J’ai lu avec le plus grand intérêt l’exposé sommaire de la situation générale de la Suisse vis-à-vis de la Société des Nations que vous m’avez fait l’honneur de me remettre par votre lettre du 13 février.2
En ce qui concerne la campagne menée par les adversaires du Siège de Genève, j’ai lieu de croire qu’ils ne désarmeront pas et qu’ils comptent encore sur un vote négatif du peuple suisse le 16 mai.
Quant à ceux qui reprochent à la Suisse de vouloir, par le maintien de sa neutralité, se soustraire aux obligations volontairement acceptées par les autres membres de la Ligue, il est certain qu’ils trouvent un appui auprès de nombreux Suisses romands, surtout à Paris. Je remarque que le Colonel Feyler et M. Philippe Godet expriment cette manière de voir dans la «Gazette de Lausanne». Le premier nous donne en exemple les autres neutres tels que les Scandinaves et la Holland e. Il nous affirme que tous sont prêts à collaborer sans réserves, à l’exécution des mesures décrétées par la Ligue des Nations, et que si demain la Ligue décide une action militaire contre n’importe quelle Puissance, ces neutres marcheront joyeusement pour la défense du droit. Or, je ne crois pas que cela soit entièrement exact: le Ministre du Danemark à Rome m’affirme que son pays, d’accord avec les autres Scandinaves, a décidé de ne prêter le concours de ses troupes que si le Danemark et les autres Scandinaves se trouvaient directement intéressés dans le conflit. Par exemple, si la Ligue devait intervenir dans les Balkans le Danemark ne se considérerait pas comme tenu de mettre ses forces militaires à la disposition du Conseil suprême. Le Ministre de Suède que j’ai interpellé sur ce point, ne connaissait pas les réserves dont m’a parlé son collègue du Danemark.
Vous êtes, sans doute, déjà fixé sur ce point. Il est d’une extrême importance. Si réellement le Danemark, qui a tiré de la guerre européenne des avantages territoriaux, n’adhère à la Ligue des Nations qu’avec les réserves mentionnées plus haut, nous sommes d’autant plus fondés à maintenir notre neutralité, tout en nous engageant à défendre de toutes nos forces l’intégrité de notre territoire. [...]