Personnelle
Paris, 8 janvier 1919
Une haute personnalité financière, tenant de très près au Gouvernement français, m'expose à titre officieux que l’Allemagne ne sera sans doute point en mesure de sortir de ses caisses la forte indemnité qui va être exigée d’elle par les Alliés victorieux. La France examine dès lors la possibilité de se faire payer en reprenant de l’actif allemand à l’étranger, par exemple des entreprises électriques ou des participations à des chemins de fer etc. etc.
Au nombre des combinaisons financières qui surgissent, la suivante semble devoir être de nature à retenir l’attention du Gouvernement français dans ses négociations avec les Allemands:
Du fait du Gothard, l’Allemagne a sur la Suisse une créance de... millions (je crois une trentaine?); d’autre part, la France est débitrice de la Suisse pour... millions (je crois environ 175?).
Le cabinet de Paris aurait l’intention de dire aux Allemands: «cédez-nous votre créance Gothard», qui serait défalquée de l’indemnité de guerre à payer à la France; et avec cette créance endossée à son ordre, la France s’acquitterait d’une partie de sa dette vis-à-vis de la Suisse.
Le courrier partant dans un instant, je n’ai plus le temps d’étudier la convention du Gothard dont M. le Président Ador annonçait l’autre jour, à Genève, qu’elle devrait être révisée; et je ne me rends point compte si, du fait de ce payement, par la Suisse à l’Allemagne via France, toute ladite convention pourrait tomber caduque, sauf la participation italienne. Auriez-vous l’obligeance de faire vérifier ce point?
En tout cas, les ouvertures dont il s’agit sont de source des plus sérieuses; pour le moment elles ont seulement été esquissées, mais ne m’ont qu’à moitié surpris, car je me souviens de ce qui est écrit au haut de la page 78 d’un travail spécial2 que je vous ai récemment envoyé.
Il m’importerait de recevoir des instructions afin que je sache quelle attitude observer à l’égard de cette suggestion et s’il y a lieu d’entamer la conversation.