Classement thématique série 1848–1945:
V. CODIFICATION DU DROIT INTERNATIONAL
1. Conférence de La Haye sur le désarmement
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 319
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001A#1000/45#543* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(A)1000/45 42 | |
Dossier title | Nr. 462. Allgemeines, Juni - Dezember 1899 (1899–1899) | |
File reference archive | B.231-1 |
dodis.ch/42729
La délégation suisse avait préparé des amendements aux articles 9 et 102, mais elle ne les dépose pas et se joint à la proposition du Général Ardagh.3 La déclaration de Monsieur le Président4 est certainement d’une grande valeur, mais elle ne nous offre pas les garanties nécessaires parce que c’est finalement le texte de la convention qui décide.
Je reconnais que la guerre a ses besoins, ses nécessités et même ses cruautés inévitables. Je ne suis pas de ceux, qui croient qu’on puisse réglementer sur le papier jusque dans les détails la marche des guerres futures. L’histoire m’apprend que les circonstances sont souvent plus fortes que les hommes et plus fortes même que la meilleure volonté des généraux. La guerre restera la guerre avec toutes ses misères, mais faisant ressortir aussi les plus hautes qualités de l’homme. Puisque nous ne pouvons pas empêcher les misères de la guerre, tâchons au moins de les amoindrir. Là-dessus je me permettrai de faire quelques réflexions. Nous touchons à la fin d’un siècle. L’histoire universelle le désignera comme un siècle de grandes guerres et de grands événements politiques, mais il lui revient aussi le mérite et la gloire d’avoir amené des progrès des sciences, tels que jamais auparavant le monde ne les a vus naître.
Notre siècle a vu couler le sang humain à flots, mais d’autre part il a pansé bien des blessures physiques et morales par les progrès des sciences et il a surtout amélioré les conditions économiques de la vie. Mais les progrès et l’influence des sciences ont eu encore un autre effet. Aidés par les communications faciles, qui multiplient les relations entre les peuples, ils ont créé une opinion publique qui est gagnée aux idées pacifiques et humanitaires et qui les répand au loin. Ce mouvement, modeste dans ses commencements, comparable à un petit ruisseau, a acquis la force d’un torrent dès le moment où il a trouvé le puissant appui d’un auguste souverain, qui a de sa forte main planté en terre comme signe précurseur du 20ème siècle l’étendard de la paix et des idées humanitaires. Ne passez pas légèrement à l’ordre du jour sur ce mouvement. Comme il n’est pas de votre pouvoir de fermer le temple de Janus pour toujours, ne vous exposez pas, du moins, au reproche d’avoir maintenu dans nos jours éclairés des us et coutumes de guerre qui ne sont plus de notre temps. Nous ne travaillons pas ici pour l’avantage des uns et le préjudice des autres. Aucun de nous sait d’avance dans quelle situation cette convention trouvera son application à son pays. Faisons donc une œuvre qui soit acceptable pour tous. Les beaux et les mauvais jours alternent dans ce monde terrestre. Toutes les nations qui sont représentées ici par tant d’hommes distingués et porteurs de noms célèbres, ont eu dans notre siècle des jours de bonne fortune et des jours de malheur. Bien des historiens et d’autres gens aussi se sont souvent demandé si ces nations étaient plus grandes au comble des succès ou dans les jours de revers, où se faisait valoir la grandeur morale, où le peuple entier se levait en masse pour défendre son sol, où les femmes mêmes furent emportées par l’enthousiasme général, où le riche et le pauvre déposaient leurs contributions volontaires sur l’autel de la patrie.
Et si vous me permettez de remonter pour une minute seulement à des temps plus reculés de l’histoire, je vous demanderai si la plus glorieuse époque du pays où nous jouissons d’une si large hospitalité, n’a pas été celle où il avait à supporter une longue et pénible lutte contre un envahisseur puissant, où le peuple néerlandais tout entier se battait avec une vaillance et une persévérance sans pareilles pour son indépendance, sa liberté et ses convictions, où chacun était prêt, jour par jour et heure par heure, de donner sa vie pour la patrie.
C’était la grande époque d’où surgirent Guillaume d’Orange Nassau et d’autres grands hommes. Si vous tenez compte des leçons de l’histoire, vous arriverez peut-être à la conviction qu’il vous faut faire au moins un pas pour améliorer les usages de la guerre. Les articles de Bruxelles ne nous apportent rien de nouveau, ils ne font que conserver, confirmer et codifier les coutumes de la guerre telles qu’elles se sont formées dans les dernières guerres. Si cette convention n’était pas acceptée, il n’en résulterait pas de désavantage pour les peuples. Nous n’aurions pas fait un pas en arrière. Les généraux et les hommes d’Etat seront toujours les enfants de leur temps et ils se conformeront dans les guerres futures à l’état des esprits de l’époque. Je ne vous demande qu’une innovation: ne punissez pas l’amour de la patrie, ne prenez pas des mesures rigoureuses contre les peuples qui se lèvent en masse pour la défense de leur sol. Au seuil de notre siècle nous avons eu dans notre pays plusieurs levées en masse du peuple de certaines régions montagnardes et une même action bien plus importante s’est produite dans un pays montagnard, voisin du nôtre. C’était en combat ouvert qu’on se battait, on n’assommait pas les traînards et on ne tuait pas les malades et les blessés. Non seulement les hommes dans la force de l’âge, mais encore les vieillards, les enfants et les femmes prenaient part aux combats. Les jeunes garçons portaient des munitions à leurs pères et leurs frères, les femmes aidaient à traîner les canons sur les hauteurs et prenaient même une part active au combat.
Vous direz que c’étaient là des excès du patriotisme. Soit, mais des excès qui réjouissent le cœur et qui peuvent se produire de nouveau. Vous comprendrez que nous ne pouvons pas souscrire à une convention qui soumettrait une partie de la population à la loi martiale et aux conseils de guerre. Non seulement cela froisserait le sentiment populaire, mais cela serait un péché contre le patriotisme. Nous sommes d’avis que l’amour de la patrie est une vertu qu’il faut cultiver et non pas supprimer.
Je vous recommande l’adoption de la proposition du Général Ardagh.
- 1
- E 2001 (A) 462. Ce discours fut communiqué par Künzli au Chef du DPF le 26 juin 1899, en disant: Am Schluss der Sitzung der II. Commission, vom 20. dies, kam ein Mitglied des Bureaus zu mir, mit der Frage, ob ich nicht so gefällig sein wolle, meine Rede schriftlich einzureichen, da man dieselbe in extenso in dem gedruckten Protokoll erscheinen lassen wolle. Ein gleiches Gesuch ist von dem russischen Sekretär Raffalovitsch an mich gerichtet worden, mit dem Beifügen, dass der Czar und Präsident von Staal die Rede zu erhalten wünschen. Offenbar hat dann aber Martens, der Präsident der II. Kommission, den Druck untersagt und im Protokoll heisst es nur ich hätte einen «éloquent discours» gesprochen. [...] (E 2001 (A) 462).↩
- 2
- Ces articles devinrent les articles 1 et 2 du règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la Convention de La Haye et sont ainsi conçus: Article 9. Les lois, les droits et les devoirs de la guerre ne s’appliquent pas seulement à l’armée, mais encore aux milices et aux corps de volontaires réunissant les conditions suivantes: 1. d’avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés; 2. d’avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance; 3. de porter des armes ouvertement et 4. de se conformer dans leurs opérations aux lois et coutumes de la guerre. Dans les pays où les milices ou des corps de volontaires constituent l’armée ou en font partie, ils sont compris sous la dénomination d'armée. Article 10. La population d’un territoire non occupé qui, à l’approche de l’ennemi, prend spontanément les armes pour combattre les troupes d’invasion sans avoir eu le temps de s’organiser, conformément à l’article 9, sera considérée comme belligérante si elle respecte les lois et coutumes de la guerre. (Cf. Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant les résultats de la Conférence de la Haye, du 22 mai 1900, FF 1900, III, pp. 87s.)↩
- 3
- Le délégué britannique proposa l’adjonction suivante: Rien dans ce chapitre ne doit être considéré comme tendant à amoindrir ou à supprimer le droit qui appartient à la population d’un pays envahi de remplir son devoir d’opposer aux envahisseurs par tous moyens licites la résistance patriotique la plus énergique. (Cf. note 2, ibid. p. 93).↩