Également: Réponse positive du DMF à la question ci-dessus. Annexe de 18.8.1938
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 12, doc. 361
volume linkBern 1994
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001D#1000/1554#211* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(D)1000/1554 16 | |
Titre du dossier | Protection de populations civiles combattants contre les bombardements aériens en cas de guerre (1938–1939) | |
Référence archives | E.414.03.1 |
dodis.ch/46621
Nous avons reçu du Secrétariat de la Société des Nations une brève communication contenant le texte du télégramme par lequel le Gouvernement de Barcelone demande d’inscrire à l’ordre du jour de la prochaine Assemblée la question de la «protection des populations civiles non combattantes contre les bombardements aériens en cas de guerre».
Vous trouverez sous ce pli un exemplaire du document No C.265.M.158 que nous avons reçu; nous y joignons, à toutes fins utiles, un autre document que nous avions reçu en juin du Secrétariat et qui contient une protestation indignée du Gouvernement cubain contre le bombardement des populations civiles.
Il est possible que le Gouvernement de Barcelone développe ultérieurement sa motion dans un document qui sera distribué avant ou pendant l’Assemblée de la Société des Nations; il se peut aussi qu’il préfère se limiter à des interventions verbales à la tribune de l’Assemblée ou devant la Commission à laquelle cette affaire sera, de toute façon, renvoyée.
Nous aurions évidemment toutes raisons de nous montrer réservés à l’égard de toute initiative venant de Barcelone, mais il faut reconnaître qu’en l’espèce, la question posée dépasse en portée celle qu’a peut-être voulu lui donner le Gouvernement espagnol; il s’agit bel et bien d’un problème qui préoccupe toute l’opinion mondiale.
Vous vous souvenez que, l’an dernier, l’Assemblée avait déjà été unanime à flétrir «les bombardements aériens de villes ouvertes par l’aviation japonaise» (résolution du 28 septembre 1937). Cette année, lors de la Conférence internationale de la Croix-Rouge réunie à Londres du 20 au 25 juin, le même problème a été évoqué, et la conférence, qui comprenait des représentants des deux partis espagnols, ainsi que des représentants du Japon, a adopté à l’unanimité l’appel suivant en faveur de la protection de la population civile contre les bombardements aériens:
«Les 54 Sociétés nationales de la Croix-Rouge assemblées au sein de la XVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge, réunie à Londres le 20 juin 1938, en attendant les résultats de leurs efforts pour assurer des mesures générales pour la protection de la population civile, s’adressent au nom de l’humanité aux autorités compétentes de tous les pays afin d’empêcher ou de restreindre les bombardements aériens de façon que soit sauvegardée la vie des femmes, enfants et vieillards sans défense. Les Sociétés adressent un appel pressant à ces autorités pour que, dans tous les lieux où la vie des civils peut être mise en danger par des opérations militaires, il soit pourvu à l’évacuation des femmes et des enfants dans des zones de sécurité sous la protection de la Croix-Rouge.
Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge désirent exprimer leur fervent espoir que des mesures efficaces seront prises sans délai en vue d’aboutir à des accords sur ce point entre tous les Gouvernements conformément à l’esprit chevaleresque et humain qui est celui de la Croix-Rouge.»
Nous inclinons à penser qu’un fort courant se dessinera, cette année encore, au sein de l’Assemblée en vue d’une condamnation réitérée de pratiques de guerre qui révoltent la conscience de l’humanité civilisée. Quelle devra être l’attitude de la Suisse?
S’il s’agissait de la condamnation d’un pays particulier, comme ce fut le cas, l’an dernier, pour le Japon, nous devrions évidemment nous abstenir; notre politique de neutralité nous en ferait un impérieux devoir. Mais s’il s’agit, comme il y a lieu de s’y attendre, de s’élever d’une manière générale contre certaines méthodes de guerre, rien ne s’opposerait à ce que la Suisse s’associât au vœu qui pourrait être exprimé par l’Assemblée. Tout nous engagerait même à le faire, la Suisse s’étant depuis longtemps mise délibérément à la tête des pays qui s’efforcent par tous les moyens en leur pouvoir d’adoucir les souffrances résultant de la guerre.
Nous n’examinerons pas la question d’un point de vue technique; nous savons fort bien que, dans une guerre moderne, la population civile sera fatalement et toujours exposée aux bombardements aériens. Le voisinage d’objectifs militaires ne peut être soustrait à ce danger. Ce qu’il faut condamner, c’est le bombardement pur et simple, en dehors de tout objectif militaire, des populations civiles. Il est vrai que toutes les armées du monde se défendront toujours de bombarder des populations aux seules fins de les terroriser et d’impressionner l’adversaire; elles invoqueront toujours la présence d’objectifs militaires. Le principe qu’on veut sauvegarder ne constituera donc jamais qu’une protection assez illusoire contre les attaques faites sous l’empire de la mauvaise foi. Mais mieux vaut dresser une barrière si fragile soit-elle contre les entreprises d’un belligérant sans scrupules que de se confiner dans une attitude toute passive à l’égard du massacre systématique des civils. Si elle n’empêchera pas tous les abus criants qu’on a déjà constatés sur maints champs de bataille, elle peut néanmoins réfréner l’ardeur de certains chefs militaires soucieux malgré tout de ne pas engager par trop la responsabilité de leur pays devant l’opinion internationale. Ce sera autant de gagné.
Nous serions heureux de connaître votre manière de voir à cet égard. Si, dans l’ensemble, elle correspondait à la nôtre, nous pourrions proposer au Conseil fédéral de donner pour instructions à sa délégation à Genève de s’associer, le cas échéant, à toute résolution de l’Assemblée tendant à protéger les populations civiles contre les bombardements aériens. L’instruction serait brève et générale. Elle suffirait cependant pour mettre la délégation suisse en situation de se prononcer à tout le moins sur la question de principe. L’affaire pourra prendre, en effet, des développements inattendus. Il n’est pas impossible que l’initiative du Gouvernement de Barcelone soit renforcée par une action parallèle de certains Etats aidés, le cas échéant, des grandes puissances. Nous pensons notamment aux Etats du Nord. Mais, comme nous sommes dans la plus complète incertitude à cet égard, il suffirait, pour le moment, de nous en tenir à l’aspect tout général du problème.
Le Conseil fédéral devant arrêter prochainement ses instructions à l’usage de sa délégation, nous vous serions fort obligés de bien vouloir nous faire parvenir votre réponse le plus tôt possible2.
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (D) 4/16. Paraphe: OT.↩
- 2
- La réponse du Département militaire, signée Obrecht (suppléant de Minger), du 18 août 1938 était la suivante: Nous avons l’honneur de vous accuser réception de votre lettre du 16 de ce mois et de vous informer que, d’accord avec le Chef du Service de l’Etat-major général, nous approuvons pleinement votre manière de voir en ce qui concerne l’attitude générale à observer par la délégation suisse au cas où la question de la protection des populations civiles contre les bombardements aériens serait mise à l’ordre du jour de la prochaine assemblée de la Société des Nations. Pour la tentative de pression de Burgos, cf. No 370.↩
Tags
Espagne (Général)
Guerre civile espagnole (1936–1939)