Également: Instructions aux cantons concernant la surveillance des frontières contre l’intrusion d’anarchistes en provenance de France et d’Italie. Annexe de 8.8.1894
Également: En réponse à une proposition du gouvernement italien, le Conseil fédéral refuse de nouer un accord pour la surveillance des anarchistes. Annexe de 31.7.1894
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 142
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E21#1000/131#13882* | |
Old classification | CH-BAR E 21(-)1000/131 478 | |
Dossier title | Korrespondenzen mit ausländischen Gesandtschaften in der Schweiz betr. Kontrolle und Überwachung politisch verdächtiger Personen: Italien (1894–1907) | |
File reference archive | 06.2.2.01 |
dodis.ch/42552
Par communication verbale du 18 juillet 18942, le gouvernement italien exprimait l’idée qu’il serait utile et nécessaire qu’une entente intervînt entre l’Italie et la Suisse pour rendre plus efficaces et profitables les mesures que l’un et l’autre des pays étaient obligés de prendre contre les anarchistes. Pour préciser l’idée de son gouvernement, M. le Ministre d’Italie fit suivre la conversation qu’il avait eue avec le Chef du Département fédéral de justice et police du «Pro-Mémoire» ci-joint.3 Le 23 juillet M. Peiroleri communiquait en outre verbalement la dépêche également annexée aux présentes4, dans laquelle le gouvernement italien déclare ne pas considérer comme nécessaire un accord formel si les gouvernements voulaient seulement autoriser les autorités de frontière à établir un échange régulier et confidentiel des nouvelles qui leur parviennent au sujet du passage, de la surveillance et de l’arrestation d’anarchistes.
Le Département fédéral de justice et police, après avoir conféré avec le Procureur général de la Confédération et lui avoir demandé le préavis ci-joint, expose au Conseil ce qui suit:
1. Quelque désirables que soient des mesures d’ensemble du monde civilisé contre le fléau de l’anarchie, l’idée d’un entente, soit d’un engagement réciproque entre la Suisse et l’Italie et créant à chacun des pays dans le domaine de la poursuite des anarchistes des droits et des devoirs envers l’autre, ne nous paraît pas admissible.
Et d’abord une pareille entente, pour être parfaite, devrait nécessairement revêtir, dans une certaine mesure au moins, la forme d’un traité. Dans ce cas, à teneur de l’alinéa 5 de l’art. 85 de la Constitution fédérale, c’est à l’Assemblée fédérale et non au Conseil fédéral qu’il appartiendrait de lier la Suisse.
Puis, à supposer que l’entente fût intervenue, son exécution ne manquerait pas de présenter pour la Suisse de très grosses difficultés. La police faite aux frontières n’est pas exercée, en effet, par des agents de la Confédération; ce sont les cantons qui l’organisent et la commandent et la Confédération pourrait facilement se trouver dans l’impossibilité de remplir ses engagements faute d’organes nécessaires à cet effet.
Enfin la Suisse s’est armée elle-même et de son propre mouvement de dispositions légales, aujourd’hui en vigueur, contre les anarchistes. Il est certainement préférable pour elle de continuer à agir ainsi librement et en conservant dans ce domaine toute son indépendance d’action. Ce qu’elle aurait, en effet, accordé à un de ses voisins elle ne pourrait pas facilement le refuser à un autre; de là pourraient naître pour elle sur toutes ses frontières des obligations multiples, difficiles à remplir et peut-être parfois incompatibles avec la dignité de la Confédération.
2. Un engagement réciproque de remettre aux autorités de police de l’Etat voisin les anarchistes expulsés ne paraît pas non plus compatible avec notre droit public.
En effet, en expulsant un étranger de son territoire, l’Etat fait usage d’un droit souverain. Or il ne nous paraît point indiqué de limiter d’une façon quelconque l’exercice de ce droit; nous pensons au contraire qu’il est de l’essence de la souveraineté d’un Etat de pouvoir l’exercer avec les mains absolument libres.
En outre, par la remise des expulsés en mains des autorités de police de l’Etat voisin, l’Etat expulsant opérerait dans plus d’un cas une extradition en dehors des formes et des conditions des lois et des traités.
Or pour ce qui concerne la Suisse le domaine de l’extradition est réglé par la loi du 22 janvier 18925 et toute mesure qui pourrait avoir pour résultat d’opérer des extraditions par un moyen détourné serait contraire à la dite loi.
3. En revanche il paraît utile et désirable que les autorités de police de nos frontières soient renseignées le plus exactement possible sur tout ce qui concerne les anarchistes qui peuvent se trouver dans leur voisinage. Le caractère essentiellement mobile et ambulant de ces individus rend leur surveillance particulièrement difficile. Pour que cette surveillance indispensable puisse s’exercer avec quelque fruit, il est nécessaire que les polices des divers Etats se renseignent mutuellement sur les allées et les venues, sur les intentions connues, en un mot sur tout ce qu’elles savent sur les anarchistes de leur connaissance.
En fait, ces communications ont déjà lieu sur plusieurs points de nos frontières pour le plus grand bien des pays intéressés.
Nous pensons qu’il serait bon que ces relations se généralisent et loin de voir un inconvénient nous verrions un avantage à ce qu’elles s’établissent en particulier à la frontière de l’Italie puisque celle-ci le désire.6
Pour donner suite à ce désir et à l’idée que nous avons nous-même de la nécessité de relations des polices à la frontière, nous pensons qu’il pourrait être adressé dans ce sens une invitation aux cantons frontières leur recommandant d’établir avec prudence et grand soin ces communications.7
Le Département de justice et police propose donc qu’il soit répondu par un «pro memoria»8 à la légation italienne dans le sens des trois points ci-dessus.9
- 1
- Propositon: E 21/13882.↩
- 2
- Non reproduite.↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Non reproduite.↩
- 5
- Cf. loi fédérale sur l’extradition aux Etats étrangers du 22 janvier 1892 (FF, 1892, I, pp. 444- 458; RO, 1892, vol. 12, pp. 721-741).↩
- 6
- Cf. copie d’une note du gouvernement italien, non datée, non reproduite.↩
- 7
- Cf. annexe 1 au présent document.↩
- 8
- Reproduit en annexe 2 au présent document.↩
- 9
- Le Conseil fédéral entérina la position du DFJP dans sa séance du 31 juillet 1894 (Cf. E 1004 1/178, no 3180).↩