Ce n’est plus une défaite électorale: c’est une véritable catastrophe qui sévit hier sur la France, et j’en suis peiné pour ce pays. Dans mon rapport du 21 avril2, j’avais timidement émis l’avis que les communistes pourraient bien gagner une trentaine de sièges; or, de douze qu’ils étaient dans la Chambre précédente, ils reviennent, après consultation populaire, avec un effectif de 72 membres: gain 60! Ce n’est guère encourageant d’émettre des pronostics en matière électorale. Les socialistes S.F.I.O., eux aussi, reviennent de la bataille après avoir gagné 49 sièges. Ci-inclus, le journal «Excelsior» de ce matin3; je vous recommande de prendre connaissance, au bas de la première page, de l’affreuse carte noire des circonscriptions de l’agglomération parisienne.
Les radicaux socialistes, jusqu’ici cheville des crises ministérielles, ont perdu 53 mandats et ne sont plus que 109 au lieu de 162: c’est une débâcle. [...]
La poussée considérable du front populaire, dont la majorité sera désormais d’environ 345 sur 618 députés, donne à réfléchir très sérieusement et je voudrais bien savoir ce que M. Albert Sarraut4 en pense; en effet, les socialistes vont se trouver dans la nécessité de prendre le pouvoir complet. Sauront-ils s’y comporter? [...]
Naturellement, le résultat des élections a provoqué une grande agitation dans les rues de la capitale: j’ai rarement assisté à pareilles manifestations de mécontents du scrutin; cela permet d’envisager des journées agitées, sans compter les séances du Parlement qui se remettra à donner de bien mauvais exemples.