Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 6, doc. 216
volume linkBern 1981
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR# E2200.41-02#1000/1671#8266* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.41-02(-)1000/1671 817 | |
Dossier title | Trotzky-Bronstein, Léon - publiciste russe, réfugié politique expulsé de France, demande d'entrée en Suisse (01.01.1916–01.01.1916) | |
File reference archive | 1066 |
dodis.ch/43491
La Légation a refusé ces jours-ci le visa pour la Suisse à M. Bronstein-Trotski, publiciste russe, réfugié politique, établi à Paris depuis deux ans, et que le gouvernement français expulse à cause de ses idées et de sa propagande pacifistes; il est partisan d’une «paix prématurée».
Hier j’ai eu la visite de M. Dmitriev, Président du Syndicat de la Presse étrangère à Paris, 10, Rue Lentonnet, qui venait intercéder auprès de la Légation pour qu’elle consente à viser le passeport de M. Trotski. J’ai demandé à M. Dmitriev de m’adresser sa demande par écrit. Aujourd’hui je reçois la lettre dont j’ai l’honneur de vous remettre copie2 sous ce pli. Je viens d’envoyer un de mes collaborateurs se renseigner auprès de M. Maunoury, chef du Cabinet du Préfet de Police, tant sur la personnalité de M. Trotski que sur les circonstances et les motifs de son expulsion.
M. Maunoury a confirmé en somme le contenu de la lettre de M. Dmitriev, sauf sur deux points: 1° - M. Trotski n’est arrivé en France qu’à la fin d’octobre 1914; 2° - il n’est pas marié, mais vit maritalement avec la personne dont il a eu ses trois enfants; cette union quoique libre paraît d’ailleurs sérieuse et solide.
M. Trotski n’est ni un nihiliste, ni un anarchiste, ni le moins du monde un malhonnête homme. C’est un intellectuel de la classe bourgeoise qui vit à Paris dans l’aisance et saurait sans doute vivre de même en Suisse et y faire vivre les siens. C’est pour des motifs purement politiques que le Gouvernement français désire l’éloigner. L’arrêté d’expulsion pris contre lui date de plus d’un mois et il lui a été accordé un sursis de 8 jours qui expire mardi soir. M. Maunoury lui a dit que si ce jour-là il n’avait pas obtenu le visa pour la Suisse, il n’en devrait pas moins quitter le territoire français par quelqu’autre voie, par exemple l’Espagne. M. Maunoury paraît désirer vivement que M. Trotski soit autorisé à passer en Suisse; il a dit à mon collaborateur que le Gouvernement français serait particulièrement reconnaissant au Gouvernement fédéral de l’y accueillir. En même temps, il a ajouté en toute franchise que nous devrions nous attendre à ce que M. Trotski, qui est très actif et doué d’un réel talent d’orateur, n’organisât très vite des réunions où il prendrait la parole; il est même probable qu’il ne tardera pas à essayer de créer quelque part dans la Suisse romande un journal de propagande pacifiste.
Je vous serais vivement reconnaissant de consentir à examiner, en toute urgence, si sur la base de ces renseignements, vous croyez pouvoir autoriser le séjour en Suisse de M. Trotski, de sa compagne et de ses trois enfants. Vous voudrez bien, si possible, me faire savoir par télégramme, ou au plus tard par le courrier arrivant ici mardi matin, si nous pouvons viser les deux passeports qui nous seront présentés.