Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 6, doc. 433
volume linkBern 1981
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001A#1000/45#872* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(A)1000/45 133 | |
Dossier title | Auskünfte, Berichte, usw. über Wirtschafts-, finanzpolitische und Rechtsfragen (Moratorien) betr. verschiedene Staaten (1914–1918) | |
File reference archive | B.277.1 |
dodis.ch/43708 Le Ministre de Suisse à Rome, G. Wagnière, au Chef du Département politique, F. Calonder1
Nos relations économiques avec l’Italie sont ma constante préoccupation et je puis vous assurer que nous vouons tous nos efforts à faciliter nos échanges et à obtenir les produits toujours plus nécessaires à notre population.
Comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le marquer, ce qui complique toutes les démarches auprès des autorités italiennes à cette heure, c’est la dictature militaire qui pèse sur le pays. Le dernier mot appartient à l’armée. Et les décisions prises par les ministères civils peuvent toujours être, au dernier moment, retardées par l'intervention d’un délégué du Ministère de la guerre. C’est ce qui arrive pour la pyrite. La Consulta donne ses instructions aux Chemins de fer et aux Douanes. Ces trois administrations prennent toutes les mesures voulues et nous fournissent toutes les assurances demandées, mais à la dernière minute, un fait, qu’aucune d’elles ne sait nous expliquer, empêche le départ du train ou des wagons promis. Ce fait, c’est l’intervention du délégué militaire qui se trouve à Scarlino et qui retarde à son gré les départs, suivant les convenances du moment.
De même pour le coton. Les réquisitions dont nous avons à nous plaindre émanent également de l’Autorité militaire. Toutes nos démarches se heurtent à des dispositions sur lesquelles l’Autorité civile n’est pas toujours suffisamment renseignée. De là pour nous la difficulté de fournir au Département fédéral de l’Economie publique les explications immédiates et complètes qu’il est en droit d’attendre. Nous avons à faire à l’arbitraire qui caractérise partout la dictature militaire. Tous les procès en cours n’ont pas d’autre origine que la méfiance répandue par les commissions militaires dans les relations commerciales. Les retards et obstacles dont nous souffrons proviennent de l’ingérance trop souvent incompétente des officiers dans des affaires auxquelles ils ne comprennent rien. Il en résulte aussi chez nos exportateurs des hésitations et des craintes bien justifiées qui ne sont pas pour faciliter notre intervention. Je vous confirme à ce propos le télégramme no 90 que je vous adresse ce matin.
D’autre part je me permets d’attirer votre attention sur une question de principe.
Pour obtenir de l’Italie les produits qu’elle s’est engagée à nous fournir, nous ne lui cédons les nôtres qu’au fur et à mesure de ses propres envois. Par exemple par télégramme du 5 courant, le Département fédéral de l’Economie publique nous informe que l’on accordera à l’Italie 1000 kilos de saccharine en compensation de ses deux trains de pyrite et quelques wagons de cellulose contre les 22 wagons de chanvre.
Il est évident que nous n’obtiendrions pas grand chose de l’Italie en ce moment si, de son côté, elle n’avait pas besoin de certains de nos produits. J’estime toutefois que dans nos négociations nous ne devons pas abuser de ce système de compensation qui, s’il est poussé trop loin, peut être tout entier à notre détriment. La principale marchandise que nous exportons en Italie maintenant est le bois. Ce bois sert en premier lieu à la construction de baraquements militaires. Après l’offensive austro-allemande de l’automne dernier l’armée italienne, obligée d’abandonner ses anciens cantonnements et de se retrancher sur un nouveau front, absorba des quantités considérables de planches. Maintenant les nouveaux baraquements doivent être en grande partie construits. D’autre part, la bâtisse civile est arrêtée un peu partout. J’ai l’impression que l’Italie aura moins besoin de recourir à nos forêts. Cela pourrait être une des raisons pour lesquelles elle vient de demander la révision de l’accord de mai 19152. N’oublions pas non plus que la convention conclue avec les pays de l’Entente, le 1er mai 19183, assure à l’Italie une importante quantité de bois et diminue ainsi pour elle l’importance de notre accord de mai 1915. Elle ne nous demande plus de vieux fer; il ne nous reste à lui offrir, outre les 250 wagons de bois par mois, que de la cellulose et quelques produits secondaires.
Si donc, dans nos négociations, nous nous en tenons trop strictement au système des compensations, nous pouvons nous trouver les mains vides et ne plus rien avoir à lui offrir contre les produits que nous lui demandons et qui nous sont indispensables.
Il convient donc que le Département fédéral de l’Economie publique nous fournisse toutes les armes dont nous pourrons nous servir dans nos négociations économiques, mais qu’il nous laisse une certaine latitude dans la manière de les conduire. M. Manzoni, avec lequel nous négocions principalement, est un fort galant homme, bien disposé à notre égard. Sa parole n’a pas toujours le poids que nous désirons, mais il est tout de même un ami de notre pays, désireux de nous être utile, assez intelligent pour comprendre combien il est nécessaire de ménager l’opinion suisse. Nous avons reçu de lui, ces derniers temps, des preuves réelles de son bon vouloir. Nous continuons à faire appel à ses bons sentiments, au respect des traités, à la raison politique. Ce serait une erreur de nous tenir constamment avec lui sur un terrain de marchandage trop accentué.
Nous ne devons pas oublier non plus les circonstances critiques que traverse l’Italie. Un de ses territoires les plus riches est envahi par l’ennemi. Ses villes du nord sont exposées sans cesse aux bombes des avions. Ses villes du centre et du sud sont encombrées de réfugiés. Ses hommes d’Etat ont à résoudre les problèmes les plus graves. Des milliers et des milliers de familles sont en deuil. Et le gouvernement demande à son peuple chaque jour de nouveaux sacrifices. En montrant, dans nos démarches auprès de la Consulta, une compréhension de cette situation exceptionnelle, nous aiderons à dissiper cette méfiance qui nous entoure et ce mauvais vouloir dont souffrent nos compatriotes.
Je renvoie au prochain courrier un rapport sur la situation politique.
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Economic and financial negotiations with the Allies (World War I)