dodis.ch/44495
Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, P.
Dinichert, au Ministre de Suisse à
Londres, Ch.
R. Paravicini1
Confidentiel
Berne, 22 mars 1920
Lors de la deuxième réunion du Conseil de la Société des Nations tenue à Londres vers la moitié de février dernier, nos délégués, MM. Ador et Huber, apprirent par M. Parodi que le Secrétariat général apprécierait hautement une invitation adressée par le Conseil fédéral à Sir Eric Drummond de visiter Genève en se rendant à la session du Conseil de la Société à Rome. Par télégramme du 18 de ce mois2, notre Légation à Paris nous a à nouveau suggéré l’idée de faire parvenir une pareille invitation aux représentants de la Société des Nations réunis à Paris.
Le Conseil fédéral a cependant estimé que la situation politique intérieure du pays ne lui permettait pas de prendre l’initiative d’une démarche de ce genre qui produirait inévitablement un contre-coup dans l’opinion publique du pays. Afin d’éviter que les auteurs de l’idée très sympathique en elle-même ne soient en quelque sorte froissés par une attitude qu’ils pourraient interpréter comme une marque d’indifférence à l’égard de la Société des Nations et du choix du siège de la Ligue, nous attacherions grand prix à ce que vous voulussiez bien exposer, pour autant que l’occasion se présente, les motifs qui obligent le Conseil fédéral à ne pas sortir de sa réserve. Ces motifs, qui sont exclusivement d’ordre intérieur, se basent sur la constatation que le peuple est extrêmement jaloux de tout acte émanant du Gouvernement qui pourrait préjuger, de quelque manière que ce soit, la décision définitive qu’il est appelé à prendre. C’est donc uniquement dans l’intérêt du résultat final du vote populaire que le Conseil fédéral croit devoir s’abstenir de toute action qui pourrait soulever contre lui une partie de l’opinion publique.
Nous nous en remettons à vous pour faire comprendre à M. Parodi – et, le cas échéant, à d’autres porte-parole de la proposition dont il s’agit – pour quelle raison nous sommes obligés d’adopter une attitude très réservée même à l’égard d’une idée qui nous serait en d’autres circonstances particulièrement sympathique.