Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
III. SICHERHEITSPOLITIK
3. Der Ausbau der Landesverteidigung
3.1. Der Festungsbau
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 3, doc. 284
volume linkBern 1986
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2200.41-02#1000/1671#938* |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2200.41-02(-)1000/1671 347 |
Titolo dossier | Grenzbefestigung (01.01.1877 –01.01.1887) |
Riferimento archivio | 399/77 |
dodis.ch/42263 Der schweizerische Gesandte in Paris, Ch. Lardy, an den Vorsteher des Militär départements, W. F. Hertenstein1
Hier soir, dans un dîner d’hommes chez le Président du Sénat, je me trouvais placé à côté du Ministre de la Guerre, et la conversation a été portée par M. le Général Lewal d’abord sur le Simplon «qui se fera un jour parce que les intérêts du négoce finissent toujours par l’emporter et parce que les moyens de mettre un chemin de fer hors de service en temps de guerre sont suffisamment puissants» – puis sur les fortifications en Suisse. Il me paraît utile de Vous rendre compte de cette conversation, bien qu’elle ne contienne rien de très-inédit. M. le Général Lewal passe pour le premier théoricien militaire français et, à ce titre, comme aussi en raison de sa qualité de Chef de l’Armée française, ses assertions méritent de ne pas passer inaperçues:
«Et Vos fortifications?», a dit le Général Lewal, «n’allez-Vous pas mettre bientôt la main à l’œuvre? Voyez-Vous, en temps de guerre, quand un commandant de corps d’armée a l’espoir sérieux de réussir une opération en passant sur un petit bout de territoire étranger, il sera bien tenté de faire semblant d’ignorer la géographie, il dira à son chef d’état-major de ne pas lui dire qu’il y a là une frontière; une fois l’opération réussie, on fera toutes les excuses voulues; on se confondra en regrets, mais on aura atteint le but. Mais si ce commandant de corps d’armée rencontre des forts, s’il doit engager une action sanglante, il ne peut plus invoquer son ignorance, et il y a des chances pour que la seule vue de fortifications l’engage à ne pas tenter son coup. C’est à peu près la même différence qu’entre l’homme qui pince en passant la taille d’une fille sans trop s’émouvoir des cris qu’elle poussera, et l’homme qui la violerait. Vous avez en Suisse des positions si admirables, et en si grand nombre, qu’il suffirait, à mon avis, de les renforcer seulement par quelques ouvrages dont le coût ne doit pas être excessif. Il n’y a pas à le nier, il faut être fort pour être respecté. Une neutralité derrière laquelle n’est pas la force est une neutralité de papier. Aujourd’hui, cela ne compte plus. Les morceaux de papier, Vous savez ce qu’on en fait. La prochaine guerre ne ressemblera pas du tout à celle de 1870/71; les masses en présence seront tellement nombreuses que tout sera changé; je ne crois pas que les principaux coups se porteront de Votre côté; mais quand on a un ou deux millions d’hommes en présence, on ne peut les empiler tous dans le même village, ni dans le même Département; il faut les loger, les administrer, les faire vivre; dans ce choc colossal de deux millions d’hommes, les petits seront réduits en miettes s’ils ne prennent pas à l’avance leurs précautions. L’indépendance est le plus précieux des biens, et il faut savoir le payer; les Belges l’ont un peu compris avec Anvers. Je ne conseillerais pas à la Suisse un grand réduit central dans le style d’Anvers, mais des forts de barrage, et des fortifications pour appuyer les points principaux sur lesquels une bataille est probable; c’est ainsi qu’il est urgent à mes yeux de fortifier Bellinzone et le Simplon ou le débouché du Valais; je ne veux pas entrer dans le détail; mais la question des frais disparaît devant un intérêt aussi vital dans les conditions actuelles de la guerre. Et puis, Vous savez ce que coûte le passage d’une armée étrangère; huit jours d’invasion Vous coûteront en ponts sautés, routes impraticables, réquisitions et nourriture de troupes, plus peut-être que toutes vos fortifications. Je ne comprends pas que Vous hésitiez vingt minutes. On ne peut, d’ailleurs, pas tout faire en une année; on peut échelonner la dépense, et quand on a des finances aussi prospères et une dette aussi petite que la Suisse, on n’a pas à se gêner, et on peut demander aux générations futures leur quotepart des frais faits par la génération actuelle pour la sécurité permanente du Pays. Ah! je sais bien qu’on a cinquante ans de paix, qu’on négocie, qu’on fabrique, qu’on trafique, et on croit que cela continuera toujours de la même manière; mais vient la 5 lème année, et alors le réveil est terrible. Pour être indépendant, encore une fois, il faut être fort, et la Suisse peut être forte à moins de frais que la plupart de ses voisins; il n’y a que les forts qui comptent.»
Il ne faudrait évidemment pas se froisser de certaines des paroles prononcées inter pocula par M. le Général Lewal, qui parle beaucoup, très vivement, et est un ancien professeur à l’Ecole Supérieure de Guerre. Il ne s’agit pas d’une conversation officielle avec un Ministre Politique, mais d’une causerie de table avec un Militaire. L’intention de M. Lewal m’a paru être absolument amicale, et le ton de l’entretien était celui d’un Monsieur âgé, à la fois bon enfant et bourru, ton qui est habituel aux généraux français.
Il va sans dire que je Vous prie de considérer la présente lettre comme rigoureusement confidentielle et destinée uniquement à Vous, et, si Vous y voyez un avantage quelconque, à Vos collègues du Conseil Fédéral. Il ne m’appartient pas de décider quel but M. Lewal poursuivait en me faisant les déclarations qui précèdent; M. Lewal aime un peu parler, et ne paraissait pas avoir le moins du monde prémédité cet entretien.
- 1
- Bericht (Kopie): E 2200 Paris 1/126.↩
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