Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
13. France
13.1. Commerce
13.1.1. Traité de commerce et guerre douanière
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 171
volume linkBern 1994
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E13#1000/38#158* | |
Old classification | CH-BAR E 13(-)1000/38 35 | |
Dossier title | Korrespondenz des Departements des Auswärtigen mit der Schweizer Gesandtschaft in Paris und Anträge des EDA an den Bundesrat; Telegramme; Notizen; Bundesratsbeschlüsse; Akten der Bundesversammlung und Bundesbeschluss (16.08.1895) betr. eine provisorische Regelung der Handelsbeziehungen zwischen der Schweiz und Frankreich (1895–1895) |
dodis.ch/42581 Le Ministre de Suisse à Paris, Ch. Lardy, au Chef du Département des Affaires étrangères, A. Lachenal1
Hier après-midi j’ai eu un entretien de plus d’une demi-heure avec M. Hanotaux, qui s’est abstenu de me dire un seul mot des relations commerciales francosuisses; il m’a parlé de Madagascar, de la Chine, de son désir d’attirer des colons suisses à Madagascar, contrée d’élevage qui se prêterait admirablement à cette immigration, mais des soieries ou du lait stérilisé, pas un mot. Le soir, je dînais chez M. Ribot avec M. Hanotaux et d’autres membres du gouvernement, et me suis abstenu de parler de nos affaires commerciales. Dans la soirée, le Ministre de la justice, M. Trarieux, qui a été membre de la Commission des douanes du Sénat, et qui en sa qualité de représentant de la Gironde est partisan des traités de commerce, m’a dit qu’au Conseil des Ministres M. Hanotaux avait représenté les négociations comme rompues à cause de l’intransigeance de la Suisse. J’ai eu l’air de pousser un soupir de soulagement tout en faisant observer qu’à ma connaissance la seule grosse question qui restât fût celle des soieries, attendu que sur tout le reste nous avions subi les exigences françaises et qu’on me paraissait bien mal inspiré ici en choisissant pour rompre la question des soieries où l’on va se trouver en désaccord avec la majorité de l’industrie lyonnaise. Des dames sont survenues et j’ai affecté de rompre les chiens et de parler de choses et autres.
Vers la fin de la soirée, M. Trarieux m’a dit qu’il désirait me parler et s’est dirigé vers un petit salon isolé où je l’ai rejoint:
«On m’a chargé de vous dire deux mots de nos affaires commerciales. Bien entendu ce n’est pas un mandat diplomatique, mais il faut que je m’en ouvre à vous. Si je pouvais aider, j’en serais heureux. Hanotaux nous dit en Conseil qu’il n’y a rien à tirer de vous, que vous ne voulez céder ni sur le nombre des articles ni sur le taux des droits et qu’il laisse tomber la conversation avec la Suisse. Il paraît que c’est surtout sur les soieries que vous êtes intransigeants. Que se passe-t-il, n’y a-t-il plus rien à faire?»
J’ai répondu que la situation, pour autant que je la connais, le détail de la négociation ayant lieu à Berne, était bien simple: Nous subissons le tarif minimum sur l’industrie cotonnière, nous subissons le tarif minimum sur les machines, nous le subissons sur les rubans de Bâle, nous n’obtenons pour l’horlogerie que les conditions acceptées en 1892 par M. Méline, nous consentons environ au doublement de l’ancien droit conventionnel sur les broderies et au triplement de l’ancien droit conventionnel sur les fromages, comme aussi, à grands traits, au triplement du droit stipulé avec M. Jules Roche en 1892 sur les tissus de soie; ce sont là des concessions énormes, exagérées peut-être, et il est absolument injuste de parler d’intransigeance de notre part, car à mon avis nous avons été plutôt au-delà qu’en-deçà de la ligne des transactions raisonnables. Le gros point qui reste, ce sont les soieries; on nous objecte qu’on ne peut descendre pour les tissus au-dessous du droit de 300 f. sur les soies moulinées; or jamais les soies moulinées n’ont été en France à un prix inférieur à leur prix actuel et la preuve c’est que les Suisses viennent acheter en France les trois-quarts des soies moulinées que ce pays exporte; nous ne le ferions pas si elles étaient plus chères en France qu’ailleurs; donc le droit sur la matière première n’agit plus et Lyon, avec son grand marché de la soie, avec ses admirables établissements de teinturerie, a une avance assez considérable pour n’avoir nul besoin de protection. J’ai considéré comme fort habile de la part de la France de mettre le centre de gravité à la dernière heure sur cette question du droit sur les soieries, parce que cela permet à la France de céder à la dernière minute. Les droits de 6 f. et 4 f. par kg. n’ont été adoptés par la Chambre qu’à 17 voix de majorité; toute la députation lyonnaise leur était et leur est encore hostile, sauf peut-être un socialiste révolutionnaire. Si la France rompt avec nous pour cette question du droit sur les soieries, alors que nous avons cédé sur tout le reste, personne ne le comprendra ni dans l’un ni dans l’autre des deux pays. On ne rompt pas à propos d’une industrie contre le vœu de la majorité des représentants de cette industrie. Chacun sait que les protectionnistes français ont fait de grands efforts pour se créer des partisans à Lyon et qu’ils y ont réussi; mais chacun sait que ces protectionnistes sont à Lyon la minorité; nous tenons compte de leur existence dans la plus large mesure, puisque de la franchise de 1882 et du droit de 50 f. de 1892 nous sommes montés à environ 150 f. Où est le gouvernement s’il n’ose pas traiter sur ces bases alors qu’il aura avec lui toute la députation lyonnaise? S’il n’ose pas défendre une transaction qu’accepterait avec joie, j’en suis certain, toute la députation de la région intéressée, il risque fort de faire comme en 1892 et de ne pas oser défendre l’arrangement lui-même. Où est le gouvernement s’il n’ose pas dire aux Chambres que d’accord avec la majorité de l’industrie intéressée des soieries il a transigé sur ce point afin de tenir compte des intérêts généraux des industries d’exportation et des intérêts politiques du pays? Faut-il tout sacrifier même vos vins de la Gironde aux rancunes intérieures du groupe qui ne veut pas pardonner à la population lyonnaise de n’être pas en majorité devenue protectionniste? Si le gouvernement n’ose pas cela, qu’osera-t-il?
M. Trarieux a répondu par des paroles banales sur l’opportunité de notre part de faire le plus de concessions possibles. Je n’ai pas le moindre doute qu’il avait été chargé par M. Ribot de me parler et je crois qu’il était bon de mettre les points sur les i dans une conversation non officielle mais fort directe sur ce qu’il y a d’étrange dans le terrain choisi pour suspendre les pourparlers. Ou bien les Français céderont, ou bien ils s’accrochent au premier prétexte venu (et ils le choisissent mal) parce que le Cabinet, battu en brèche de tous les côtés, se trouvant en présence d’une Commission du budget hostile, désemparé, sans amis, a peur et n’ose plus apporter un arrangement quelconque avec nous au Parlement.
- 1
- Lettre (Copie): E 13 (B)/183.↩
Tags