Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-I, doc. 461
volume linkBern 1979
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#156* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 84 | |
Dossier title | Brüssel, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 4 (1918–1919) |
dodis.ch/44206
Le Chargé dAffair es de la Légation de Suisse à Bruxelles, F. Barbey, au Chef du Département politique, F. Calonder1
Bruxelles a appris la nuit passée par une salve de 101 coups de canon tirée à trois heures du matin, la nouvelle de l’acceptation de la signature de la paix par l’Allemagne, ou du moins, elle l’a pressenti après un certain temps d’inquiétude, croyant qu’il s’agissait d’abord d’une nouvelle explosion d’un dépôt de munitions analogue à celles qui se sont produites si nombreuses ces derniers temps. Contrairement à ce qui s’est passé à Paris, la population est restée très calme; il ne s’est produit aucune manifestation dans les rues. Mais le soulagement n’en est pas moins immense. Seulement, le public réalise tout le sérieux de la tâche qui incombe au pays et s’il accueille avec allégresse la nouvelle de la démobilisation imminente d’une grande partie de l’armée, il sent que les temps sont graves, et que toutes les forces vives du pays doivent continuer à être tendues vers un seul but, la restauration industrielle et économique, la reprise du travail, la lutte contre le chômage.
Le coulage de la flotte allemande est très sévèrement jugé et fournit l’occasion pour beaucoup de réclamer une répression impitoyable à l’égard des auteurs responsables de cet acte et des garanties plus sérieuses encore que celles énumérées dans le traité de paix pour l’exécution des clauses de celui-ci. En ce qui concerne l’entrée de l’Allemagne dans la Ligue des Nations, cet acte est jugé aussi comme une faute grave qui ne pourra qu’augmenter la méfiance à son endroit. Un des publicistes les plus autorisés, M. Fernand Neuray, écrit dans le Nation Belge:
«La Paix de Versailles consacre de criantes injustices elle laisse sans solution des questions de première importance; elle est édifiée sur des principes et sur des idéologies, au lieu qu’elle avait à tenir compte des lois de la nature humaine et des conditions séculaires de l’équilibre européen; c’est pour cela que de partout s’élèvent des voix qui dénoncent ses périls et prédisent sa courte durée. Mais voici qu’au moment où ses auteurs croient achever leur triomphe, les vaincus euxmêmes se chargent d’ôter les dernières illusions. Cette paix sera signée, mais l’Allemagne ne l’exécutera pas. Leur plume ne s’est pas encore posée sur les parchemins de Versailles et déjà ils détruisent les gages que les vainqueurs avaient laissés entre leurs mains ou confiés à leur garde. La disparition de la flotte allemande était le suprême avertissement et le dernier défi jeté aux Alliés avant qu’ils ne s’engagent définitivement dans une paix qui n’est pas celle de notre victoire. S’il était encore possible de leur ouvrir les yeux sur les dangers d’une Allemagne restée redoutable par son unité et sa discipline nationale, la tragédie de Scapa Flow opérerait ce miracle.
Le coup de Scapa Flow sera répété en grand. Comme les navires de von Reuter se sont moqués de l’Angleterre, l’Allemagne entière va berner ses vainqueurs. Elle conservait à Kiel quelques petites unités de guerre et des navires de commerce pas encore remis à l’Entente: ces bateaux viennent d’être coulés comme ceux de Scapa Flow. Cherchez dans les richesses de l’Allemagne, dans ses usines, dans ses mines, ce qui peut garantir le paiement de ses dettes: au moment où les Alliés s’en approcheront, soyez assurés que tout cela sera détruit. Le riche bassin industriel de la Haute Silésie sera ravagé avant que les Polonais en prennent possession, les machines sabotées avant de nous être rendues, et le papier des cent milliards de marks d’indemnité n’aura comme contre-partie qu’un pays appauvri et ruiné. L’Allemagne fera cela, l’Allemagne fait cela, parce qu’elle a devant elle les vainqueurs qui ne s’entendent pas à faire respecter leur volonté. Elle sabote la paix parce qu’elle est restée l’Allemagne de 1914 et qu’elle garde de ses années de grandeur l’esprit de révolution qui la porte à préférer la catastrophe, pourvu qu’elle y entraîne ses ennemis. En attendant la guerre de revanche préparée à l’ombre de la Paix de Versailles et de la Ligue des Nations, elle ne cessera de poursuivre contre tous les Alliés et contre nous la guerre des catastrophes, du bolchevisme et des grèves générales.» A../2
Il vous intéressera peut-être de connaître quelle a été jusqu’ici l’attitude du gouvernement Belge à l’égard de la représentation diplomatique de ce que fut la Russie. Le Gouvernement belge reconnaît les pouvoirs du consul russe résidant à Bruxelles. Le gouvernement de Kerensky a maintenu dans ses fonctions le personnel de la Légation de Russie au Havre dont faisait partie le consul résidant actuellement à Bruxelles. Depuis la révolution maximaliste, aucun gouvernement russe n’a été reconnu par les puissances alliées et le personnel diplomatique et consulaire russe accrédité avant cette révolution continue à être traité en Belgique comme le seraient les agents d’un gouvernement russe reconnu. Le consul adjoint à la Légation, M. Boutkewick, n’a pas cessé d’exercer validement les fonctions afférentes à sa charge, son «exequatur» ne lui ayant pas été retiré.
Tous les actes de chancellerie dressés par le consul de Russie à Bruxelles sont donc valables vis-à-vis des autorités administratives et judiciaires belges, en tant qu’ils concernent les sujets de l’ancien Empire russe n’appartenant pas à de nouveaux Etats reconnus par les puissances alliées.
Quant à la question du Luxembourg, elle traverse de nouveau une phase de stagnation qui commence à surprendre. Il se passe dans le Grand Duché une série de faits assez troublants, une campagne d’intrigues se poursuit dont il est fort malaisé de deviner les véritables auteurs. Il semblerait que certains agents français, non officiels, poussés par des partisans luxembourgeois très actifs, recommencent une campagne.
Vous trouverez ci-inclus un article3 relatant les impressions du leader socialiste Huysmans sur la situation en Allemagne. Je crois devoir vous le signaler en raison de la personnalité de l’auteur et de ses rapports suivis avec le parti socialiste hollandais, allemand et suédois.
Vous trouverez également ci-inclus un article2 du leader socialiste de Brouckère sur la neutralité Suisse. Je vous l’envoie surtout à titre documentaire; l’auteur, quoiqu’ayant de l’influence dans son parti (Le Peuple est le journal le plus répandu en Belgique) passe un peu pour un rêveur misanthrope.
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