Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
A. AVEC LES ÉTATS LIMITROPHES
2. France
2.2. Affaires économiques
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 13, doc. 225
volume linkBern 1991
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1552#495* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1552 27 | |
Dossier title | Nachweis über den Erwerb von Effekten in der Schweiz (1940–1940) | |
File reference archive | A.15.71.21.1 |
dodis.ch/46982
Les banques des pays belligérants exigent pour l’encaissement de coupons échus et de titres appelés au remboursement, de même que pour les transactions en papiers-valeurs, certaines déclarations de la part du donneur d’ordre, en vue de faire respecter les prescriptions légales concernant le trafic avec l’ennemi et celles concernant les restrictions du trafic libre des devises. A cet effet, il a été exigé en France peu après le début de la guerre, une déclaration spéciale lors de l’encaissement de coupons échus et de papiers-valeurs appelés au remboursement, ainsi que pour les transactions sur titres. Cette déclaration doit confirmer qu’aucun ennemi ne bénéficie en aucune façon de l’exécution de ces opérations.
Nous avons l’honneur de vous remettre ci-joint, à titre d’exemple, le texte de deux déclarations exigées par le Crédit Lyonnais et le Crédit Commercial de France3.
Le décret français du 1er septembre 1939 définit les personnes qui sont à considérer comme «ennemi» (voir Journal Officiel No 219 du 4 septembre 1939, page 11090); les dispositions y relatives sont les suivantes:
a) Tous ressortissants ennemis se trouvant en territoire métropolitain ou colonial de l’ennemi, ou en territoire occupé par l’ennemi, ou ayant leur résidence habituelle dans un de ces territoires;
b) Toutes associations, sociétés, agences, succursales ou autres établissements, déclarés ou non, qui ont leur siège en territoire ennemi, ou qui ont été constitués conformément aux lois d’un Etat ennemi;
c) Toutes associations, sociétés, agences, succursales ou autres établissements, déclarés ou non, en quelque lieu qu’ils exercent leur activité, dépendant de quelque manière que ce soit d’une ou de plusieurs personnes physiques ou morales visées sous les lettres a) et b) ci-dessus;
d) Les ressortissants ennemis internés en France métropolitaine, en Algérie, dans les colonies françaises ou dans un pays allié;
e) Les ennemis figurant sur la «liste officielle» visée à l’alinéa 3 du décret du 1er septembre 1939 pour l’application du décret-loi du 1er septembre 1939 relatif aux interdictions de rapports avec l’ennemi.
En vertu d’un nouveau décret du gouvernement du 30 novembre 1939 (voir Journal Officiel du 1er décembre 1939), les banques françaises ont en outre, ces derniers temps, procédé à la bonification de la contre-valeur de remises de coupons et de titres sur des comptes différents (comptes anciens et comptes nouveaux), selon que les papiers-valeurs étaient la propriété de personnes domiciliées en France ou de personnes domiciliées hors de France. Il est possible pour le moment, avec l’autorisation des autorités compétentes, de transférer librement les montants versés sur comptes anciens. Par contre, cela ne peut être le cas pour les sommes versées sur comptes nouveaux et provenant de l’encaissement de papiers-valeurs propriété de personnes domiciliées en France. Il n’est à l’heure actuelle pas connu de quelle manière les sommes versées sur comptes nouveaux peuvent être utilisées.
Afin de pouvoir procéder à la bonification sur comptes anciens les banques françaises demandent, à part les déclarations mentionnées plus haut, des déclarations spéciales de «non français», dans lesquelles il doit être indiqué que le montant des coupons et des titres remboursables n’appartient pas à des personnes ayant leur domicile en France. A ces exigences qui gênent considérablement l’activité des banques suisses, est venu s’ajouter dernièrement le fait que lors de ventes de papiers-valeurs, les banques françaises exigent des établissements suisses des indications dépassant de beaucoup celles mentionnées plus haut. En effet, maintenant, le nom, le domicile et la nationalité du propriétaire de papiers-valeurs doivent être indiqués dans chaque cas particulier. Il semble que l’«Office de change» ait donné les instructions aux banques françaises de demander ces renseignements.
En vertu du secret bancaire réglementé par la loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne4, les banques suisses ne peuvent pas donner suite à la demande des banques françaises. En indiquant le nom, le domicile et la nationalité de leurs clients, les banques suisses violeraient en réalité le secret professionnel. Elles se voient en conséquence obligées de s’abstenir de ventes de papiers-valeurs en France, au cas où les instances françaises maintiendraient leurs exigences. Il en résulterait non seulement pour les banques suisses une situation très grave du fait que le volume des affaires a déjà subi une sérieuse atteinte à la suite de la guerre et des prescriptions des gouvernements étrangers concernant le trafic du capital et de l’argent, mais encore ces dispositions rendraient pour ainsi dire impossible aux propriétaires de titres la vente de leurs papiers-valeurs en France.
Il y a lieu de remarquer que les décrets du gouvernement français sur lesquels l’«Office de change» et en conséquence les banques françaises s’appuient pour demander les déclarations mentionnées plus haut, ne semblent pas exiger ces indications détaillées et précises. Une déclaration concernant la qualité de «non ennemi» et de «non français» devrait être au contraire suffisante. En effet, lorsque les conditions nécessaires à la remise de ces déclarations sont remplies, il est exclu que des transactions contraires aux prescriptions du gouvernement français puissent être effectuées. Il semble donc qu’il s’agisse en l’occurrence d’une mesure de l’«Office de change» qui dépasse le but poursuvi.
Nous vous prions donc de bien vouloir entreprendre les démarches nécessaires en vue d’obtenir que les instances françaises renoncent à exiger l’indication du nom, de l’adresse et de la nationalité du propriétaire lors de ventes de titres, et qu’elles se contentent, comme cela est le cas lors de l’encaissement de coupons et de titres appelés au remboursement, de la déclaration concernant la qualité de «non ennemi» et de «non français».
Il nous semble qu’il y aurait lieu de faire faire des démarches directement auprès du Ministère français des Finances, en vue d’obtenir cette concession, afin que ce Ministère puisse donner les instructions nécessaires à 1’«Office de change» qui, à son tour, les transmettrait aux banques françaises.
Il s’agit en l’occurrence d’une question de principe dont la portée ne doit pas être sous-estimée. Nous estimons qu’il est indispensable de s’opposer dans la mesure du possible aux exigences toujours plus grandes des instances étrangères.
Etant donné que cette affaire a un caractère urgent et que nous avons donné aux banques l’instruction de surseoir à l’exécution des ordres de ventes de papiers-valeurs en France, nous vous serions très obligés de vouloir bien donner la suite la plus rapide possible à notre requête5.
- 1
- La lettre est signée par le Président, R. La Roche, et par un membre, R. Speich, du Conseil d’administration de l’Association suisse des banquiers.↩
- 2
- Lettre: E 2001 (D) 2/27.↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Loi du 8 novembre 1934. Cf. RO, 1935, vol. 51, pp. 121-172.↩
- 5
- Le 9 janvier 1940, le Secrétariat de l’Association suisse des banquiers avait adressé aux banques affiliées à l’Association la circulaire (non reproduite) No 585 au sujet des Déclarations exigées par les pays belligérants (affidavits). (Cf. aussi E 2001 (E) 1967/113/ 453 et 459). Le Bureau du contentieux du Département politique répond à l’Association suisse des banquiers par une lettre du 17 janvier 1940: L’importance et la nature délicate de la question ne nous échappent pas et le problème qu’elle touche nous est connu par les discussions auxquelles il a donné lieu à l’occasion des pourparlers relatifs à la convention de double imposition avec la France. Nous croyons, par conséquent, devoir vous conseiller de déléguer des représentants auprès de notre Légation à Paris pour qu’ils puissent s’entretenir de vive voix avec elle de cette affaire complexe. Nous nous sommes permis d’informer notre Légation en lui soumettant une copie de votre exposé du 10 janvier. Le Ministre de Suisse à Paris, W. Stucki, répond à la lettre (non reproduite) du 17 janvier: [...] le problème qui nous occupe aujourd’hui est, en effet, du même domaine que celui qui a été discuté naguère, mais qu’il ne se présente pas sous le même angle. Lors de l’élaboration de ladite convention, la délégation a voulu lier la question de la double imposition à celle de l’assistance administrative, alors que, par les dispositions actuelles, le Gouvernement français a pris unilatéralement les mesures qui lui semblaient utiles pour contrôler l’application des décrets sur la déclaration des avoirs français à l’étranger et déceler, dans la mesure du possible, les cas de fraudes. Dans ces circonstances, je ne vois guère comment nous pourrions persuader le Gouvernement français à renoncer à ses exigences et je crains qu’une intervention n’offrirait guère de chances de succès. Par contre, il me semble que les Autorités françaises pourraient être amenées à tenir compte des desiderata de l’Association Suisse des Banquiers dans le cas où la France émettrait un emprunt sur le marché suisse. Par une lettre du 7 février, l’Association suisse des banquiers informe la Division des Affaires étrangères du Département politique: Pour faire suite à notre échange de correspondance des 10 et 17 janvier, nous avons l’honneur de vous informer que les délégués de notre Association, Mr. Golay, Directeur général de la Société de Banque Suisse et le 1er Secrétaire[A. Caflisch]ont eu le vendredi 2 février 1940, un entretien à Paris avec Mr. Rueff, sous-gouverneur de la Banque de France, au sujet des déclarations exigées par l’Office des Changes de la part des propriétaires suisses de titres français. Pour votre orientation, nous vous remettons ci-joint, les propositions remises à cette occasion à Mr. Rueff par nos délégués en vue d’un règlement de cette question. Ainsi que vous le constaterez ces propositions sont contenues d’une part dans le projet d’une lettre devant être adressée par l’Office des Changes à l’Association Suisse des Banquiers et, d’autre part, dans le projet d’un formulaire de déclaration pouvant être établie par les banques suisses. Nos propositions ont trouvé auprès de Mr. Rueff un accueil favorable en principe mais doivent être soumises à la Commission des Changes, compétente en la matière. Nous ne manquerons pas de vous tenir au courant de la suite qui sera donnée à cette affaire. En vous remerciant dès maintenant vivement de votre intervention, nous vous prions de bien vouloir transmettre par le courrier diplomatique la lettre ci-jointe adressée à notre Ministre à Paris qui a bien voulu réserver à nos délégués l’accueil le plus aimable. Afin d’informer du résultat satisfaisant de ces négociations, qui ont abouti à la signature d’un accord avec l’Office français des changes, l’Association suisse des banquiers adresse à ses membres les circulaires du 6 mars (E 2001 (D) 2/27) et du 21 mars 1940 (E 2001 (E) 1967/113/453).↩