Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 417
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#484* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 231 | |
Dossier title | London, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 32 (1938–1938) |
dodis.ch/46677
Ce n’est guère que par acquis de conscience que je vous adresse le présent rapport, car je n’ai rien à relater que vous ne sachiez déjà.
La «Stimmung» à Londres depuis dimanche dernier est celle des jours qui suivent ceux où l’on s’est trouvé en face d’un danger terrible et où il s’est agi de prendre des décisions immédiates avec un extrême minimum de temps pour réfléchir. Les journées de vendredi et samedi ne comptent pas, car durant ces quarante-huit heures il n’y a eu qu’une seule pensée, celle d’avoir échappé à la guerre mondiale.
C’est à partir de dimanche qu’on s’est ressaisi et qu’on s’est mis à se demander: «Voyons, dans quelle position nous trouvons-nous? dans quelles conditions et à quel prix avons-nous sauvé la paix?».
Ainsi qu’il était infailliblement à prévoir cette «Stimmung» est celle qu’on pourrait désigner en allemand par le terme «politischer Katzenjammer».
On distingue dans l’opinion publique deux thèses quant au point de vue à adopter comme base en considération de ce qui s’est passé. L’une veut que n’importe quelle solution vaut mieux qu’une guerre mondiale et l’autre estime qu’une défaite morale qui nous évite la guerre - pour le moment! - n’est pas une solution. [...]2
La discussion continue donc jusqu’à demain après-midi. Jusqu’ici les deux discours les plus importants ont été ceux de Sir John Simon et Mr. Winston Churchill, le premier défendant le point de vue du Gouvernement, le deuxième le démolissant avec la force théâtrale qu’on lui connaît. Deux passages de ces discours sont intéressants à relever. Sir John Simon a dit textuellement: «Je désire constater nettement et fermement que le Gouvernement français et nousmêmes n’avons fait aucun tort («injury») à la Tchécoslovaquie en la plaçant en face de l’alternative», c’est-à-dire, céder ou périr. Mr. Churchill d’autre part maintient que le prestige des grandes puissances française et anglaise a subi une défaite de première grandeur, entre autres aux yeux des petits Etats, et que si Londres et Paris avaient déclaré dès le commencement qu’elles lâcheraient la Tchécoslovaquie, celle-ci aurait obtenu au printemps ou en été des termes incomparablement plus favorables que maintenant.
Mr. Butler, le Sous-Secrétaire parlementaire pour les Affaires étrangères a, comme c’est son devoir, nié cette perte de prestige et je cite à ce sujet un passage qui vous intéressera sans doute personnellement. «M. Spaak, Ministre des Affaires étrangères de Belgique, dit dans un message, au nom de sa nation, qu’il a reçu d’innombrables témoignages de municipalités belges exprimant leur admiration pour le Premier Ministre et leur gratitude. Je puis dire à la Chambre que M. Motta aussi, le Conseiller fédéral suisse pour les Affaires étrangères m’a demandé, lors de plus d’une conversation, de transmettre au Premier Ministre des messages semblables.»
Jusqu’à ce qu’on saura l’histoire complète de tous les développements et évolutions de la période de crise, il est impossible d’exprimer un jugement par rapport à la justification des deux points de vue, celui du Gouvernement et celui de ses adversaires. Deux seuls facteurs sont définitivement établis: la guerre générale a été évitée et, ensuite de la prise de position des démocraties, celles-ci se proposent de mettre la politique européenne sur une base entièrement nouvelle. Partisans et adversaires du Gouvernement déclarent très justement que nous ne sommes qu’au début de la nouvelle phase. Ceux qui vont établir la paix durable et ceux qui veulent se prémunir contre le danger accentué de guerre invoquent tous les deux la nécessité de continuer avec la dernière énergie l’accélération du réarmement.
Le prochain pas à faire pour Londres et Paris paraît être dans la direction du rapprochement avec l’Italie. Dans cet ordre d’idées la question espagnole sera de première importance. Le fait que la France semble avoir définitivement perdu son influence dans les pays du Danube est une chose dont on n’a pas besoin de relever le poids; et l’attitude inamicale de la Pologne vis-à-vis de la France surtout, mais aussi vis-à-vis de la Grande-Bretagne ne manquera pas d’influencer le problème.
Tout compte fait, on peut dire sans hésiter que personne n’essaie de nier le fait que celui qui sort victorieux de la crise c’est M. Hitler tout seul. Il y a naturellement certains petits succès pour les autres, notamment en premier lieu pour Mr. Chamberlain auquel revient surtout le mérite d’avoir sauvé la paix; à M. Daladier qui l’a secondé et à Sig. Mussolini auquel on laisse la gloire de médiateur.
On a fait en outre des expériences très utiles. On a vu en Angleterre combien le pays était loin d’être préparé pour une guerre mondiale et on a pu se convaincre qu’il existait en Allemagne l’horreur de la guerre. Mr. Chamberlain ainsi que M. Daladier ont eu, dit-on, une réception bruyante à Münich et même de fervents nazistes admettraient que le Premier Ministre britannique est aujourd’hui, y compris le Führer, l’homme le plus populaire en Allemagne.
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Sudeten Crisis and Munich Agreement (1938)