Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 6, doc. 198
volume linkBern 1981
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1501#3291* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1501 95 | |
Dossier title | Wirtschaftsabkommen mit der Entente und Deutschland in den Jahren 1916-1917, I (1915–1916) | |
File reference archive | C.21.51 |
dodis.ch/43473 Les Délégués des Gouvernements alliés aux Délégués suisses1
Les Délégués des Gouvernements alliés ont pris pleine connaissance de la déclaration que la Délégation suisse a bien voulu leur remettre à la séance du 30 juin2.
Ils croient devoir rappeler que, dès le mois de septembre 1915, les Gouvernements alliés n’avaient pas laissé ignorer au Gouvernement fédéral qu’ils étaient opposés à ce qu’on a appelé le principe des compensations, c’est-à-dire à l’opération qui consiste, pour les Empires centraux, à exiger de la Suisse qu’elle leur remette en échange de certaines marchandises, achetées et payées en Allemagne et en Autriche-Hongrie par des commerçants suisses ou par le Gouvernement fédéral, d’autres marchandises que la Suisse ne peut se procurer que par l’entremise des Etats alliés.
Le paragraphe 3 de la lettre confidentielle du 4 octobre3 a précisé cette manière de voir en ce qui concerne plus particulièrement les marchandises importées par la S.S.S. A l’époque indiquée, le Gouvernement fédéral, invoquant la nécessité pressante où il se trouvait, et pouvant donner aux Etats alliés l’assurance qu’un stock de 3848 wagons de marchandises se trouvant en Suisse avait été importé libre de toute clause de non réexportation, demanda, à titre transactionnel, de pouvoir disposer librement de ces marchandises. Il prit d’ailleurs l’engagement de ne faire en aucun cas entrer en ligne de compte pour des échanges: le coton introduit en Suisse depuis le 11 mars 1915, le soufre et les matières tannantes (Lettre du Département fédéral. Berne, 31 août)4.
Se basant sur ces assurances, et désireux de donner une fois de plus une preuve des sentiments qui animent les nations alliées à l’égard de la nation suisse, les Gouvernements alliés consentirent à cette transaction et laissèrent ce stock de marchandises à la disposition du Gouvernement fédéral. Sur les pressantes instances de ce gouvernement qui avait jugé opportun de prendre publiquement position au cours des négociations, les Gouvernements alliés consentirent même, afin de ne pas compliquer la tâche des membres du Conseil fédéral, à lui reconnaître la faculté de négocier dans des cas spéciaux avec les Gouvernements alliés. Cette clause ne pouvait en aucune façon être interprétée comme un acquiescement des Alliés au système des compensations, mais seulement comme une promesse de ne pas se refuser à un examen à titre exceptionnel dans un cas spécial.
Le Gouvernement fédéral s’était également engagé à fournir régulièrement les listes de toutes dérogations aux prohibitions d’exportation, et à fournir les données statistiques permettant aux Alliés de se rendre compte des opérations d’échange effectuées.
Le 3 avril 19165, le Gouvernement fédéral a remis aux Représentants des Alliés des propositions tendant à obtenir la libre disposition des stocks constitués en Suisse entre les mains des Représentants des Empires centraux, depuis l’opération de liquidation faite en septembre 1915. La variété des marchandises figurant sur ces listes, leur quantité, leur valeur, la durée assignée à leur utilisation, excédaient manifestement le cadre des demandes particulières et exceptionnelles prévues par l’accord du 4 octobre sous le nom de «cas spéciaux».
Les Gouvernements alliés eussent donc pu leur opposer une fin de non recevoir préalable. Désireux toutefois de témoigner au Gouvernement fédéral le scrupule avec lequel ils tiennent leurs engagements, les Gouvernements alliés mirent à l’étude les propositions contenues dans le memorandum suisse du 3 avril. Ces études furent poursuivies à la clarté des documents très incomplets que possédaient les Gouvernements alliés; elles furent forcément retardées par cette documentation insuffisante. Les conclusions de cette première étude étaient peu favorables aux demandes suisses. Poussant à l’extrême leur désir de bonne volonté, les Alliés décidèrent toutefois de demander au Gouvernement fédéral les documents qui auraient dû leur être communiqués régulièrement, et qui ne l’avaient pas été; ils prièrent en même temps le Gouvernement fédéral d’envoyer à Paris des délégués qui, outre les documents ci-dessus visés, apporteraient des explications, qui, dans l’esprit des Gouvernements alliés, éclairciraient les points obscurs et faciliteraient la recherche de solutions.
Les Représentants des Gouvernements alliés ont tenu à rappeler ces précédents de la présente négociation, afin de bien mettre en évidence le souci constant de leurs Gouvernements de ne négliger aucun moyen de marquer à la nation suisse les sentiments d’affectueuse sympathie qui les animent et leur regret de n’avoir pu, faute d’informations fournies au moment prescrit, répondre avec la rapidité qu’ils auraient souhaitée.
Pendant toute la durée de leurs études et des préliminaires des présentes négociations, les Gouvernements alliés ont pris soin d’éviter toute publicité. Ils ont dû constater que le même secret n’avait pu être gardé partout, car l’Allemagne, mise sans aucun doute au courant des demandes formulées par la Suisse, notifiait le 8 juin6 au Gouvernement fédéral sa volonté d’obtenir, en compensation de marchandises allemandes d’une valeur d’environ 16000000 de francs, les stocks de marchandises qu’elle avait fait accaparer sur le territoire de la Confédération. A cette sommation, l’Allemagne ajoutait la menace de refuser à la Suisse toutes les marchandises que ce pays tire des Empires centraux.
Cette injustifiable sommation était d’ailleurs publiée par un groupe de personnes établies à Zurich. Cette tentative de pression sur un pays neutre menacé de voir tarir la source où il alimente une partie de sa vie industrielle, et cela contrairement à des engagements pris, ainsi qu’il résulte des affirmations données le 29 juillet 19157 par M. le Conseiller fédéral Hoffmann à Son Excellence M. l’Ambassadeur de France, ne pouvait plus être ignorée des Gouvernements alliés.
Les Délégués alliés n’ont pas l’intention de relever par le détail les constatations qu’ils ont faites au cours des négociations et qui les ont mis sur la trace d’opérations de compensations faites par certaines administrations suisses, opérations qui n’ont pu être complètement expliquées sinon par une interprétation extensive et arbitraire des accords conclus, et dont les Gouvernements alliés n’ont, ou bien jamais été avisés ou ont été informés seulement une fois l’affaire conclue. Dans leur désir de laisser à ces négociations leur caractère de réciproque bonne volonté, les Délégués alliés ne veulent pas insister sur ce point, persuadés qu’ils sont que la plus franche confiance envers eux animera désormais toutes les administrations fédérales.
Les Délégués alliés sont obligés de faire remarquer que les marchandises, dont la liste leur a été communiquée le 3 avril et dont l’Allemagne exige la livraison par la Suisse, représentent une valeur vénale globale d’environ 38 millions de francs; on ne peut donc considérer que ce soit sans importance, surtout si on rapproche ce chiffre de celui de 16 millions de francs auquel s’élèverait, d’après les déclarations du Gouvernement fédéral, ce que l’Allemagne prétend être sa «créance» sur la Suisse.
Parmi ces marchandises s’en trouvent, telles que le coton, le cuivre, l’étain, le nickel, les corps gras alimentaires et industriels et les cafés, qui sont d’une importance première aux Empires centraux pour conduire la guerre et soutenir leur résistance. Les Délégués alliés doivent constater en outre que le coton a fait, dès le mois de septembre 1915, l’objet d’un accord particulier. Leurs Gouvernements ne sauraient, sans encourir de graves responsabilités, céder en aucune façon, en ce qui concerne ces articles, non à des demandes que la Suisse forme pour sa consommation nationale, mais aux prétentions formulées par l’Allemagne dans le dessein évident de faire échec, dans tous les pays neutres, aux mesures de restriction prises contre les approvisionnements des Empires centraux. Les Délégués alliés ont dû, à regret, mais avec fermeté, faire ces déclarations au nom de leurs Gouvernements, mais ils ont conscience d’avoir loyalement cherché en dehors de ces articles les moyens de donner aux Délégués suisses des marques des sentiments de bonne volonté qui les animent.
Ils regrettent que les Délégués suisses, dont ils ont apprécié la haute compétence et la cordiale courtoisie, aient jugé que, ne pouvant obtenir les stocks exigés par l’Allemagne, la première partie de leur mission n’ait pas abouti.
Dans ces conditions, les Délégués alliés croient devoir rappeler que leurs Gouvernements, en présence de la pression exercée par les Empires centraux sur un pays neutre, sont prêts, dans le cas où l’Allemagne exécuterait ses menaces, à étudier avec le Gouvernement fédéral les moyens de procurer à l’industrie suisse les matières premières dont elle serait privée, et, notamment, la quantité de charbon qui serait nécessaire aux industries purement suisses.
Les Délégués alliés rappellent en outre qu’ils sont disposés à proposer à leurs Gouvernements de s’engager à laisser en dehors des marchandises consignées à la S.S.S., auxquelles par conséquent ne s’appliquent pas les règles strictes de la surveillance, des marchandises de grande valeur telles que les soies (à l’exception de celles qui sont déjà reprises au règlement de la S.S.S.), les vins et les fruits frais. Les Gouvernements alliés s’abstiendraient, dans ce cas, de donner suite à leur projet de placer ces articles sur les listes de contrebande. En échange de ces facilités, le Gouvernement fédéral accepterait de supprimer le dernier membre de phrase de l’alinéa 3 de l’article 11 de la S.S.S.8 et le membre correspondant du paragraphe 3 de la lettre confidentielle9. Ce texte semble en effet avoir donné lieu et pouvoir encore donner lieu en Suisse à des interprétations erronées, et laisser subsister cette impression inexacte que les Alliés ne sont pas formellement opposés à toute opération dite d’échange ou de compensation entre les Empires centraux et la Suisse avec des marchandises venant par la voie des pays alliés.
Il va de soi que cette suppression ne porterait pas atteinte au droit que le gouvernement fédéral, comme tout autre gouvernement, possède de faire connaître aux Alliés les besoins exceptionnels auxquels il pourrait avoir à faire face et de négocier avec eux sur cette matière, comme sur toute autre; mais on ne pourrait pas, comme on l’a fait, se baser sur ce membre de phrase, pour escompter par avance un acquiescement qui n’avait pas même été demandé.
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Economic and financial negotiations with the Allies (World War I)