dodis.ch/44385 Le Ministre de Suisse à
Paris,
A. Dunant, au Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess
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En ce qui concerne la question plus générale, touchée dans votre office précité3, de ce que devra être, à partir du 1er janvier, le régime de nos relations commerciales avec la France, j’ai à vous communiquer ce qui suit:
Au cours de mon entretien avec M. Seydoux, il a spontanément abordé cette question et m’a fait des déclarations qui peuvent être résumées à peu près comme suit:
«Nous nous rendons bien compte que le régime actuel de nos relations commerciales avec vous n’est pas viable et qu’il faut ramener là-dedans de l’ordre et de la clarté. Personnellement, je ne suis pas partisan de ces arrangements qu’on ne peut pas tenir. Nous n’avons pas pu tenir nos promesses relatives aux fournitures de charbon. Nous avons perdu beaucoup de temps à négocier la fourniture de 25 000 têtes de bétail suisse pour vous en acheter finalement à peine 5 000. Enfin, nous devons reconnaître que nos transports n’ont jamais plus mal marché; or, c’est là la question qui vous intéresse le plus.
Je ne suis point non plus pour le maintien de contingentements et de surtaxes superposées aux droits actuels ou de coefficients les multipliant. Je reconnais en revanche la nécessité d’une élévation du tarif et c’est évidemment là que nous allons en venir.
Mais vous comprendrez qu’en présence d’une Chambre nouvelle qui ne s’est pas encore manifestée, au moment de transformations ministérielles profondes qui intéresseront principalement la politique économique du pays, il me soit fort difficile de vous dire ce que va être la politique française à votre égard. Je ne puis qu’attirer votre attention sur cette situation et sur le fait que nous sommes, comme vous, conscients de la nécessité d’un changement, sans pouvoir toutefois rien formuler, pour le moment, de précis. Je vous prie d’y réfléchir vous-même, puis de nous apporter des vœux et propositions dont nous nous efforcerons de tenir compte, le moment venu, dans la plus large mesure possible.»
J’ai cru devoir vous faire part de ces réflexions de M. Seydoux avant de demander verbalement ou par écrit, en termes précis et pressants, une réponse à la question du maintien du contingentement et des surtaxes après la fin de l’année. Puisque vous voulez bien me faire l’honneur de demander mon avis, je dirai que la remise immédiate d’une note dans ce sens ne me paraîtrait pas très indiquée. Nous avons en face de nous un Gouvernement qui prépare son départ et une Chambre qui n’a même pas encore constitué sa Commission des Douanes. Dans ces conditions, je crois que notre note ressemblerait fort à un coup d’épée dans l’eau. A mon avis, le moment à la fois le plus prochain et le plus opportun que nous puissions choisir pour la remise de cette note serait le lendemain de l’entrée en vigueur du Traité de Paix. Notre démarche emprunterait à cet événement, appelé à introduire indiscutablement un état de choses nouveau, une force particulière.