Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 203
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#735* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 336 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 49 (1896–1896) |
dodis.ch/42613 Le Ministre de Suisse à Paris, Ch. Lardy, au Président de la Confédération et Chef du Département politique, A. Lachenal1
Vous savez par mon télégramme d’hier soir2 que le gouvernement français a publié dans l’après-midi un communiqué ainsi conçu:
«Le Ministre des Affaires étrangères a fait connaître au conseil qu’il avait reçu, hier, de l’Ambassadeur dAngleterre en France une lettre l’informant du projet d’une expédition militaire à Dongola.
Dans un entretien qu’il a eu ensuite avec Lord Dufferin, M. Berthelot a demandé à celui-ci des renseignements sur les causes et le but de ce projet et a appelé son attention sur la gravité de ses conséquences.»
Retenu ce matin depuis 9h et de nouveau cet après-midi à partir de 2h et 1/2 à la Conférence des chemins de fer je n’ai pas pu voir beaucoup de monde; ce matin à 8h je me suis rendu chez mon ancien ami M. Cogordan, Ministre de France au Caire, arrivé à Paris il y a 8 jours et qui repart demain pour l’Egypte. M. Cogordan a eu hier soir un entretien avec M. Berthelot qui lui a montré le résumé écrit immédiatement de son entretien avec Lord Dufferin; cet entretien a été très courtois et n’a rien eu de tragique; le gouvernement français estime que des dépenses aussi formidables que peuvent le devenir celles d’une expédition dans le Soudan ne sont pas un des petits faits de la vie ordinaire de l’Egypte; la Commission européenne de contrôle financier laisse souvent les Anglais engager des dépenses secondaires acceptées par la majorité de la commission de contrôle sans exiger l’unanimité; cette fois-ci la France estime qu’une expédition de ce genre doit être discutée et décidée en commun; en outre M. Cogordan ne m’a pas caché et m’a même dit très franchement que le gouvernement français était décidé à sortir de son rôle d’effacement; il m’a assuré que jusqu’ici il n’avait pas été question entre Paris et Londres de la situation prise en Egypte par les Anglais dans les conversations diplomatiques mais que la résolution était maintenant prise de demander une discussion et un échange de vue sur les moyens de mettre fin à l’occupation unilatérale par les Anglais, sur le régime à substituer à cette occupation anglaise et il ne m’a pas caché qu’une des solutions auxquelles on pense était la possibilité de créer en Egypte une armée internationale dont le commandement serait confié à des officiers suisses. On n’a pas l’intention de brusquer mais on est résolu à discuter et à amener la fixation d’une date même éloignée pour la substitution d’un régime européen au régime anglais en Egypte.3
M. Cogordan n’a pas pu me dire quelle situation La Triple-Alliance, et en particulier l’Allemagne, prenait dans la question, mais il a ajouté que le Ministre allemand au Caire, qui doit quitter cette ville ces jours-ci pour prendre un autre poste, était personnellement anglophobe et partisan de l’Européisation de l’Egypte.
Je regrette d’être obligé de retourner à la Conférence des Chemins de fer et de ne pouvoir puiser à d’autres sources de renseignements pour aujourd’hui; je Vous prie de considérer ce que m’a dit M. Cogordan comme très confidentiel, car il m’a parlé comme ami plutôt que comme collègue. Je dois ajouter que même dans des cercles français on n’hésite pas à trouver le communiqué d’hier soir peu diplomatique et d’une forme trop vive.