Classement thématique série 1848–1945:
III. ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET DÉMARCHES POUR LA PAIX
2. Comité International de la Croix-Rouge
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 13, doc. 99
volume linkBern 1991
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001D#1000/1552#6872* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(D)1000/1552 204 | |
Titre du dossier | Appel du CICR concernant la protection de la population civile contre les bombardements aériens, I (1939–1940) | |
Référence archives | B.65.101.07.2 |
dodis.ch/46856
Comme votre Excellence le sait, le réseau des stipulations conventionnelles qui constitue dans son ensemble le droit de la Croix-Rouge est encore loin de répondre aux besoins les plus pressants2. L’expérience a révélé des lacunes et mis en relief l’insuffisance de plus d’un texte. La grande œuvre humanitaire conçue par Henri Dunant a rendu et rendrait encore d’immenses services en temps de guerre. Mais son efficacité dépend, dans une large mesure, des moyens juridiques dont elle dispose pour agir. Plus ces moyens seront éprouvés, étendus, perfectionnés, plus il lui sera possible, malgré les moyens modernes de destruction, de faire reculer les horreurs de la guerre ou du moins d’en atténuer les effets. Il est donc du devoir des membres de la communauté internationale de ne rien négliger pour mettre la Croix-Rouge en mesure d’exercer avec un succès toujours plus grand sa mission charitable sur le champ de bataille ou en tout autre lieu visité par la ruine et la mort. C’est bien dans ce sentiment que la XVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge, réunie à Londres en juin 1938, avait adopté, à l’unanimité des délégations gouvernementales et des délégations des sociétés nationales, le vœu suivant:
«La XVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge,
donnant suite à la proposition de sa Commission juridique,
exprime le vœu que la conférence chargée d’examiner les projets de convention actuellement à l’étude se réunisse dans le plus bref délai,
recommande aux gouvernements de répondre favorablement à l’invitation qui leur serait adressée par le gouvernement auquel sera confiée la tâche de convoquer la conférence,
invite le Comité international de la Croix-Rouge à entreprendre les démarches nécessaires afin d’assurer aussitôt que possible la réunion de ladite conférence.»
Ce vœu a été porté à la connaissance des Autorités fédérales par le Comité international de la Croix-Rouge. Le Gouvernement de la Confédération serait vivement désireux de réunir à Genève, dans un proche avenir, une conférence diplomatique appelée à compléter ou à améliorer le droit contractuel de la Croix-Rouge. Il y a d’ailleurs longtemps que, pour sa part, il nourrit ce désir.
On se souviendra que la conférence diplomatique d’où étaient sorties les deux conventions de 1929 avait adopté, dans son acte final, les deux vœux que voici:
«La Conférence émet le vœu que les pays participant aux Conventions de Genève se réunissent en conférence, dans un avenir rapproché, en vue de réglementer, avec toute l’ampleur nécessaire, l’emploi de l’aviation sanitaire en temps de guerre.»
«La Conférence, faisant siennes les résolutions unanimes de ses deux Commissions, exprime le vœu que des études approfondies soient entreprises en vue de la conclusion d’une convention internationale concernant la condition et la protection des civils de nationalité ennemie qui se trouvent sur le territoire d’un belligérant ou sur un territoire occupé par lui.»
Pour donner suite à ce double vœu, le Comité international de la Croix-Rouge avait élaboré deux avant-projets de convention relatifs, l’un, à l’emploi des aéronefs sanitaires en temps de guerre, l’autre, à la condition et à la protection des civils de nationalité ennemie qui se trouvent sur le territoire d’un belligérant ou sur un territoire occupé par lui. Ces avant-projets paraissaient si importants qu’ils auraient justifié, à eux seuls, la convocation d’une conférence internationale. Les sondages auxquels le Conseil fédéral avait procédé, en 1936, dans diverses capitales l’amenèrent cependant à surseoir, en raison de la situation générale, à toute réunion diplomatique.
On ne continua pas moins, dans les milieux de la Croix-Rouge, à se préoccuper d’améliorer le droit en vigueur. Depuis 1929, les événements de guerre qui s’étaient produits dans diverses régions du globe n’avaient fait d’ailleurs que mettre en évidence la regrettable insuffisance des principes tutélaires de la Croix-Rouge. Ces principes devaient être non seulement étendus à de nouvelles zones, mais encore renforcés dans leurs effets là où leur empire n’était plus contesté. Il n’aurait plus suffi, en effet, d’ajouter, pour le compléter, une ou deux conventions à l’appareil de protection existant; le besoin se faisait également sentir de réviser les instruments de base comme la Convention de Genève du 27 juillet 1929 et la Convention de La Haye, du 18 octobre 1907, sur l’adaptation à la guerre maritime des principes de la Convention de Genève.
C’est à cette tâche difficile et complexe que s’employa activement le Comité international de la Croix-Rouge. Conformément aux mandats qu’il avait reçus des conférences de la Croix-Rouge, il élabora, avec le concours d’experts qualifiés, toute une série de textes destinés à donner plus d’efficacité ou plus d’ampleur au droit existant. Sur l’activité qu’il a déployée à cet effet, on se reportera utilement au compte rendu de la XVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et, singulièrement, au rapport présenté en séance plénière par le président de la Commission juridique.
Les objets traités dans cet ordre d’idées par le Comité international sont au nombre de cinq; ils ont donné lieu chacun à un rapport spécial que nous avons fait imprimer et dont on trouvera le texte annexé à la présente communication. Il s’agit des matières suivantes:
1. Projet de révision de la Convention de Genève, du 27 juillet 1929;
2. Projet de révision de la Xe Convention de La Haye, du 18 octobre 1907,
sur l’adaptation à la guerre maritime des principes de la Convention de
3. Projet de convention sur l’aviation sanitaire;
4. Projet de convention sur la création de localités et zones sanitaires;
5. Projet de convention sur les civils de nationalité ennemie.
Pour ce qui est du projet sur les localités et zones sanitaires, il y a lieu de rappeler qu’il doit son origine à une résolution de la Conférence internationale de la Croix-Rouge réunie à Tokio en 1934. Un comité d’experts avait établi un premier texte en 1936. Lors de la Conférence internationale de la Croix-Rouge à Londres en 1938, le vœu avait été exprimé que la question fût examinée de plus près. C’est ce que fit un comité d’experts convoqué, en octobre de la même année, par le Comité international de la Croix-Rouge.
De même que le comité d’experts de 1936, le comité d’experts de 1938 ne s’arrêta pas à l’étude de «lieux de sécurité», dits «lieux de Genève», qui serviraient de refuges en temps de guerre à tout ou partie de la population civile; il limita son examen aux «localités et zones sanitaires», soit aux refuges destinés en premier lieu aux blessés et malades militaires. Il restait ainsi strictement dans le cadre des conventions de Genève.
Le Conseil fédéral n’aurait pu retenir sans autre, pour être renvoyées aux délibérations d’une conférence diplomatique à convoquer par ses soins, les cinq questions qui ont fait l’objet de rapports du Comité international de la Croix-Rouge. Il en est deux, en effet, qui relevaient, en tout premier lieu, de la compétence des Pays-Bas: la révision de la Xe Convention de La Haye et le projet de convention sur les civils de nationalité ennemie, qui n’est qu’un élargissement d’un des chapitres de la IVe Convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. Il paraissait cependant désirable que la future conférence diplomatique traitât en même temps deux questions aussi connexes que l’application des principes de la Croix-Rouge à la guerre sur terre et l’application de ces mêmes principes à la guerre maritime. Consulté sur ce point, le Gouvernement des Pays-Bas nous fit très obligeamment savoir qu’il ne voyait pas d’objection à ce que, pour la raison susénoncée, le projet de révision de la Xe Convention de La Haye fût inscrit à l’ordre du jour de la conférence à convoquer par la Suisse. Il fut d’ailleurs convenu d’une manière générale que les conférences convoquées par le Conseil fédéral pourraient porter désormais sans autre sur toutes les questions touchant spécifiquement à la Croix-Rouge, tandis que le Gouvernement de la Reine, en tant que gérant des conventions de La Haye, se réserverait les matières concernant plus spécialement le droit de la guerre et de la neutralité.
Quant au projet de convention sur les civils de nationalité ennemie, il se rattache sans aucun doute à ces dernières matières. Mais comme, de l’avis surtout du Comité international, cet objet ne laissait pas de présenter une certaine urgence, le Gouvernement néerlandais a accepté qu’il fût exceptionnellement compris parmi les questions à renvoyer à la prochaine conférence diplomatique qui s’ouvrirait à Genève.
L’ordre du jour initial de la conférence serait donc constitué par les cinq questions dont nous venons de parler et qui sont traitées dans les cinq rapports qu’on trouvera à l’annexe.
Le Conseil fédéral n’a pas encore pris de décision, en raison des circonstances, quant à la date même de la conférence. Il espère toutefois vivement être en mesure de lancer les convocations à bref délai. Il se borne, pour l’instant, à remettre les documents préliminaires aux gouvernements en les priant de consentir à charger leurs services compétents d’en entreprendre l’étude aussitôt que faire se pourra.
Eu égard à l’importance du but poursuivi, le gouvernement de la Confédération est d’ores et déjà certain que tous les Etats parties à la Convention de Genève répondront avec empressement, le moment venu, à l’invitation qui leur sera adressée, d’autant plus que, comme nous l’avons rappelé, la dernière Conférence internationale de la Croix-Rouge insistait, l’an dernier déjà, sur la nécessité de pousser activement l’étude des réformes jugées nécessaires.
Le Conseil fédéral publiera volontiers, en temps utile, un nouveau document contenant les observations que les gouvernements auraient à présenter au sujet des documents préliminaires préparés par les soins du Comité international de la Croix-Rouge. Il leur serait donc très obligé de bien vouloir lui faire connaître toutes les remarques et critiques qu’ils jugeraient utile de soumettre aux divers Etats avant l’ouverture de la conférence3.
- 1
- Lettre: E 2001 (D) 2/204.↩
- 2
- Cette circulaire est adressée par les Ministres de Suisse aux Ministres des A ffaires étrangères dans les Etats où ils sont accrédités. Le 27 avril 1939, le Comité international de la Croix-Rouge propose au Conseil fédéral un Plan des activités humanitaires ayant été ou pouvant être exercées par la Suisse, en cas de guerre générale, dans le cadre de la neutralité active. Cette proposition est discutée au cours de plusieurs séances. Cf. E 2001 (D) 4/1 et E 27/19824.↩
- 3
- La guerre rendra impossible la convocation de la conférence prévue.↩