Classement thématique série 1848–1945:
I. SOCIÉTÉ DES NATIONS
2. La Suisse et l’admission de l’Union soviétique à la SdN
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 11, Dok. 61
volume linkBern 1989
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#773* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 343 | |
Dossiertitel | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 87 (1934–1934) |
dodis.ch/45982
Le Chargé d’affaires a. i. de Suisse à Paris, P. Ruegger, au Chef du Département politique, G. Motta1
[...] Vous savez... que la France, de concert avec la Grande-Bretagne et l’Italie, ne se contentera pas seulement de favoriser la candidature de la Russie soviétique, mais que les trois Puissances désirent encore aujourd’hui qu’une «invitation» soit préalablement adressée à l’U.R.S.S. dans les mêmes formes que celles dont furent l’objet la Turquie et le Mexique.2 Le Conseil des Ministres de France, dans sa réunion d’hier, s’est solidarisé, à cet égard, avec la politique préconisée par M. Barthou.3 Vous n’ignorez pas, d’autre part, que, soucieuse d’amener la Russie dans l’orbite de la politique occidentale et du système, à l’heure actuelle encore précaire, du «Pacte oriental», la France s’emploie à diminuer ou, tout au moins, à atténuer les résistances qui se manifestent dans divers pays contre l’admission de l’U.R.S.S. dans les institutions de Genève. Reconnaissant que le centre de l’opposition réside aujourd’hui dans l’opinion publique de notre pays, la France a fait précéder ses démarches dans différentes autres capitales par son intervention à Berne.4
La situation a donc quelque peu évolué depuis que M. Massigli5 disait à M. le Ministre Dunant que, tout en préconisant l’entrée de l’U.R.S.S. dans la S.d.N., la France respecterait l’opinion des pays qui, pour des raisons générales ou particulières, croiraient devoir voter contre l’admission des Soviets.
Il est superflu de s’étendre aujourd’hui sur les raisons qui amènent le Gouvernement français actuel à souhaiter vivement l’entrée de l’U.R.S.S. à l’Assemblée et au Conseil de la Société des Nations. Préoccupé de suivre une politique exclusivement européenne, ayant, par la force des choses, ses regards fixés sur le Rhin au point de vouloir presque oublier les graves événements qui peuvent se préparer en Extrême-Orient, le Gouvernement français voudrait se hâter à incorporer la Russie dans le système de pactes régionaux pour la sécurité dont le principe a été accepté par l’Assemblée. D’autre part, les Autorités françaises ne se dissimulent certes pas les dangers de la propagande de la IHème Internationale, qui provoque, soit dit entre parenthèses, toutes les semaines des bagarres sur le territoire de la République. En «apprivoisant» la Russie officielle, le Gouvernement français se flatte cependant de l’espoir qu’il sera plus facile de tenir en laisse l’Internationale de Moscou. «Les Russes», dit-on ici, «viennent de très loin.» Le pas qu’ils sont disposés à franchir vers la S.d.N. est très grand si l’on se rappelle les véhémentes attaques lancées, il y a peu de temps encore, de Moscou contre les institutions genevoises. Faut-il les refouler en Asie, d’où ils continueraient, cependant, leur travail souterrain avec plus d’acharnement encore, en devenant, ou plutôt en demeurant, un élément de troubles perpétuel?
Telle est la thèse de la France officielle qui, il faut en convenir, est partagée par la grande majorité des journaux de toute nuance. Certes, quelques journaux de droite voient avec sympathie la résistance qui se manifeste dans notre opinion publique. Mais la consigne est formelle. Vous aurez peut-être remarqué que M. Pierre Bernus réserve son franc parler pour les colonnes du «Journal de Genève», tandis que le «Journal des Débats», dont il est pourtant le directeur, observe une attitude singulièrement plus incolore. Quant aux journaux de gauche, ils sont unanimes. Quelques journalistes vont même jusqu’à insinuer, comme l’a fait, avant-hier, M. Sicard dans 1’«Intransigeant», que l’opposition du public suisse et notamment suisse allemand contre l’admission de l’U.R.S.S. à Genève serait, en partie, organisée en Allemagne!
L’opinion qui se reflète dans la grande majorité de notre presse et dans bien des milieux suisses, a été fidèlement et objectivement rapportée au Quai d’Orsay par l’Ambassadeur de France à Berne. Il convient, du reste, de reconnaître le souci de loyauté dont M. Clauzel – en s’écartant de l’exemple de plusieurs de ses prédécesseurs – a fait preuve dans cette circonstance délicate.
Le Ministère des Affaires Etrangères a été convaincu que l’attitude de la Suisse ne peut peut-être plus s’inspirer de considérations exclusives de politique étrangère. Si ces considérations seules pouvaient primer, on veut croire ici que la Suisse mesurerait les conséquences d’une admission de la Russie – qui paraît certaine – après le vote négatif de notre délégation. Refoulée dans une attitude encore plus hostile, la Russie, membre du Conseil, et sachant que nous tenons à garder le siège de la Société des Nations, pourra être une source d’inquiétudes pour nous. Le vote négatif, dit-on ici, n’empêchera certes pas, – tout au contraire – la délégation soviétique à [sic] exercer une action gênante pour nous et que nous aurons, vu les termes précis du pacte, peut-être assez de difficulté à enrayer.
Ce sont là toutes des considérations que vous avez déjà amplement pesées. Pour ma part, j e ne puis que vous signaler l’état d’esprit que vous trouverez auprès des membres de la délégation française, à votre arrivée à Genève.
Le Quai d’Orsay n’a pas pu, ou n’a pas voulu me donner des indications précises sur les Etats qui s’abstiendront, lors du vote sur l’admission de la Russie, ou qui manifesteront même une opinion contraire. Pour la plupart, les Etats qui hésitent semblent d’ailleurs vouloir réserver leur attitude jusqu’au moment de l’arrivée de leurs délégués au siège de la S.D.N....
Au point où en sont les choses, notre action diplomatique devra, sans doute, tendre tout d’abord à faire comprendre et à rendre plausible, l’attitude spéciale que la Suisse pourra être amenée à adopter. Un argument qui, j’ai pu m’en convaincre, rencontre de la compréhension, est celui que la S.D.N., basée ellemême sur l’opinion publique mondiale, ne peut vouloir, sans s’amoindrir, faire violence à l’opinion publique nationale qui, dans notre vieille République, s’exprime librement et parfois à travers tous les intermédiaires constitutionnels. Cet argument ne réussira pas toujours à convaincre, mais il aura le mérite de forcer le respect dans les Etats qui forment actuellement encore l’épine dorsale de la Société des Nations.
- 1
- E 2300 Paris, Archiv-Nr. 87.↩
- 2
- Et qu’un siège permanent soit accordé au nouveau membre dans le Conseil de la Ligue.↩
- 3
- Ministre des Affaires étrangères.↩
- 4
- La Grande-Bretagne intervient également à Berne dans le même sens. En marge de la notice téléphonée de Londres le 29 août par le Ministre de Suisse, C. Paravicini, pour annoncer la démarche anglaise, Motta note: Cette démarche a été faite hier. M. Kennard[Ministre de Grande-Bretagne à Berne]a déclaré cependant que son seul but était de se renseigner. 29.8.34 (E 2001 (C) 5/107).↩
Tags
Aufnahme der Sowjetunion in den Völkerbund (1934)
Russland (Allgemein) Völkerbund