Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 312
volume linkBern 1984
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1508#54* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1508 8 | |
Dossier title | Négociations ultérieures (Transfer éventuel de Genève à Bruxelles comme siège de la Société des Nations) (1919–1923) | |
File reference archive | B.56.41.02.2 |
dodis.ch/44523 Le Ministre de Suisse à Londres, Ch. R. Paravicini, au Chef du Département politique, G. Motta1
Il m’est parvenu ces jours derniers, de divers côtés, les échos d’une nouvelle recrudescence des efforts d’un certain milieu, autour du Secrétariat général de la Ligue des Nations, en vue d’empêcher le transfert du siège à Genève.
J’ai saisi hier l’occasion d’en causer à Sir Herbert Ames, directeur des finances de la Société des Nations. Comme vous le savez, Sir Herbert est canadien et le partisan le plus fervent de Genève au sein de la Ligue. Il m’a confirmé qu’en effet quelques-uns de ces Messieurs déployaient une activité défavorable à Genève. Personnellement, il ne croit pas que leurs efforts aboutissent, mais il dit qu’il y a certainement lieu de ne pas rester indifférent. Sir Eric Drummond lui-même ne manifesterait ni dans un sens ni dans un autre, mais au dire de mon compatriote, M. William Martin, il ne serait, tout au moins, pas pressé d’élire domicile au bord du Rhône. C’est l’un surtout de ses collaborateurs français qui travaillerait constamment, d’abord en faveur de l’ajournement du transfert, puis contre le choix de Genève comme lieu du transfert.
Sir Herbert Ames m’assure que si l’Amérique faisait partie de la Ligue, la question ne se poserait même pas. Mais, dans les circonstances actuelles, il existe en effet des tendances très prononcées en faveur d’un changement, non seulement au sein du Secrétariat général mais dans le Conseil. Je crois cependant pouvoir conclure de ce que j’entends que l’Angleterre, l’Italie et le Japon restent partisans de Genève et que l’opposition émane de la France et de la Belgique.
Voici, d’après Sir Herbert, les raisons qu’avancent les adversaires d’un transfert à Genève:
1. La situation politique de la Ligue n’est pas encore assez fortement établie pour que cette dernière puisse, sans inconvénient, s’établir dans un endroit où elle se trouverait plus ou moins hors de contact direct avec les principaux Gouvernements. A Londres, le Secrétariat peut à chaque instant s’adresser au Gouvernement britannique et communiquer avec ceux de France et d’Italie par leurs ambassadeurs. A Genève ce sera bien plus difficile et plus long.
2. On fait grand cas de la vie chère à Genève.2 Les petits employés auront de la peine à tourner, surtout si l’on considère le cours du change. En outre, on prétend que les logements sont à des prix fantastiques et l’on va même jusqu’à alléguer qu’il se prépare à Genève une spéculation en vue de profiter le plus possible de la nouvelle administration.
3. Les communications ferroviaires avec Genève sont insuffisantes. Les formalités de passeport et les délais à la frontière empêchent un trafic rapide, par ex. avec Paris.
En ce qui concerne les points 2 et 3, Sir Herbert croit qu’il devrait être possible à la Suisse de prendre dès à présent des mesures de nature à rassurer les intéressés. Je sais que le Gouvernement genevois, averti, s’efforce actuellement déjà de remédier à ce qu’il y a de vrai dans la question de la cherté de la vie; je crois que c’est M. le Conseiller d’Etat Gignoux qui s’occupe plus spécialement de cette affaire. Je suis certain que les Autorités genevoises ne négligeront rien de ce qui pourrait être utile à la cause.
Relativement aux facilités de communication, M. Henri Martin a écrit, il y a peu, à M. Dinichert et en a reçu réponse.
La question du transfert du Secrétariat général sera très probablement traitée dans la prochaine session du Conseil de la Ligue à Rome, qui s’ouvre le 14 mai et durera jusqu’au 21 ou 22. Sir Herbert est d’avis que le Conseil fédéral devrait, dans le plus bref délai possible, informer le Secrétariat général des résultats du référendum du 16 mai. Il serait désirable que la nouvelle parvienne sans le moindre retard; il ne serait peut-être même pas nécessaire d’attendre le résultat définitif, on pourrait télégraphier dès que les données reçues assurent l’acceptation.3 Si le peuple suisse se déclare pour l’accession, il est fort probable qu’à la suite de cette détermination, le Conseil adopte une décision en faveur de Genève.
M. Albert Thomas désirerait transférer son bureau à Genève dès le mois de juin, c’est-à-dire immédiatement après la Conférence de Gênes. Il a déjà pris ses arrangements à cet effet. Quant au transfert du Secrétariat général lui-même, ses fonctionnaires me donnent des indications contradictoires. L’un me dit que Sir Eric Drummond voudrait partir en août, un autre en octobre et un troisième vers la fin de l’année ou plus tard encore.
On fait aussi allusion à la possibilité d’un transfert provisoire dans une autre ville, ce qui serait naturellement fâcheux pour nous, mais Sir Herbert Ames n’a pas l’air de croire à une pareille éventualité.
J’ajoute encore que Sir Herbert passera un ou deux jours à Genève entre les conférences de Rome et de Bruxelles.
Je me permets, M. le Président, de vous faire part de ce qui précède, à toutes fins utiles; personnellement, j’ai l’impression qu’il n’y a pas lieu, malgré l’activité déployée par les adversaires de Genève, de s’inquiéter.
C’est dans ce sens que j’ai pris la liberté de m’adresser à vous personnellement, estimant qu’au moment décisif de notre campagne en faveur de l’accession, il est inopportun de faire officiellement allusion au fait que la question du siège à Genève pourrait être mise en discussion.
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