Par lettre B.32/23.R. 1/2.151 du 14 de ce mois,2 vous avez bien voulu me demander de prendre des informations sur les intentions des Alliés à la suite de la récente communication radio-télégraphique du pseudo Gouvernement des Soviets.
Ayant eu ce matin l’occasion de voir M. Berthelot, directeur politique aux Affaires Etrangères, j’en ai profité pour tâter le terrain; la réponse absolument catégorique de mon interlocuteur est typique:
1) En ce qui concerne l’accueil fait à la communication de Tchitchérine, M. Wilson a déclaré en pleine séance de la Conférence de la Paix qu’il considérait cette communication comme «injurious».
2) On ne fonde dès lors aucune espérance quelconque sur la déclaration Tchitchérine qui ne donnera lieu à aucune négociation.
Vous voyez que la situation est bien nette et qu’on ne veut rien avoir affaire à ces gens-là; du reste, ainsi que je viens de vous le télégraphier, les Alliés renoncent à se rendre à l’Ile de Prinkipo; les Français n’avaient jamais été d’accord pour se rencontrer avec les bandits bolchevistes, mais ils avaient été mis en minorité par les Américains et les Anglais; aujourd’hui, on reconnaît que ce fut une faute et le voyage dans l’Ile, où, selon Clemenceau, on ne met que les chiens crevés, n’aura pas lieu.
M. Berthelot a du reste ajouté d’une manière générale que, si une fois ou l’autre (et il faut bien l’espérer) la France entrait en relations avec un Gouvernement russe et s’entendait avec lui pour sauvegarder les intérêts français, engagés en Russie, le Gouvernement français penserait certainement, dans un sentiment de solidarité internationale, aux autres Etats ayant également des créances dans l’ancien empire moscovite. «Nous serions tout à fait disposés, a dit en terminant M. Berthelot, à nous souvenir à ce moment-là des gros intérêts que la Suisse a elle-même en Russie.»