Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 4, doc. 282
volume linkBern 1994
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2300#1000/716#737* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2300(-)1000/716 336 | |
Titre du dossier | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 51 (1898–1898) |
dodis.ch/42692
Ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le télégraphier ce matin et ainsi que le faisait pressentir une note parue hier soir aux dernières nouvelles du journal le «Temps», le Gouvernement français a officiellement décidé le rappel de la mission Marchand. On m’a dit de source française que Lord Salisbury, dans ses entretiens avec M. de Courcel depuis le Conseil de Cabinet de jeudi dernier, avait été moins conciliant que précédemment et avait demandé l’évacuation de la vallée du Nil par les Français sans conditions, c’est-à-dire sans promettre qu’après cette évacuation l’Angleterre serait disposée à engager la conversation et sans admettre de connexité entre l’évacuation et la possibilité de négociations ultérieures. Il n’en est pas moins officieusement certain que, une fois le retrait effectué, des négociations s’engageront pour délimiter les possessions égyptiennes dans le Haut-Nil et les possessions françaises du Haut-Congo et des environs du Lac Tchad. Il y a donc là plutôt une question de forme, mais, sur cette question de forme, les Anglais se sont montrés absolument intransigeants. Soutenant que la France ayant été prévenue que l’envoi de la mission Marchand sur le Nil constituerait «le contraire d’un acte amical» et la France ayant fait néanmoins cet acte, l’Angleterre ne pouvait transiger sans humiliation.
Il est d’usage en France qu’en cas d’échec, on cherche quelqu’un à dévorer (voir Grouchy ou Bazaine). La victime désignée paraît devoir être M. Hanotaux, si j’en juge par les propos que j’ai entendu tenir sur son compte par divers meneurs parlementaires. Quoiqu’il en soit la question de Fachoda cesse de menacer la paix du monde et nous pouvons tourner la page en tant que Suisses. D’autre part cette affaire de Fachoda laissera des traces, car l’animosité des Français contre l’Angleterre s’en est accrue et l’absence évidente du concours de la Russie enlèvera ici des illusions. Un sentiment vague d’isolement et de semidésespérance, une certaine tendance à l’affaissement se font sentir, et cela peut avoir des contre-coups sur la politique intérieure.
[...]2 C’est avec un vrai soulagement que je signe le présent rapport et que je marque d’une pierre blanche le jour qui a mis fin à la possibilité d’un conflit armé entre la France et l’Angleterre. En théorie et en bon sens, cela devait finir comme cela a fini, mais j’avais toujours une vague crainte qu’une maladresse quelconque à Londres ou à Paris, une parole imprudente ou un article de journal violent, un état d’âme de hidalgo espagnol chez quelque chauvin français, ne vint tout chambarder. Enfin, au point de vue suisse, je me demandais si, vu l’intimité maritime anglo-italienne dans la Méditerranée, les Italiens n’auraient pas pu être tentés, après des succès anglais, de faire quelque chose, et alors notre pays aurait été tout près de l’incendie. «Dominus providit», comme disent les anciennes monnaies bernoises.
Tags