dodis.ch/46023 Le Ministre de Suisse à Rome, G. Wagnière, au Directeur de la Division du Commerce du Département de l’Economie publique, W. Stucki1
En me référant aux communications que je vous ai adressées au sujet de la portée des nouvelles limitations des importations en Italie2, il me paraît utile de vous faire savoir que, sauf au Ministère des Finances, on est unanime, dans les milieux officiels, à reconnaître que l’Italie s’est engagée dans une voie extrêmement compliquée. D’autre part, pour bien comprendre les difficultés actuelles, il ne faut pas perdre de vue le fait que je vous ai déjà signalé, que toutes ces restrictions ont l’unique but de maintenir la stabilité de la lire.
Si nous voulons rechercher une des causes principales des difficultés financières présentes de l’Italie, nous la trouverons dans l’emprunt de conversion3
. Vous voudrez bien vous souvenir que dans certaines communications que je vous avais adressées en son temps à ce sujet, je vous disais que cet emprunt de conversion coûterait cher à l’Italie, et que les premiers effets défavorables de cette opération se feraient déjà sentir au début de 1935. Un gouvernement ne peut pas impunément diriger le marché financier. Le résultat de l’emprunt de conversion a donc été un exode considérable de capitaux italiens à l’étranger. D’autre part, le contrôle des placements italiens à l’étranger et la législation relative aux devises4 ont eu le même résultat. Au fond, toute la politique financière de l’Italie, ces derniers mois, a abouti aux résultats contraires visés par ces mesures. Un banquier de ma connaissance a relevé très justement – et cette opinion, d’ailleurs, est partagée par beaucoup de personnes compétentes – que le chef du gouvernement a le tort de s’entourer et de se faire inspirer par des professeurs au lieu d’entendre les opinions des hommes de la pratique et des affaires.
Les nouveaux contingentements généraux italiens ont créé beaucoup de mauvaise humeur à l’étranger. Nous sommes très bien placés pour nous rendre compte de cette atmosphère, étant donné qu’au cours des négociations que nous avons eues ces dernières semaines, nous avons rencontré chaque jour dans les couloirs des ministères des collègues qui ne cherchaient même plus à déguiser leur mauvaise humeur à l’égard des fonctionnaires italiens chargés des négociations. Comme je vous le dis dans ma lettre d’aujourd’hui5 au sujet de notre accord6, nous sommes arrivés à régler provisoirement le problème de nos importations en Italie. Ce règlement provisoire n’est pas un idéal, mais, pour le moment, nous nous trouvons dans une situation certainement meilleure que celle qui est réservée à tous les autres pays.