Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
I.1 LE RETOUR DE LA SUISSE À LA NEUTRALITÉ INTÉGRALE
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 12, Dok. 299
volume linkBern 1994
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
Signatur | CH-BAR#E2001D#1000/1554#7* | |
Dossiertitel | Mémorandum sur la neutralité de la Suisse au sein de la S.d.N. (1938–1938) | |
Aktenzeichen Archiv | E.12.20.a |
dodis.ch/46559
Ainsi que vous l’aurez appris par la presse, le Conseil de la Société des Nations a adopté, dans sa séance du 14 mai, une résolution par laquelle la neutralité traditionnelle de la Suisse est déclarée compatible avec les stipulations du Pacte. Le statut qui avait été reconnu à notre pays par la Déclaration de Londres, du 13 février 19202, a été donc modifié dans le sens que nous demandions. La Suisse a ainsi recouvré, dans le cadre de la Société des Nations, la neutralité intégrale à laquelle ses intérêts vitaux lui commandaient impérieusement de revenir. C’est une grande date pour notre pays. Le changement de politique que le Conseil fédéral avait annoncé par notre discours du 22 décembre au Conseil national3 est maintenant un fait accompli. On peut se féliciter qu’il soit intervenu sans déclaration unilatérale, mais avec le plein assentiment de la Société des Nations.
Notre collaboration avec cette dernière restera loyale et confiante dans les limites mêmes de la neutralité traditionnelle ainsi recouvrée. Comme nous l’avons déclaré au Conseil de la Société des Nations, «la Suisse demeurera fidèle à l’idéal de collaboration et de bonne entente internationale qui a toujours été le sien et qui continuera à l’animer».
Vous voudrez bien trouver sous ce pli le texte du rapport que M. Sandler, Ministre des Affaires étrangères de Suède, a présenté au Conseil, ainsi que le texte de la résolution4.
Cette dernière a été adoptée, comme vous le savez, par le Conseil unanime, deux Etats, PU.R.S.S. et la Chine, s’étant abstenus.
L’abstention soviétique n’avait rien d’imprévu, l’U.R.S.S. ne pouvant guère, politiquement, nous donner son plein concours en cette circonstance. Quant à l’abstention de la Chine, elle était empreinte des sentiments les plus amicaux à l’égard de notre pays. Elle s’explique uniquement par la nécessité où se trouve, en ce moment, le Gouvernement chinois de ne pas déplaire au pays qui l’aide le plus dans sa lutte contre le Japon. Il eût été sans doute désagréable à M. Litvinoff d’être seul à s’abstenir; M. Wellington Koo lui a servi de second sans pour autant articuler aucune critique contre la demande suisse. Son abstention était «extérieurement» motivée par des considérations de principe s’appuyant sur la crainte que d’autres pays pussent, à la faveur du cas suisse, se libérer des obligations découlant de l’article 16 du Pacte.
Il nous reste maintenant à saisir les Chambres fédérales des résultats obtenus à Genève.
Si le succès de notre demande a été aussi complet qu’il pouvait l’être dans les circonstances actuelles, nous le devons, pour une grande part, à l’action personnelle du rapporteur, M. Sandler, Ministre des Affaires étrangères de Suède, qui a témoigné, pour notre situation, une compréhension aussi amicale qu’intelligente. Mais nous le devons aussi aux interventions des représentants de plusieurs pays dont l’amitié pour la Suisse s’est affirmée une fois de plus. A cet égard, nous n’avons pu que nous louer de l’attitude adoptée à notre endroit par M. Bonnet et ses collaborateurs. Il n’est pas jusqu’à l’Ambassadeur de France à Berne, M. Alphand, qui ne se soit discrètement dépensé à Genève pour faciliter notre tâche dans toute la mesure du possible. Le rôle de la Délégation française en cette affaire pouvait être décisif. Il a été pleinement amical et compréhensif. Nous vous saurions gré d’exprimer personnellement à M. Bonnet, à la première occasion, notre gratitude personnelle et celle du Conseil fédéral.
Nous saisissons cette occasion de vous remercier aussi de tout ce que vous avez fait, de votre côté, pour vaincre les difficultés qui auraient pu se présenter du côté français. Votre aide nous a été des plus précieuses. Vous aviez éclairé complètement le Quai d’Orsay sur nos intentions. Notre tâche s’en est trouvée singulièrement facilitée.
Ajoutons qu’au cours d’une conversation que nos collaborateurs avaient eue à Genève avec la Délégation française renforcée de M. Alphand, le désir a été exprimé qu’à l’occasion de l’approbation de la résolution par le Conseil, le représentant de la Suisse marquât, ne fût-ce que d’un mot bref, notre souci de défendre notre neutralité dans l’air aussi bien que sur terre. Vous connaissez à ce sujet les préoccupations françaises. La question posée par nos interlocuteurs n’était pas moins délicate, car elle pouvait soulever certains problèmes de technique militaire, voire de responsabilité internationale que nous n’aimerions guère aborder sans le concours de l’Etat-major général. Mais comme on ne nous demandait nullement de toucher au fond même de la question, nous avons pu donner satisfaction à la Délégation française en marquant, à la dernière séance du Conseil, la volonté de la Suisse «de défendre par tous les moyens en son pouvoir son sol et son domaine aérien dans l’intérêt commun de tous les Etats et notamment de ses voisins»5.
Nous aurons d’ailleurs sans doute l’occasion de revenir plus tard sur cette question dont nous discernons tout l’intérêt.