dodis.ch/42685
Le Chargé d’Affaires de Suisse à Vienne,
F. Dumartheray, au Président de la Confédération et Chef du Département politique,
E. Ruffy1
Vienne, 23 septembre 1898
Je m’empresse de venir vous remercier de la lettre que Vous avez bien voulu m’adresser en date du 21 crt.2 C’est avec un vif intérêt que j’attends les nouvelles que vous m’annoncez pour demain.
J’aurais désiré vous renseigner sur le contenu de la proposition italienne mais il ne m’a pas été possible d’obtenir autre chose que des données vagues. Cependant le Chargé d’affaires de Russie me disait aujourd’hui: «L’agitation menée contre la Suisse par l’ambassade d’Italie prend consistance. Nigra joue très serré; il monte la tête aux plus tranquilles. Entre autres arguments il dit que si la Suisse avait obtempéré plus tôt aux demandes des grandes puissances des gouvernements d’Italie et d’Allemagne et fait cesser chez elle la propagande anarchiste, le dernier attentat et bien d’autres auraient été évités. Il dit aussi, avec autant de perfidie que de ténacité, que les mesures que prend et va prendre le Conseil fédéral sont uniquement destinées à faire bon effet, ne sont pas sérieuses et ne seront pas durables. Il veut que la Suisse soit liée vis-à-vis des puissances et mise dans l’impossibilité de nuire par son indulgence et par la propagande qu’elle tolère. Il réclame des garanties plus sérieuses que des dispositions momentanées, dont le but, dit-il, est de vous disculper et non pas de couper le mal dans sa racine, ce qui doit être fait.»
Mon interlocuteur n’est d’ailleurs pas pessimiste et croit qu’on se calmera, mais il ajoute qu’à son avis la Suisse devrait dans son intérêt comme dans celui de l’humanité, agir assez complètement pour couper court à toutes réclamations, parce que, dit-il, même si l’Italie n’atteint pas le but qu’elle poursuit, ses perfides accusations resteront et nuiront au crédit et au bon renom de la Suisse, et à chaque nouvel attentat ce sera à recommencer.
En confirmation de cette manière de voir je constate en effet une animosité, encore plus ou moins latente mais qui va en augmentant.3