Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
3. Argentine
3.2. Colonies suisses
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 166
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.41-02#1000/1671#3473* |
Old classification | CH-BAR E 2200.41-02(-)1000/1671 508 |
Dossier title | Correspondances politiques et diplomatiques, Teil 2 (1895–1895) |
File reference archive | 1/51-100 |
dodis.ch/42576
Le Chef du Département des Affaires étrangères, A. Lachenal, aux représentations diplomatiques suisses1
M. Rodé nous écrit en date du 15 avril dernier:
Le sentiment que le pays est menacé d’une grande guerre avec le Chili ou le Brésil ou les deux réunis, à une échéance plus ou moins éloignée et le souvenir des pertes dues aux balles des colons pendant la dernière révolution Santa-Fécine, ont produit dans la République argentine un mouvement populaire d’une intensité remarquable et d’un caractère particulier. Comme par enchantement, dans la capitale, dans les provinces et jusque dans les territoires nationaux les plus reculés, on a vu se fonder d’innombrables sociétés de tir et, chose extraordinaire ici, tous les partis s’y coudoyer. Sous la direction de l’importante Société de Buenos Aires, ces sociétés sont occupées aujourd’hui à se fédéraliser, c.-à-d. constituer une Union, avec un comité central et des comités provinciaux. Toute l’organisation est copiée tant bien que mal sur ce que nous avons en Suisse. Les initiateurs du mouvement possèdent les statuts de notre société fédérale de carabiniers et de différentes sociétés cantonales et locales que j’ai fait venir pour eux; nos institutions de tir libre les ont enthousiasmés et ils cherchent tout naturellement à créer chez eux quelque chose de semblable.
Les sociétés de tir suisses de ce pays, au nombre d’une vingtaine environ, celle de Buenos Aires en tête, s’empressèrent de mettre leur stand à la disposition des sociétés argentines, jusqu’à ce que ces dernières eussent organisé leur place de tir. Les tireurs argentins acceptèrent avec reconnaissance et l’inauguration de leurs exercices volontaires eut lieu, il y a une quinzaine de jours, dans la capitale et dans plusieurs endroits du pays à l’ombre de la bannière fédérale. Le temps est donc passé où l’on supprimait nos sociétés de tir comme constituant un danger pour la paix publique; partout, même dans la province de Santa Fe où, malheureusement, l’antagonisme subsiste vis-à-vis de l’élément officiel, on les acclame. Ce qui est suisse est à la mode aujourd’hui. Non seulement on copie notre organisation du tir libre, l’installation de nos stands, notre comptabilité de tir etc., les tireurs argentins nous ont pris jusqu’à notre bannière. Ils en ont naturellement modifié les couleurs: la croix blanche est devenue une croix bleue et le fond est blanc au lieu d’être rouge. Le drapeau de la Fédération des tireurs argentins est donc de tous points pareil à celui de nos Sociétés de tempérance de la Croixbleue. Singulière coïncidence qui a provoqué chez beaucoup de nos concitoyens de ce pays une douce hilarité.
Depuis quelques jours, les bataillons de la garde nationale de la capitale commencent à défiler à notre stand; à ce que me dit hier un officier général de l’armée, ils y passeront tous. L’instruction de tir que l’on donne à ces miliciens est des plus sommaires: les sections forment le cercle dans les pelouses du Tir Suisse; un officier de l’armée active explique, en cinq à dix minutes, le mouvement du Mauser argentin aux soldats armés de Remingtons puis on les conduit au stand où tous ceux de la même section tirent à la même cible avec le même fusil (Mauser). Les résultats, – on ne tire que debout à 300 mètres – ne peuvent pas être brillants, c’est clair; ils sont cependant bien moins mauvais qu’on pourrait le croire car presque tous les gardes nationaux du pays sont familiers avec le maniement des armes à feu. Dans deux mois, toute l’infanterie de la garde nationale de Buenos Aires – environ 14000 hommes – aura ainsi défilé devant nos cibles.
Il est clair qu’on témoigne de la reconnaissance à nos sociétés de tir pour le concours direct et effectif qu’elles apportent au développement des forces militaires du pays. Mais, comme les Argentins ont le caractère très versatile, nul ne peut savoir ce que durera leur engouement pour le tir libre et l’estime particulière dans laquelle ils nous tiennent par ce motif. Je m’efforce donc de tirer parti de leur disposition d’esprit actuelle au bénéfice des intérêts suisses en général, faisant de la propagande en faveur de nos armes de guerre et des produits de notre industrie nationale dans ce domaine. Notre fusil (modèle 1889) est très apprécié et notre revolver d’ordonnance, petit modèle, est considéré comme la première arme de ce genre existant actuellement. Dans les nombreux tirs au revolver de ce pays, c’est à peu près le seul dont on se sert aujourd’hui.
Suivant le mouvement général, le Comité central de la Croix-Rouge argentine est venu me prier, il y a quelques jours, de le mettre en relations avec la fabrique de pansements de Schaffhouse. Ses intentions sont d’y commander tout le matériel sanitaire dont il aura besoin, et ce n’est pas peu de chose. J’ai accepté d’autant plus volontiers de lui servir d’intermédiaire que le Comité de la Croix-Rouge est composé de tout ce qu’il y a de mieux dans le pays au point de vue de l’honorabilité et de la solvabilité.2
- 1
- E 2200 Paris 1/287.↩
- 2
- l’Argentine voudrait emprunter à la Suisse jusqu’à son organisation militaire. Sur l’origine des tensions entre l’Argentine et ses voisins, sur un conflit de plus en plus menaçant avec le Chili, voir encore rapports Rodé du 9.1.1895. Cf. LC du 1er février 1895 (E 2200 Paris 1/287) et du 18 juillet 1895 (E 2300Buenos Aires 1). Voir aussi DDS vol. 5, no 96, dodis.ch/42951.↩