Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
Également: Exposé de la nature des démarches suisses auprès de Wilson. Nécessité de ménager les Puissances qui se sont montrées favorables à la Suisse dans cette affaire. Annexe de 8.7.1920
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 365
volume linkBern 1984
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2200.40-05#1000/1632#4* | |
Dossier title | SOCIETE DES NATIONS: Siège à Genève (1920–1920) | |
File reference archive | I.C.1.b |
dodis.ch/44576
Je sors de chez Sir Eric Drummond auquel j’ai remis la liste des délégués suisses à la Conférence financière de Bruxelles, liste que vous avez bien voulu me communiquer par votre télégramme no 21 arrivé ce matin2.
J’ai saisi cette occasion pour lui dire qu’il nous intéresserait beaucoup de savoir si le Président Wilson a déjà répondu à la demande du Conseil de la Société au sujet de la convocation de l’Assemblée générale. Sir Eric m’a appris qu’en effet un télégramme du Président Wilson était parvenu hier et qu’à teneur de cette communication le Président se déclarait prêt à convoquer l’Assemblée, mais qu’il exprimait des doutes sur l’endroit où la session devrait avoir lieu en manifestant son étonnement que ce doive être Bruxelles et non pas Genève.
Le Secrétaire général s’empressa de me dire que cette réponse le met quelque peu dans l’embarras. Il était mentionné notamment, dans le message du Président, que le Gouvernement suisse avait fait des démarches3 auprès de lui pour que Genève, et non pas Bruxelles, soit désignée. Sir Eric craint que cette tentative fasse une mauvaise impression auprès des membres du Conseil. Il lui est difficile de comprendre que le Gouvernement suisse ait cru devoir formuler un recours alors qu’il s’agit d’une décision prise à l’unanimité par le Conseil de la Société. Il avait pourtant expliqué clairement à M. Ador les raisons pour lesquelles on avait choisi Bruxelles, ceci d’ailleurs sans aucun préjudice pour Genève à qui appartient le siège définitif. Il communiquera le texte du télégramme de Washington aux membres du Conseil et il ne lui paraît pas impossible que l’attitude de la Suisse dans cette affaire soit l’objet de certaines observations fâcheuses. Il est évident, continua-t-il, que la Suisse ne peut pas réclamer formellement cette première Assemblée, puisque, au cas où l’Amérique aurait adhéré à la Société, il était prévu qu’elle aurait lieu à Washington. Si donc ce n’est pas Washington, ce peut être n’importe quel autre endroit. Il comprend fort bien que la Suisse tienne au siège qui, d’après le Pacte, lui revient, mais il dit que la Suisse risque d’affaiblir sa situation aux yeux des membres du Conseil si elle revendique des choses auxquelles elle n’a pas plus de droit que n’importe quel autre membre de la Société. En général, il croit qu’on aurait pu, en Suisse, envisager avec plus de calme la décision du Conseil de Rome et il lui paraît surtout déplorable qu’on y insiste sur l’argument du siège qui aurait été le facteur presque principal du vote favorable du peuple suisse.
J’ai répondu que je n’avais pas connaissance d’une pareille démarche de mon Gouvernement à Washington et que je n’avais pas abordé ce sujet lors du passage à Londres de mon collègue M. Peter. J’ai ajouté que j’étais persuadé, si cette intervention s’est faite, ainsi qu’il paraît ressortir de ce qu’il me dit, qu’elle avait sans doute eu lieu avant l’entrevue de M. Ador au Secrétariat général et que je croyais savoir qu’après les explications satisfaisantes qi’il avait reçues de Sir Eric Drummond, M. Ador lui-même était d’avis qu’il n’y avait pas lieu que le Gouvernement suisse entreprenne d’autres démarches et qu’avec la remise du mémorandum4 – dont Sir Eric reconnaît l’opportunité –, le point de vue de la Suisse était établi de façon suffisamment claire. Quant à l’argument du siège par rapport au référendum, j’ai dit qu’en effet, la presse y avait insisté d’une façon malheureuse, d’autant plus que cette question n’avait décidément pas influencé le vote ni des partisans, ni des adversaires de la Société des Nations. J’ai ajouté: il est indiscutable que la proposition du Conseil de convoquer l’assemblée générale à Bruxelles a causé une grande nervosité en Suisse, surtout à Genève et dans la Suisse française et qu’à la suite de cet état d’esprit, on fut peut-être porté à exagérer l’importance de cette décision. Il est tout naturel que le Gouvernement et le peuple suisses tiennent fort à ce que le siège de la Société soit à Genève, mais, d’autre part, je crois savoir que le Conseil fédéral, après avoir dit son mot, compte laisser suivre à cette affaire son cours normal.
Dans le cas où vous désireriez faire parvenir à Sir Eric des éclaircissements sur votre démarche au Président Wilson, vous voudrez bien me donner des instructions5.
Il y a lieu d’ajouter que Sir Eric Drummond a paru manifester quelque inquiétude sur l’éventualité de voir se rouvrir la question du siège définitif comme suite aux objections formulées par le Président concernant le lieu de réunion de l’Assemblée, question qui paraissait être résolue conformément aux vœux de la Suisse. Une telle éventualité ne saurait avoir, d’après lui, que des conséquences fâcheuses.
- 1
- Lettre (Copie): E 2200 London 32/1. Société des Nations. Siège.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 4
- Ils’agit de la note communiquée au Secrétariat et aux membres de la SdN à la suite d’une décision du Conseil fédéral du 28 mai, cf. dodis.ch/44553.↩
- 5
- Par télégramme no 27 du 8 juillet, le Département politique répondait à Paravicini: [...] Il est important de dissiper immédiatement l’impression inexacte de Sir Eric Drummond que le Conseil fédéral Suisse aurait fait des démarches à Washington pour contrecarrer la décision du Conseil de la Ligue. Dans seule communication concernant le siège remise à membres de la Société des Nations et à Washington, le Conseil fédéral suisse déclara expressément qu’il était convaincu de[ne pas]contester à Bruxelles les titres pour recevoir la première assemblée et demanda uniquement que la réunion hors de la Suisse ne préjudiciât les droits de Genève comme siège. Vu l’impossibilité pour Ministre Peter de voir Président Wilson cette copie fut transmise par brève note datée du 1er juin répétant que le peuple suisse s’étant déclaré franchement en faveur de la Société des Nations ne saurait comprendre qu’au lendemain de sa décision article 7 du Pacte ne devrait pas être mis à exécution. Cette note ne fit aucune allusion à la convocation de la première assemblée ailleurs qu’à Genève. La réponse du Gouvernement américain datée du 15 juin accuse réception de la copie remise par notre Légation en ajoutant uniquement que notre communication adressée à la Société des Nations recevra «the most respectful considération» du Président Wilson. Cette note ne fut ni précédée ni suivie par aucune démarche verbale. Pour ne laisser subsister aucun malentendu télégraphions aujourd’hui à notre Légation à Washington pour rappeler à Président Wilson la déclaration contenue dans la note du 28 mai que le Gouvernement suisse ne songe pas de contester à Bruxelles les titres à la première assemblée. Nous déclarons à Président Wilson qu’aujourd’hui encore le Conseil fédéral suisse n’a rien à objecter à la convocation de la première assemblée ailleurs que Genève, étant convaincu qu’aucun argument ne pourra en être tiré contre l’établissement du siège permanent à Genève. Précisions suivent par écrit. Le suivant pour votre information. Avant la décision prise par le Conseil fédéral suisse le 28 mai au sujet de la communication à adresser à la Société des Nations notre Ministre à Rome eut de sa propre initiative des entrevues avec l’ambassadeur des Etats-Unis auquel il semble avoir exprimé le désir de voir réunir la première assemblée à Genève. Il est possible que cette démarche qui s’explique par les circonstances dans lesquelles était intervenue la décision du Conseil de la Ligue à Rome ne faisant aucune mention de la ville de Genève, est à la base de la déclaration du Président Wilson. La décision du Conseil fédéral suisse du 28 mai ayant clairement défini le point de vue suisse quant à la convocation de l’assemblée, nous n’avons plus attaché d’importance à cette démarche antérieure au 25 mai qui nous semblait annullée par la décision et la note du Conseil fédéral suisse subséquentes. Pour expliquer complètement la situation et la réponse du Président Wilson, vous pouvez, si vous l’estimez utile, faire allusion à ce fait à Sir Eric Drummond. Il est très important de ne froisser aucunement les Américains qui sont animés des meilleurs sentiments envers la Suisse et d’empêcher que nous ne soyons mis en opposition avec Président Wilson par vos explications qui sans doute seront rapportées au Conseil de la Ligue par Drummond (E 2001 (B) 8/8).↩
Tags