Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
13. France
13.1. Commerce
13.1.1. Traité de commerce et guerre douanière
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 175
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E13#1000/38#158* | |
Old classification | CH-BAR E 13(-)1000/38 35 | |
Dossier title | Korrespondenz des Departements des Auswärtigen mit der Schweizer Gesandtschaft in Paris und Anträge des EDA an den Bundesrat; Telegramme; Notizen; Bundesratsbeschlüsse; Akten der Bundesversammlung und Bundesbeschluss (16.08.1895) betr. eine provisorische Regelung der Handelsbeziehungen zwischen der Schweiz und Frankreich (1895–1895) |
dodis.ch/42585 Le Ministre de Suisse à Paris, Ch. Lardy, au Chef du Département des Affaires étrangères, A. Lachenal1
En confirmation de mon télégramme d’aujourd’hui, 1 heure2, j’ai l’honneur de Vous faire savoir qu’à la sortie du Conseil des Ministres, j’ai vu M. Hanotaux, que je n’avais pas rencontré hier soir et auquel je n’avais pu commenter verbalement le billet dont Vous avez reçu copie. Je lui ai dit que les télégrammes reçus pendant la nuit3 confirmaient et accentuaient l’impression qu’il ne nous est pas possible d’entrer dans la voie des réductions du tarif suisse. Pour justifier le Conseil fédéral de s’être contenté de concessions aussi minimes à l’entrée en France en regard des concessions de 1892, considérées alors par nos intéressés comme l’extrême limite, il lui faut un argument de nature à agir sur l’opinion publique et cet argument était: «C’est vrai nous avons obtenu très peu de chose, mais nous n’avons rien donné du tout». Cet argument est un peu cousu de fil blanc, puisque en réalité nous donnons à la France nos traités avec l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, l’Espagne et la Norvège, mais au moins nous pouvions dire que nous ne portions pas de nouvelles atteintes à notre tarif.
Il y a une autre difficulté, c’est que les Chambres fédérales sont compétentes pour approuver les conventions internationales, tandis que si nous touchons à notre tarif d’une façon autonome, on peut se demander si le délai de référendum ne doit pas être attendu, ce qui peut être un obstacle insurmontable. Je ne puis croire que les fabricants français de vins mousseux ne puissent se contenter des droits dont se contentent les vins mousseux allemands et italiens; il en est de même pour les parfumeries, que l’Allemagne produit autant et plus que la France. M. Méline a toujours proclamé qu’à raison de la supériorité intrinsèque des produits français, les industries françaises d’exportation pouvaient se contenter à l’étranger du traitement de la nation la plus favorisée. Je ne pense donc pas que Vous rencontriez chez lui des résistances sérieuses lorsque Vous lui direz, que n’ayant presque rien accordé à la Suisse à l’entrée en France, Vous ne pouviez pas obtenir encore des réductions du tarif suisse, et qu’il est exagéré de demander le beurre, et l’argent du beurre. Comme dans tous les pourparlers à Berne, il n’a jamais été dit un mot de demandes de réductions du tarif suisse, comme dans toutes les lettres que j’ai reçues de Berne au sujet de ces négociations, on m’a toujours écrit qu’il y avait accord pour ne rien nous demander sur notre tarif, je ne dois pas Vous cacher qu’on est extrêmement étonné et découragé à Berne; on commence à croire que Vous cherchez un moyen pour ne pas aboutir; nous avons cru qu’en abandonnant toutes nos demandes à la condition d’un accord sur les tissus de soie, tout était fini; je l’ai cru pour ma part à ce moment décisif où aucune réserve n’a été faite. Ce ne sont pas Vos industries d’exportation qui Vous feront des difficultés; je Vous prie instamment de renoncer à ces quelques demandes de la dernière heure, car je sens qu’il y a chez nous une résistance de principe devant laquelle nous risquons fort d’échouer et ce sera le cas de dire que nous échouerons au port.
Le Ministre m’a répondu qu’il avait entretenu de la question ses collègues au Conseil des Ministres de ce matin, après avoir depuis hier cherché des combinaisons pour contourner la difficulté. Tous ont été d’avis que le Ministère serait violemment attaqué s’il n’obtenait rien de la Suisse; que Jules Roche ne manquerait pas de monter à la tribune pour dire qu’il n’était pas malin de faire des arrangements pareils; que la France pouvait naturellement donner moins alors qu’elle n’obtenait rien du tout, et que cette phrase à effet ferait un tapage épouvantable et casserait le tout. J’ai besoin, a continué M. Hanotaux, de glaner, par ici par là, quelques misérables voix pour l’emporter, et ces voix, je les cherche en ce moment chez les représentants de quelques industries d’exportation; ce n’est pas pour le plaisir de faire des difficultés que je suis obligé de Vous demander quelques petites concessions sur Votre tarif; je m’en passerais bien, mais je vois qu’il m’est impossible de faire autrement, et si je Vous le demande c’est pour être sûr d’aboutir ici. On croit à Berne ou on paraît croire que je fais des difficultés parce qu’au fond je désire rompre. Je Vous jure que c’est faux, je Vous donne ma parole que je poursuis de toutes mes forces un accord commercial avec Vous, je sens chaque jour davantage l’immense valeur de ce rapprochement et je sais combien il transformera nos relations et quelle portée cela a pour la France que les relations avec Vous soient bonnes, je Vous donne ma parole que je tomberai si je ne l’emporte pas à la Chambre, et pour Vous montrer l’énergie que j’y mets, je Vous dirai que j’ai menacé un des récalcitrants de lui flanquer une grève de ses ouvriers dans les jambes s’il continuait à ne pas accepter la transaction que j’ai faite avec Vous. Je veux aboutir pour le 1er juillet à la Chambre, et je concentre vers ce but toute l’intensité de mes forces; si nous n’aboutissons pas pour le 1er juillet, tout est retardé d’un an, ne Vous y trompez pas, car il n’y a pas moyen d’aboutir sans brusquer nos parlementaires et sans tuer dans l’œuf leur coalition par cette brusquerie; je ne sais absolument pas de quel poids je pèserai sur eux dans quelques semaines, et encore moins dans un an, mais en ce moment et pour huit jours, pour quinze jours, peut-être pour trois semaines, je pèse quelque chose; j’ai eu il y a quatre jours avec l’affaire de Kiel une bonne journée. Saisissez le moment, car il Vous faudra du temps, si j’ai un successeur, pour qu’il arrive à comprendre au même degré que moi l’importance des bonnes relations de la France avec Vous, et, quand il l’aura compris, il sera, s’il est un parlementaire, beaucoup moins courageux que moi, qui suis résolu à ne jamais plus accepter de mandat électif. Barrère (est-il gêné par quelques assurances imprudemment données?) manque de fermeté, je vais lui télégraphier et Vous lire mon télégramme.
M. Hanotaux s’est alors mis à écrire deux pages qu’il m’a lues et qui sont le résumé de ce que je viens de Vous écrire. Le Ministre invite M. Barrère dans les termes les plus pressants à convaincre le Conseil fédéral qu’il désire l’entente, à expliquer les motifs parlementaires pour lesquels il est obligé de demander quelques réductions de droits à l’entrée en Suisse et ajoute en particulier que ces réductions ne doivent porter que sur les points de notre tarif ayant fait l’objet de surélévations dirigées exclusivement contre la France en vue de négocier avec elle, la Suisse devant comprendre que du moment où un accord s’établit avec la France, les droits dirigés contre celle-ci doivent être atténués.
M. Hanotaux a ajouté qu’il accepterait toutes les formes, même celle d’une convention, que nous jugerions nécessaires pour pouvoir constitutionnellement aboutir au vote des quelques réductions demandées, s’il faut absolument un mot de ralliement au Conseil fédéral, au lieu de dire, «Nous n’avons rien donné du tout» il pourra dire «Ce que nous avons donné est insignifiant», car vraiment ni au point de vue fiscal, ni au point de vue protectionniste, ce que demande la France n’est important en comparaison de l’immense apaisement et de la profonde transformation que nous attendons d’un accord. [...]4
Personnellement j’ai l’impression que M. Hanotaux ne joue pas la comédie et qu’il est sincère; il est peut-être trop timoré et demande peut-être plus qu’il n’est absolument nécessaire pour aboutir, mais je pense qu’il croit sincèrement que cela est nécessaire. Si Vous relisez mon rapport sur l’entretien avec Raynal5, les forces protectionnistes sont encore énormes. Vous remarquerez qu’en donnant à Barrère pour instructions de réclamer seulement contre les positions du tarif suisse surélevé uniquement en vue de négocier avec la France, M. Hanotaux lui laisse de la marge pour discuter. Vous remarquerez aussi qu’il n’a rien dit de Gex ni de la Convention littéraire. J’ai omis de mentionner le fait que M. Hanotaux a dit en passant que d’après ses renseignements la Suisse désirait vivement l’entente et ne se plaindrait pas, parce que c’est la Suisse qui payait les droits sur les produits français ayant fait l’objet de relèvements dans un but diplomatique; je crois n’avoir omis aucun autre point de quelque importance.
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