dodis.ch/46129
Le Chef du Département politique,
G. Motta, au Chargé d’affaires a. i. de Suisse à
Rome, E. Broyé
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Nous avons eu l’honneur de recevoir votre lettre du 6 février2 concernant les difficultés que rencontrent encore nos journaux suisses à pénétrer en Italie malgré la levée d’une interdiction antérieure, ainsi que le refus par les postes italiennes d’accepter le payement du renouvellement des abonnements. Il est certes des plus regrettable que, malgré toutes vos démarches et vos efforts, la confusion qui règne dans ce domaine dans les provinces italiennes ne prenne pas fin et, comme vous pouvez le penser, cette situation n’est pas sans nous préoccuper, d’autant plus qu’un certain mécontentement se manifeste dans notre presse. C’est ainsi que la question de représailles éventuelles, dont vous nous entretenez dans votre communication, est posée par certains journaux de gauche, qui, faisant allusion aux mesures de rétorsion que nous avons prises à l’égard de la presse allemande en 1934 et 19353, s’étonnent de ce que nous n’ayons pas réagi de la même manière envers la presse italienne.
Il est évident, cependant, que la situation est entièrement différente. Tout d’abord, les mesures prises par le Gouvernement allemand frappaient la presque totalité de nos journaux de langue allemande et notamment les plus importants. Ensuite, les motifs qui inspirèrent ces interdictions furent de tout autre nature, le Gouvernement allemand ayant de sa propre initiative interdit les journaux étrangers qui lui paraissaient contraires au bon ordre, alors que l’interdiction décrétée par le Gouvernement italien l’a été dans le cadre des contresanctions que ce Gouvernement s’est cru en droit d’appliquer à l’égard des pays sanctionnistes, tout en tenant compte de la situation spéciale de quelques-uns d’entre eux.
Au surplus, nous estimons qu’il ne serait pas indiqué de procéder à des mesures de représailles contre la presse italienne, qui n’auraient pour effet que de provoquer de nouvelles mesures de rétorsion qui frapperaient alors nos grands quotidiens, pour l’instant autorisés en Italie. Ce à quoi nous désirons arriver avant tout, c’est que le Gouvernement italien s’en tienne strictement aux interdictions mentionnées dans la liste4 que nous avons établie et que le Ministère de la Presse se décide à lever l’interdiction de certains journaux encore à l’index dont le ton et la tendance ne peuvent pas être jugés offensants à l’égard de l’Italie, comme le «Popolo e Libertà», la «Revue» ou le «Bund» par exemple, sans oublier le «Dovere» au sujet duquel vous avez déjà entrepris des démarches. Nous n’atteindrions pas ce but en usant de représailles et la meilleure méthode à suivre nous paraît de persévérer dans nos démarches, en espérant que, dans un laps de temps aussi court que possible, le Ministère de la Presse sera en mesure de faire exécuter par les Autorités locales les ordres qu’il leur donne.
De notre côté, nous remettrons à l’occasion au Ministre d’Italie un aidemémoire4 résumant la question et dans lequel nous attirerons son attention sur le fait qu’il serait hautement désirable que les Autorités italiennes compétentes missent fin à une situation confuse et rapportassent la mesure qui frappe certains journaux suisses dont ni le ton ni la rédaction ne sauraient inquiéter le Gouvernement italien.