Avant de partir pour la Suisse, faisant usage du congé que vous avez bien voulu m’accorder, j’ai encore tenu à voir M.van Karnebeek, Ministre des Affaires étrangères. Il m’a reçu ce matin et a tenu à me faire connaître ses vues définitives au sujet d’une entente à établir entre la Suisse, les Pays-Bas et les Etats Scandinaves quant aux questions ayant trait à la Société des Nations.
Ainsi que je vous l’ai déjà écrit, M. van Karnebeek approuve tout à fait, en principe, la proposition faite par le Conseil fédéral. Il estime, toutefois, que pour éviter d’éveiller des méfiances, il y aurait lieu de procéder cas par cas, en se servant des personnes qui paraîtraient le plus indiquées et en choisissant, chaque fois, le lieu le plus approprié. Selon lui, il ne faudrait donc pas centraliser l’échange de vues à créer toujours au même endroit, mais tenir compte des circonstances. C’est ainsi, par exemple, que pour discuter en commun certains points placés à l’ordre du jour de la première réunion de l’Assemblée générale de la Société des Nations, il serait nécessaire d’avoir recours à l’avis d’experts spéciaux, qui n’auraient pas à s’occuper du côté politique de l’affaire. Telle est l’idée de M. van Karnebeek, que je me réserve de vous exposer plus en détails lorsque j’aurai, très prochainement, l’honneur de vous faire visite à Berne, [...]2
M. van Karnebeek a saisi l’occasion pour me présenter ses vives félicitations de ce que Genève ait été désignée comme lieu de réunion de la première session de l’Assemblée générale. Il est heureux que les intrigues qui avaient été tramées pour priver Genève du droit qui lui revenait d’après le Pacte, n’aient pas abouti, grâce à la fermeté du Président Wilson.
Le Ministre des Affaires étrangères m’avoua qu’il avait été fort inquiet à ce sujet, à la suite des conversations qu’il avait eues avec M. Léon Bourgeois lors de la séance d’ouverture du Comité international pour l’élaboration d’une Cour Permanente de Justice Internationale. M. Bourgeois se serait alors déclaré franchement opposé au choix de Genève.
M. van Karnebeek se demande si l’Assemblée générale pourra réellement se réunir le 15 novembre déjà. Sera-t-il possible de préparer à temps, surtout pour l’examen des pays lointains, comme par exemple le Japon, les questions qui figurent à l’ordre du jour? Il importe, pour le bon renom même de l’Assemblée, qu’elle n’aborde que des questions étudiées à fond. [...]3
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