dodis.ch/41992
Der Bundespräsident und Vorsteher des Politischen Departements,
P. Cérésole, an den schweizerischen Gesandten in
Paris,
J. K. Kern1
Lorsque nous avons reçu hier soir, à huit heures et demie, votre télégramme chiffré2, nous étions déjà depuis quelques heures en possession de deux rapports du Département de Justice et Police de Genève touchant le prétendu complot de communards contre la vie de M. Thiers3. Voici ce que l’on nous écrivait à ce sujet:
Samedi dernier, M. le Chef du Département de Justice et Police du Canton de Genève, apprit que le commissaire spécial du Ministère français de l’Intérieur, à Ferney, avait écrit quelques jours avant à ce Ministère pour lui signaler un complot qui devait éclater en France après la libération du territoire et qui avait pour but l’assassinat de Monsieur Thiers et la proclamation d’un Gouvernement socialiste. Huit personnes devraient avoir pris part à ce complot. Elles se seraient réunies à cet effet chez un nommé Leblanc. Le Chef du Département de Justice et Police les fit aussitôt arrêter, ainsi qu’un nommé Blanpignon qui n’était pas indiqué dans le rapport, mais qui était signalé comme agent du commissaire de Ferney. Une enquête fût aussitôt ouverte et il en ressort: 1. Que les prévenus nient absolument avoir comploté l’assassinat de M. Thiers et la proclamation d’un Gouvernement socialiste. 2. Qu’ils conviennent s’être réunis chez Leblanc et avoir parlé de la libération du territoire et des éventualités qui se présenteraient à ce moment là. 3. Que Blanpignon assistait à cette réunion par ordre du commissaire de Ferney et pour le renseigner. 4. Que la perquisition faite chez l’individu signalé comme devant fabriquer les bombes n’a absolument rien découvert.
M. le Chef du Département de Justice et Police a l’impression que Blanpignon, soit pour se donner de l’importance, soit pour quelque autre motif, a dénaturé les faits auprès du commissaire de Ferney, qui lui paraît être du reste un homme intelligent et de bonne foi. Il estime qu’il n’y a absolument rien de sérieux dans cette affaire. D’autre part nous ne serions point étonnés que les personnes qui ont intérêt aujourd’hui à rendre compliquées les relations de la Suisse et de la France fussent pour quelque chose dans la fiction d’un complot contre la vie de M. Thiers et contre le Gouvernement de la République française.
Néanmoins, en suite de votre dépêche, nous avons aussitôt télégraphié4 à M. le Chef du Département de Justice et Police de maintenir l’arrestation des prévenus. Il nous a répondu5 cette nuit qu’il avait été fait droit à cette demande. Nous l’avons prié en outre de se rendre à Berne, désirant avoir avec lui une entrevue et il nous a répondu qu’il serait probablement ici demain jeudi. Nous vous communiquerons ce que nous aurons appris de lui.
P. S. Je recevrai M. Lanfrey dans la journée d’aujourd’hui et je le mettrai au courant. Je vous fais expédier, pour que vous soyez complètement au courant, des copies des 2 rapports de M. Girod, l’un du 12, l’autre du 13 mai.6