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Le Général H. Guisan à tous les membres de l’Armée1

ORDRE D’ARMÉE

De nouvelles méthodes de combat et de nouveaux moyens d’action ont été employés avec succès en Belgique, en Hollande et en France, au cours des combats de ces dernières semaines. Chacun d’entre nous - du commandant en chef jusqu’au simple soldat - qui a le sens de ses responsabilités vis-à-vis de la patrie s’est posé la question: comment repousser avec succès une attaque de ce genre.

J’ai pris - ainsi que vos chefs - les mesures nécessaires pour résister à une attaque moderne. La configuration de notre terrain nous donne des avantages qui n’existent pas en Belgique, en Hollande et dans le Nord de la France2.

Mais le succès d’un combat défensif ne dépend pas seulement des mesures prises par le commandement ou des avantages topographiques. Notre fidélité au drapeau et notre volonté inébranlable de combattre jusqu’à la dernière extrémité prouveront que nous sommes capables de soutenir une guerre avec honneur.

Vous observerez constamment, même au cours des durs combats que vous pourriez avoir à soutenir, les principes suivants:

Combattre pour sa patrie, c’est faire le sacrifice absolu de sa vie. Aucun moyen de combat nouveau, aucune méthode d’attaque nouvelle ne changent quoi que ce soit à cette vérité vieille de plusieurs siècles. Ce n’est pas seulement l’efficacité du feu qui procure à l’assaillant le succès, mais c’est surtout l’effondrement de la volonté du défenseur de combattre jusqu’au bout.

Aucun de vous ne doit se laisser distraire de sa tâche pendant une attaque d’avions. Les héroïques combattants de la guerre mondiale tenaient avec une volonté farouche leurs positions pendant des jours sous le feu infernal de l’artillerie. De même, vous devez et pouvez tenir pendant les attaques de l’aviation. Sans égard au danger, chacun se sert de son arme ou surveille le secteur qui lui a été confié. Dans les états-majors, le travail ne doit pas être interrompu. Celui qui a reçu l’ordre de se rendre en hâte au front n’interrompt pas sa marche. L’alarme-avions n’est valable que pour l’arrière et les troupes au repos.

Aucun de vous ne doit quitter son poste, même si les chars blindés attaquent ou sont déjà parvenus sur les flancs ou sur les arrières. Si vous n’avez pas les moyens de les mettre hors combat par des armes antichars ou par le combat rapproché, vous devez faire confiance aux échelons de l’arrière qui les détruiront. Rappelez-vous que la rupture du front par quelques chars blindés ne signifie rien, aussi longtemps que vous tenez vos positions des deux côtés de la brèche et que vous empêchez l’arrivée des renforts. Mais si vous vous croyez battu et hors d’état de lutter davantage, un simple succès local devient alors une victoire pour l’ennemi.

Aucun de vous ne doit quitter son poste parce que des parachutistes sont descendus dans votre dos. Ceci aussi ne change rien à votre mission: celui qui est au front tient sa position. Vos chefs détruiront cet adversaire au moyen de leurs réserves ou des détachements mobiles créés à cet effet.

Si jamais votre situation vous semble désespérée et si vous ne voyez plus aucune issue, pensez aux 1500 héros de St-Jacques sur la Birse, dont la mort héroïque a sauvé notre patrie et a donné une gloire immortelle au nom suisse.

Le Général: Guisan.

Cet ordre doit être lu à la troupe sous une forme prenante. Auparavant, les commandants d’unités s’imprégneront de son sens et de son esprit. Ils sont responsables qu’à l’avenir la troupe soit éduquée selon ces principes.