Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
I.1 LE RETOUR DE LA SUISSE À LA NEUTRALITÉ INTÉGRALE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 258
volume linkBern 1994
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1554#7* | |
Dossier title | Mémorandum sur la neutralité de la Suisse au sein de la S.d.N. (1938–1938) | |
File reference archive | E.12.20.a |
dodis.ch/46518 Le Chef du Département politique, G. Motta, au Ministre de Suisse à Londres, Ch. R. Paravicini1
En nous référant à votre télégramme du 28 mars2, nous avons l’honneur de vous faire connaître que le Conseil fédéral a approuvé, dans sa séance de ce matin3, le projet de mémorandum4 à adresser au Conseil de la Société des Nations au sujet de notre neutralité.
Le texte, que vous trouverez sous ce pli, n’a encore qu’un caractère provisoire, le Conseil fédéral ne devant prendre une décision définitive que lorsqu’il connaîtra les observations éventuelles des gouvernements britannique et français, qu’il s’agit maintenant de consulter.
Notre rédaction diffère quelque peu, sauf dans la conclusion, de celle que nous vous avions d’abord communiquée5. Nous en avons remanié l’argumentation, notamment à la suite de certaines observations de M. Max Huber. Avec lui, nous pensons, toutes réflexions faites, que mieux vaut nous en tenir, pour justifier notre attitude, à des considérations de fait plutôt que d’entrer dans une critique trop accentuée, si fondée fût-elle, de la notion de neutralité différentielle. Une controverse pourrait facilement naître sur ce terrain; il est préférable de l’éviter, comme il nous a paru indiqué, d’une manière générale, d’éliminer, autant que possible, de notre texte les points de friction. C’est ainsi que nous ne parlons ni du siège ni de l’obligation qui incomberait à la Société des Nations de s’abstenir dorénavant, sur notre territoire, de tous actes inconciliables avec notre neutralité intégrale recouvrée. Parler du siège, ce serait soulever la question des garanties que l’on pourrait être tenté de nous demander pour le bon fonctionnement de l’institution dans le cas de crise générale ou même de guerre. Le problème est des plus délicats, et nous aurions tout intérêt à ne pas le voir poser, du moins dans les circonstances actuelles.
Notre argumentation, dans ses grandes lignes, se ramène à ceci: le régime institué par la Déclaration de Londres pouvait se justifier dans une Société des Nations puissante ou en voie de le devenir; il n’est plus viable dans une Société affaiblie. Nous ne critiquons rien ni personne; nous constatons, et nous constatons que les circonstances sont telles qu’un retour à la neutralité inconditionnelle est devenu une impérieuse nécessité pour la Suisse. Les constatations que nous faisons n’ont évidemment rien de réjouissant, mais on ne saurait guère nous reprocher, à Londres ou ailleurs, de mettre quelques points sur les i. Nous ne faisons qu’exprimer des vérités que tout le monde connaît, mais, comme vous le remarquerez, nous ne nous sommes pas moins attachés à ménager les susceptibilités en passant assez prestement sur les revers de la Société des Nations.
Vous avez constaté que le mémorandum, dans la première version que vous avez eue sous les yeux, était rédigé de façon à ne pas demander expressément au Conseil d’approuver notre attitude ni à écarter, en revanche, la possibilité d’une telle approbation. Cette rédaction, dont le vague voulu est compensé par la souplesse, a été maintenue. Elle laisse au Conseil une certaine latitude. Nous lui facilitons ainsi la tâche autant que possible. S’il en venait à une résolution ou déclaration constatant expressis verbis que notre neutralité intégrale, eu égard à son caractère unique, est pleinement compatible avec les stipulations du Pacte, nous nous en féliciterions. Mais il se peut que, faute de l’assentiment des Soviets, il soit empêché d’aller aussi loin et qu’il se borne à nous donner acte de nos déclarations. C’est le moins qu’il pourrait faire, et c’est à ce minimum - qu’il lui serait évidemment loisible de dépasser - que nous nous sommes arrêtés dans l’ultime alinéa du mémorandum.
Comme vous le savez, la prochaine session du Conseil s’ouvrira, sauf imprévu, le 9 mai. Nous pourrons sans doute faire inscrire la question de la neutralité suisse à son ordre du jour avant l’envoi du mémorandum. Il serait souhaitable cependant que ce dernier pût être envoyé le plus tôt possible à Genève. Aussi vous saurions-nous vivement gré de presser amicalement le Foreign Office pour qu’il nous fasse connaître ses observations à bref délai6.
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (D) 4/1. Paraphe: OT.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- Cf. No 256.↩
- 4
- Cf. No 277, annexe.↩
- 5
- Cf. No 227, annexe 1.↩
- 6
- La lettre parallèle, adressée à la même date au Ministre de Suisse à Paris, comprend encore le passage suivant: Ajoutons qu’il nous a paru souhaitable de faire, à la fin du mémorandum, une allusion directe au «caractère unique» reconnu par la Déclaration de Londres à notre neutralité. En faisant appel à l’actuel Conseil, il est bon que nous rappelions une constatation aussi explicite du Conseil de 1920. De tous les instruments diplomatiques dont nous pouvons faire état, c’est peut-être la Déclaration de Londres qui a le plus nettement marqué - grâce surtout à ces deux mots - ce par quoi notre neutralité se distingue de toutes les autres. Le projet de mémorandum a été également remis, le 4 avril, à l’Ambassadeur de France à Berne, Ch. Alphand, et au Ministre de Grande-Bretagne, G. Warner.↩