En ce qui concerne le lieu au sujet de la conférence de la paix j’apprends ce qui suit:
La France et tout spécialement M. Clemenceau propose avec insistance de convoquer la conférence à Versailles pour les raisons d’ordre historique et d’amour propre national que vous comprenez. Cette proposition serait appuyée par l’Angleterre.
Cette proposition n’est pas très sympathique au Gouvernement italien. Vous savez qu’il y a facilement un peu de jalousie et d’aigreur entre les deux sœurs latines. Comme me le disait récemment M. Nitti, l’Italie verrait volontiers la conférence se réunir en Suisse. C’est aussi l’idée du Président Wilson qui a déjà indiqué Genève comme la ville de son choix.
Les adversaires de la Suisse font valoir contre elle toutes sortes d’arguments que vous devinez: on rappelle certains incidents fâcheux et l’on insiste sur le danger bolcheviste. Même M. Orlando, qui nous est très sympathique, craint que les troubles récents ne rendent difficile la convocation d’une conférence internationale en Suisse. On fait aussi un grief au Gouvernement Fédéral d’avoir admis à Berne une délégation bolcheviste; on oublie que Londres a fait la même chose. J’ai reçu à ce propos la visite du marquis Paulucci qui est très intéressé à la question, car évidemment il jouerait un rôle dans la conférence si elle se réunissait en Suisse. Il croit que nous devrions faire des démarches pressantes auprès du Président Wilson dont la volonté est prépondérante et agir également à Londres. Il croit aussi que les mesures énergiques prises par le Gouvernement Fédéral et l’attitude de la population pourront rassurer facilement l’opinion alarmée par les troubles récents, mais il continue à nous reprocher d’avoir naturalisé si facilement des anarchistes déserteurs italiens au début de la guerre. Il m’a cité à cet égard des faits dont je ne pouvais pas contrôler la vérité: il me dit en avoir parlé, du reste, avec des membres du Conseil Fédéral.
Je ne manquerai pas de suivre cette question de la conférence avec toute l’attention qu’elle mérite.