peuvent consentir à prendre les dispositions suivantes:
1° Les cas individuels des Suisses établis dans le «Mezzogiorno» et qui désirent y rester seront tous réexaminés individuellement, mais, comme disait le Sénateur Giannini, «con criteri di massima larghezza». En revanche, une révocation, par mesure générale, des dispositions d’éloignement touchant des Suisses ne saurait être prise, vu le précédent dont on ne manquerait pas de se prévaloir de la part d’autres Etats.
2° En ce qui concerne les Consulats, les Autorités italiennes consentiraient à ce que le Consulat de Catane et celui de Naples restent dans le «Mezzogiorno», à condition que le premier se transfère à Caltagirone et le second à Potenza. Encore ne faudrait-il pas, pour ne pas créer de précédent, donner de la publicité à cette mesure, mais se borner à donner connaissance de ces transferts par des communications orales et «discrètes» des Consulats aux colonies intéressées.
3° Les «concessions» qui précèdent seraient accordées, étant bien entendu que les négociations de caractère commercial et financier dont il a été fait mention aboutissent à l’échange de notes consacrant l’accord des deux Gouvernements.»
Je répète que M. Giannini ne m’ayant pas remis de texte écrit, je cite de mémoire; mais je viens de résumer la teneur générale de la communication officielle qui m’a été faite à votre intention.
* * *
Il est évident que j’ai dit à M. le Sénateur Giannini - qui n’a été aucunement surpris - que cette communication ne pouvait absolument pas donner satisfaction.
J’ai répété, en les amplifiant, les arguments déjà mentionnés dans mon aidemémoire daté du 8 mars. En ce qui concerne Naples en particulier, j’ai pu ajouter que l’expérience des dernières semaines, fort difficiles, avait démontré que, sans la protection des Consulats, les colonies, livrées à elles-mêmes, étaient aussi livrées à la débandade (à cet égard, j’ai invoqué les départs déjà constatés dans les provinces de l’arrondissement de Naples, en dehors du chef-lieu).
J’ai souligné, en outre, que le départ du Consul de Suisse de Naples signifierait la paralysie de nos œuvres suisses dans cette ville; d’abord de l’école, que le Consul dirige personnellement et à laquelle il se rend chaque jour, ensuite de l’Hôpital évangélique, dont l’activité est aujourd’hui plus nécessaire que jamais; du «Home» et ainsi de suite. Pour la dixième fois j’ai répété que nos Consuls étaient des agents administratifs ayant la charge d’assister, de conseiller et d’aider nos compatriotes, mais non pas de transmettre des renseignements d’autre caractère, que d’ailleurs nous ne leur demandions pas, etc.
L’Ambassadeur Giannini m’a répondu qu’il avait déjà fait valoir presque tous mes arguments, qu’il s’était employé de toutes ses forces pour trouver une solution, mais qu’il s’était heurté à un refus - «absolu», disait-il - de faire des «concessions plus grandes». J’ajoute que je suis absolument persuadé que M. Giannini a pris très à cœur la défense des intérêts de nos Suisses du «Mezzogiorno», et cela pour des raisons de conviction et de justice, indépendamment de l’argument, dont il s’est sans doute volontiers servi, de l’interdépendance entre l’octroi d’un crédit supplémentaire et le maintien des Suisses dans le «Mezzogiorno».
Vu cependant ses déclarations catégoriques quant à l’opposition qu’il rencontrait sur la voie de concessions plus larges, je lui ai dit que je devais me borner à en référer à mon Gouvernement, mais que s’il me demandait mon avis personnel, un accord ne pourrait absolument pas être rejoint sur cette base. Comment voudrait-on, en effet, ai-je dit, reléguer au «confino», dans des régions tout à fait éloignées du centre de leur activité, des agents dont la tâche était précisément d’être jour par jour en contact avec leurs administrés et de se rendre sans arrêt, comme l’expérience l’a prouvé, à la Préfecture, à la Questure, le cas échéant près l’autorité militaire, pour s’assurer de l’observation de promesses parfois données à Rome, et rarement et lentement transmises à la périphérie.
M. Giannini ayant repris la discussion, en demandant si la recherche de solutions pratiques ne permettrait pas de trouver un «compromis», j’ai pu noter, en passant, que
1° les autorités italiennes ne feraient sans doute pas de difficultés à ce que le Secrétaire de chancellerie de Catane, dans l’éventualité où il partirait pour Caltagirone, avec quelques archives indispensables, pourrait venir, de temps à autre, à Catane prendre les instructions de M. Caflisch, Consul honoraire, qui n’agirait plus comme tel, mais qui néanmoins pourrait diriger en fait, par des conseils, les travaux de son collaborateur;
2° que, dans la pensée de M. Giannini, le Consul de Naples pourrait venir, de temps à autre, à Naples, en groupant ses démarches et en essayant de charger des «correspondants» de la gestion des œuvres suisses si importantes.
J’ai cependant répété que des solutions boiteuses de ce genre n’empêcheraient pas de paralyser l’action des Consulats et de compromettre, en définitive, l’existence de nos colonies, toujours menacées et n’étant pas à l’abri de nouveaux incidents.
J’ai enfin demandé instamment à M. Giannini de porter, s’il souhaitait, comme j’en étais sûr, d’arriver à un accord, à nouveau la chose devant le Chef du Gouvernement et de lui expliquer combien la situation de nos Colonies et Consulats dans le «Mezzogiorno» est différente de celle de colonies et d’agences d’autres pays.
Au cours de l’entretien, il n’a pas été question, cette fois, de l’Agence consulaire de Bari.
Dans l’entretien avec M. Giannini, nous avons, d’autre part, rappelé que plusieurs questions d’ordre économique important étaient encore en suspens et devaient être élucidées.
En revanche, j’ai parlé avec toute l’insistance possible au Sénateur Giannini des difficultés surgies, depuis le 8 février dernier, à la frontière italienne, difficultés qui empêchent nombre de nos industriels et membres en vue de nos colonies ayant de grands intérêts à sauvegarder, de se rendre dans le Royaume. Ma démarche à ce sujet s’est référée expressément aux «desiderata» que j’avais communiqués à M. Giannini dès le 17 février dernier en ce qui concerne les facilités de visas, en corrélation avec l’octroi éventuel d’un crédit. M. Giannini s’en occupera, de son côté, ainsi que je vous l’écrirai à part.
A mon avis, il ne faut pas se hâter pour donner une réponse au Gouvernement italien, celui-ci ayant, du reste, attendu du 10 mars jusqu’à hier 1er avril avant de répondre à mon dernier pro memoria.
Ceci nous donne tout le temps de réfléchir et de considérer le triple aspect de nos intérêts politiques, économiques et de la protection de nos ressortissants en Italie, qui sont tous en cause.
En ce qui concerne les possibilités de sauvegarder nos intérêts dans le «Mezzogiorno», je peux très bien dire, pendant quelque temps, au Palais Chigi que je dois prendre, à votre intention, l’avis de nos Consuls (que je me réserve, au besoin, de convoquer à Rome pour conférer à ce sujet). Un transfert de la Chancellerie de Naples à Potenza, par exemple, n’est pas sans soulever des inconvénients évidents.
Au point de vue économique, la situation n’exige pas non plus, à notre sens, une décision immédiate. Evidemment, si le crédit n’est finalement pas octroyé, il sera nécessaire que la Commission mixte se réunisse à une date rapprochée pour réexaminer tout le problème de nos échanges. Dans le domaine des transports, où nous dépendons dans une certaine mesure de la bonne volonté de l’Italie, il ne faut, d’autre part, pas oublier que tous les milieux de Gênes attachent le plus grand prix à ces transports de transit pour la Suisse, qui représentent le seul gagne-pain pour une partie de la population.
Au point de vue politique, nous devons nous rappeler que la situation ne peut manquer d’évoluer, d’une manière générale, ces prochains temps. De nouveaux problèmes urgents vont peut-être se poser d’un moment à l’autre si le conflit prend une nouvelle extension. Nous ne devons jamais céder aisément ici, car de nouvelles exigences sont, selon l’habitude, présentées immédiatement après. Jusqu’ici, nous avons eu en somme tout avantage à «tramer» depuis quatre mois les discussions sur la dernière demande italienne - pour des raisons dont les Italiens de bonne foi ont été les premiers à reconnaître la justesse.
J’en arrive donc à la conclusion que pendant quelque temps - en tous cas jusque vers la fin du mois d’avril, nous nous bornions à dire ici que «les Autorités fédérales examinent la réponse du Gouvernement italien, avec le désir de trouver une solution tenant compte des importants intérêts en cause».