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Le Général H. Guisan au Chef du Département militaire, R. Minger, à l’intention du Conseil fédéral1

J’ai l’honneur de vous confirmer que l’internement en Suisse de 42000 Français et Polonais me préoccupe toujours davantage. La question de leur rapatriement s’avère de plus en plus urgente. En effet, le moral de ces troupes, dont la plupart sont désœuvrées, va en s’abaissant, en raison, notamment, du mal du pays et de diverses publications prématurées qui ont fait allusion à un prochain rapatriement et ont donné ainsi de vains espoirs aux internés. J’appréhende les difficultés que cette situation risque de nous apporter.

D’autre part, le coût de l’internement s’élève à environ 1 million par semaine. Au milieu des difficultés économiques qui nous guettent, les dépenses supplémentaires occasionnées pour le logement, le chauffage et la subsistance des hommes et des chevaux internés deviennent de plus en plus lourdes à supporter. Nos troupes affectées à leur garde se recrutent, désormais, parmi les territoriaux, au nombre desquels se trouvent de nombreux agriculteurs, et leurs effectifs sont très réduits. Il est impossible de commettre à cette garde des troupes d’élite ou de landwehr, celles-ci devant demeurer à la disposition des commandants d’unités d’armée pour remplir leur mission de défense dans les secteurs qui leur seraient affectés en cas de guerre et y poursuivre leur instruction.

Telles sont les raisons principales qui rendent le prochain rapatriement des internés non seulement désirable, mais nécessaire.

J’ai eu l’occasion de m’entretenir aujourd’hui de ce sujet avec le nouvel Attaché militaire près l’Ambassade de France à Berne, le lt-colonel Chauvin. Cet officier, qui était chef d’Etat-Major du Général Huntziger à la Commission d’armistice de Wiesbaden, m’a informé que le Ministre allemand Hemmen, chef de la délégation économique à la Commission d’armistice, ainsi que le Général von Stuelpnagel, chef de la délégation militaire, auraient donné leur assentiment de principe au rapatriement des internés. Le Gouvernement français de Vichy entreprendrait, cette semaine encore, des démarches dans ce sens.

En conséquence, j’estime que le moment est venu de faire à notre tour des démarches parallèles. Je vous prie donc de bien vouloir porter ces faits à la connaissance du Conseil fédéral, en insistant, une fois encore, sur la nécessité d’obtenir le rapatriement des internés dans le plus court délai2.