Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
9. Etats-Unis
9.2. Questions politiques générales
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 11, doc. 193
volume linkBern 1989
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2300#1000/716#1185* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2300(-)1000/716 498 | |
Titre du dossier | Washington, Politische Berichte und Briefe, Militär- und Sozialberichte, Band 44 (1935–1937) |
dodis.ch/46114
Dans son désir de rester neutre et d’éviter à tout prix d’être mêlé à un conflit européen, tout en faisant son possible pour arrêter une guerre de conquête2 qu’il condamne, sans avoir l’air toutefois de faire le jeu de la Société des Nations et de la Grande-Bretagne, le Gouvernement américain a fini par se trouver dans une situation embarrassante. La loi votée par le Congrès3 ne prohibant que l’exportation des armes et munitions et laissant libre la vente du cuivre, de l’acier, du coton et du pétrole aux belligérants, le 5 octobre, le Président avait cru devoir avertir les exportateurs américains que tout commerce avec les belligérants serait fait à leurs risques et périls et qu’ils ne devaient plus compter sur la protection du Gouvernement américain. Cet abandon du dogme de la liberté des mers avait passé presque inaperçu car, tant qu’il n’y avait pas de blocus et de sous-marins pour arrêter les exportations américaines, cela n’avait pas grande importance. Au lieu de diminuer, le commerce avec l’Italie avait au contraire augmenté. Le Président et son Secrétaire d’Etat firent alors des déclarations successives les 10 et 30 octobre et les 15 et 26 novembre, dans le but de restreindre, sinon de supprimer la vente des matières premières nécessaires à la guerre aux belligérants, c’est-à-dire à l’Italie, puisque le commerce avec l’Ethiopie est à peu près nul. Le 15 novembre, le Secrétaire d’Etat avait même mentionné expressément que l’exportation du pétrole, du cuivre, des camions, des tracteurs, des déchets de fer et d’acier était contraire à la politique gouvernementale. Non seulement cette défense n’était plus conforme à l’esprit de la loi votée par le Congrès, mais elle devançait les mesures envisagées alors par la Société des Nations, comme celle de l’embargo du pétrole4, par exemple. Il y eut alors des protestations de la part de ceux qui étaient menacés dans leurs intérêts par les déclarations du Secrétaire d’Etat. On critiqua en outre la politique du Gouvernement qu’on trouvait dangereuse. Car, si cette politique ne présente pas de grands inconvénients tant que le conflit est circonscrit entre l’Italie et l’Ethiopie, que se passera-t-il, demandait-on, si l’Angleterre et la France entrent en guerre contre l’Italie. Pour être conséquent avec lui-même, le Gouvernement américain devra refuser de faire du commerce avec tout belligérant, en courant le danger de produire une nouvelle crise économique aux Etats-Unis. S’il ne peut se résoudre à cela, il faudra alors qu’il cesse d’être neutre, qu’il choisisse, et, se mettant du côté de la Société des Nations, qu’il continue à faire du commerce avec certains des belligérants, au risque d’être mêlé au conflit. Et l’on concluait qu’il n’est pas sage de faire une règle de neutralité qui ne peut être observée qu’au prix de sacrifices intolérables ou qui ne peut être modifiée sans que l’on cesse d’être neutre, que cela avait été une erreur, enfin, que de vouloir déterminer la politique générale des Etats-Unis en matière de neutralité par les circonstances spéciales particulières et temporaires de la guerre entre l’Italie et l’Abyssinie et des sanctions ordonnées par la Société des Nations.
Tout cela provient, dit-on, du fait que le Secrétaire d’Etat a été troublé par cette constatation, que la neutralité stricte favorise l’Italie sans aider l’Abyssinie. Déplorant cette conséquence, il s’est préoccupé de restreindre ou de contingenter, pour le ramener aux proportions d’avant-guerre, le commerce avec l’Italie en étendant ainsi la loi. Il était poussé à cela par la crainte qu’on lui reproche de paralyser les sanctions de la Société des Nations ou d’être responsable d’un blocus anglais ou français ayant pour but d’empêcher le pétrole américain d’arriver en Italie. Mais bien que la politique italienne soit assez sévèrement jugée par la presse, l’opinion publique ne semble pas être d’accord avec les mesures préconisées par le Secrétaire d’Etat et l’on ne croit pas que le congrès les ratifierait ou serait disposé à donner pour cela des pouvoirs discrétionnaires au Président. Il y a d’abord trop de gens intéressés à la vente des produits dont l’Italie peut avoir besoin. Et puis il ne faut pas oublier qu’aux Etats-Unis, la politique extérieure est presque toujours influencée par la politique intérieure. Or l’attitude de la Société des Nations, ou plutôt de la Grande-Bretagne a eu pour effet de réunir les très nombreux Italiens établis aux Etats-Unis, qu’ils soient fascistes ou anti-fascistes, dans un même sentiment de solidarité envers leur pays d’origine. Et les Italiens sont en général des électeurs démocrates, qui pourraient très bien l’an prochain manifester leur rancune à l’égard de la politique du Gouvernement en votant contre le Président, ou en tout cas contre les représentants ou sénateurs qui auraient approuvé l’application des sanctions par les Etats-Unis. Et c’est pourquoi, tout en déplorant peut-être que les propositions faites aux belligérants par la Grande-Bretagne et la France ne lui paraissent pas imprégnées d’un très grand scrupule de justice internationale, le Gouvernement américain ne sera pas fâché que ces propositions soient acceptées de part et d’autre et qu’ainsi le souci de sa propre conduite dans ce conflit soit définitivement éloigné.
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États-Unis d'Amérique (USA) (Politique)