Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ETATS
II.6 FRANCE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 352
volume linkBern 1984
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| Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.41-02#1000/1671#26270* | |
| Old classification | CH-BAR E 2200.41-02(-)1000/1671 970 | |
| Dossier title | Affaires politiques et diplomatiques, Teil 3 (1920–1920) | |
| File reference archive | Ibis 201-300 |
dodis.ch/44563
Lorsque j’ai eu l’honneur de vous rendre visite, le 26 avril, je m’étais permis de vous signaler la difficulté que j’éprouve à mener vers leur solution différentes affaires – très importantes pour nous –, parce que de réitérées démarches de ma part restent sans réponse du Gouvernement français. Depuis lors, six semaines ont passé et cette situation est loin de s’être améliorée. Je tiens à relever qu’au Quai d’Orsay je ne rencontre que des amis – dont quelques-uns furent même des camarades de jeunesse, et tous me réservent un accueil sympathique; mais lorsque l’affaire dont je les entretiens doit être transmise à un autre Ministère – et c’est souvent le cas – ou même à deux dicastères différents de l’administration française, je peux attendre vainement pendant des mois; le Quai d’Orsay a beau recharger par écrit ou par téléphone: on dirait qu’entre les Ministères de solides cloisons étanches ont été établies.
Et c’est ainsi que, pour bien des questions pendantes, je suis bloqué, tandis que pour d’autres je me trouve vis-à-vis d’une mentalité nouvelle, résultat de la guerre, et contre laquelle il est fort difficile de s’élever utilement. Remarquez, M. le Président, qu’il n’y a pas mauvais vouloir à l’égard de notre pays; les représentants d’autres Etats, voire même alliés, font non sans mélancolie la même constatation que moi: l’administration française traverse une crise, les fonctionnaires capables sont archi-occupés par les problèmes soulevés au Parlement ou aux conférences de San-Remo, Folkestone et Bruxelles; les incapables n’osent pas prendre de responsabilité et se complaisent à laisser fermé un dossier qui les effraie; enfin, le nationalisme provoqué par la victoire se fait partout sentir.
Il y a là de quoi décourager les moins intentionnés; car c’est navrant de constater que les petits résultats obtenus parfois, ne sont en aucune proportion avec l’intensité et la persévérance de l’effort donné; et puis, que d’heures vainement employées pour des courses inutiles, alors que, pendant le même temps, j’aurais pu faire autre chose pour mon pays, par exemple des visites politiques.
Parmi les affaires qui «traînent» lamentablement ou me donnent du souci, vous me permettez de vous signaler:
a. dommages de guerre subis par nos compatriotes fixés dans les régions dévastées; vous savez par votre Service du contentieux que, jusqu’ici, je ne suis parvenu à rien du tout; je ne sais plus que faire, me trouvant vis-à-vis d’un Ministère absolument muet.
b. Aluminium Neuhausen; l’affaire paraissait devoir s’arranger directement entre la Société et le Parquet général d’Aix, lorsque ce dernier a émis des prétentions qui ont été, ces jours-ci, l’objet de conversations à votre Département avec M. le Conseiller national Maunoir; j’espère que le nouveau sacrifice consenti par Neuhausen vous vaudra d’arriver à un accord.
c. douanes françaises à Bâle; que de fois n’ai-je pas écrit au Ministère, ou n’aije pas relancé personnellement le directeur compétent du Quai d’Orsay! Pas la moindre réponse.
d. expulsion de France des jeunes gens qui ont opté pour la Suisse, en vertu de la faculté que leur laissait la législation française, ce fut une grande injustice contre laquelle je me suis fréquemment élevé; récemment, j’ai encore essuyé un refus pour le jeune Pierre Althaus, sans indication de motifs, toutefois, on me laisse entrevoir une prochaine solution favorable.
e. expulsion, sans motifs, d’un grand nombre de nos compatriotes; plusieurs d’entre eux ont enfin pu rentrer et nous travaillons activement en faveur des autres dont quelques-uns ont été l’objet de procédés inadmissibles; nos dossiers ne contiennent pas moins de six mille lettres à ce sujet; j’espère qu’à force de démarches, rappels et recharges, nous arriverons à vaincre la passivité ou la résistance des fonctionnaires, pour liquider enfin les cas encore pendants.
f. séquestres recte spoliations Schwabacher et Nathaei.
g. décret français prohibant les importations en France de certains articles dits de «luxe»; par note du 19 mai,2 j’ai demandé au Gouvernement français que les marchandises commandées avant la publication au «Journal Officiel» dudit décret puissent entrer; depuis lors, je n’ai pas fait moins de quatre démarches verbales, car les intérêts suisses sont considérables, étant donné que, seule, notre industrie des soies semble avoir pour une quarantaine de millions de commandes en cours d’exécution. Pas encore de réponse.
h. zones franches; je ne connais point vos dernières intentions et j’ignore si, maintenant acquis le vote du 16 mai, vous avez le projet d’essayer une reprise de la conversation avec la délégation française; mais les positions sont si nettement prises des deux côtés que je n’entrevois pas l’aurea mediocritas dont parlait Horace. Faudra-t-il soumettre la question à l’arbitrage ou à la Société des Nations?
A cette énumération peu réjouissante que j’avais à cœur de vous faire une fois, viennent s’ajouter les innombrables affaires d’intérêt secondaire qui, elles aussi, attendent trop longtemps leur solution, par exemple des demandes de rapatriement d’aliénés français tombés à la charge de l’assistance publique en Suisse, etc.etc. Et vous comprendrez aisément, M. le Président, qu’il n’est point toujours facile à votre Légation de Paris de «rendre» tout ce qu’on est en droit d’attendre d’elle; en ce qui nous concerne, le travail me semble bien à jour et je ne peux que rendre hommage au dévouement et à l’activité intelligente avec lesquels mes collaborateurs m’entourent.


