Les graves décisions d’ordre financier prises par le Gouvernement2 et publiées par les journaux sont l’objet de commentaires infinis. Nous avons adressé hier à ce sujet un rapport détaillé au Département fédéral des Finances dont nous vous avons envoyé copie3.
Cette opération suggère des considérations non seulement financières, mais aussi politiques. L’opération est destinée à fournir au Gouvernement le moyen de faire face à ses engagements extérieurs sans exporter de l’or. Il ne s’agit pas d’une expropriation, mais de la faculté pour le Gouvernement d’acheter au cours actuel de la lire des avoirs des citoyens italiens déposés à l’étranger.
Afin de «renforcer la stabilité monétaire», il est fait obligation aux personnes et aux sociétés de nationalité italienne résidant en Italie ou dans les colonies de céder à l’Institut national pour les changes avec l’étranger les créances et devises sur l’étranger. De même les sujets italiens, banques, banquiers, sociétés, personnes juridiques de quelque nature que ce soit, de nationalité italienne et résidant dans le Royaume ou dans les colonies, sont tenus de déclarer les titres étrangers et les titres italiens émis à l’étranger possédés par eux, même s’ils sont déposés à l’étranger.
Ces mesures touchent une foule de personnes, dont nous connaissons plusieurs qui ont des dépôts à l’étranger, et en particulier en Suisse. J’en connais qui sont très près du Gouvernement et du monde officiel.
Mais ce qui frappe le plus dans ces mesures, c’est qu’elles révèlent une situation difficile de la finance de l’Etat. Après le dernier emprunt4, dont le résultat a été célébré avec tant d’éclat par le Gouvernement et par toute la presse, comment se fait-il que ce Gouvernement se trouve dans la nécessité de recourir à des moyens extrêmes qui provoqueront toutes sortes de critiques et un grand mécontentement dans beaucoup de milieux et, en particulier, chez les banquiers dont les opérations en changes étrangers se trouvent fortement entravées.
Il est permis d’admettre que les difficultés financières certaines que traverse l’Etat sont aussi pour quelque chose dans le rapprochement actuel avec la France et les avances de plus en plus marquées faites à la sœur latine. [...]
Il serait parfaitement injuste de ne voir dans ce rapprochement que des motifs d’ordre financier. Je vous ai souvent marqué le recul bien compréhensible de l’Allemagne en Italie dans les sympathies officielles et populaires.